Les Scythes (/sit/, en grec ancien Σκὐθαι, Skúthai) étaient un ensemble de peuples indo-européensd'Eurasie en grande partie nomades et parlant des langues iraniennes1. Originaires d'Asie centrale ils ont vécu leur apogée entre le viie siècle av. J.-C. et la fin de l'Antiquité, notamment dans les steppeseurasiennes, une vaste zone allant de l'Ukraine à l'Altaï, en passant par la Russie et le Kazakhstan. Les Perses désignaient ces peuples par le nom de sakas, francisé en Saces. De nombreuses sources antiques attestent des peuples scythes, les Assyriens mentionnent les Saces dès 640 avant l'ère chrétienne.
Au iiie siècle av. J.-C., Arsace Ier, chef des Parni, une tribu scythique, fait la conquête de la provinceSéleucide de Parthie, et y fonde la dynastie des Arsacides. Un de ses successeurs, Mithridate Ier, fait ensuite la conquête d'une grande partie de l'empire gréco-perse au iie siècle av. J.-C. et fonde le puissantempire Parthe ou empire Arsacide. Au iie et ier siècles av. J.-C. des tribus Scythes ont également créé des royaumes en Inde, ce sont les Indo-Scythes couvrant tout le bassin de l'Indus et une partie du haut Gange à leur apogée, sur les décombres des Indo-Grecs. De nombreux groupes ethniques ou nobles continuent par ailleurs de se réclamer d'une ascendance scythe. Au début de l'époque moderne, les Polonais, Lituaniens, Ruthènes... du vaste royaume polonais et lituanien se réclamaient souvent d'une fabuleuse origine scythe ou sarmate, c'est également le cas de l’ethnie des Jats en Inde du nord.
[masquer]
Le peuple et la culture scythes nous sont essentiellement connue grâce aux textes des géographes grecs et romains2. Ainsi, pour les géographes grecs, le monde scythe, situé au Nord de la Grèce, constitue l'un des quatre mondes barbares répartis géographiquement selon les points cardinaux3
L'antique culture du cavalier scythe est principalement connue grâce aux récits de l'historien grec Hérodote qui séjourna auprès des Scythes de la mer Noire, ses récits constituent une source d'information très riche, mais ce « coup de projecteur » jeté sur les Scythes d'Ukraine pourrait faire penser que le phénomène scythe était essentiellement européenN 1. Les Scythes ont en réalité joué un rôle encore plus important en Asie qu'en Europe. Pour les étudier, on dispose aussi de vestiges archéologiques abondants et de l'art des steppes, les nomades scythes ont laissé leurs tombes appelées « kourganes », très richement pourvus de matériel parfois très bien conservé, ainsi que des stèles anthropomorphes et des roches gravées de motifs animaliers.
Par extension, le terme « Scythe » a parfois été utilisé pour désigner d'autres peuples nomades d'Eurasie ethniquement proches ou culturellement influencés par les Scythes, mais le consensus scientifique actuel est que les Scythes proprement dit sont les peuples de cavaliers nomades indo-européens d'Eurasie qui parlaient au niveau véhiculaire et religieux une langue iranienne.
Durant le IIe millénaire av. J.-C., la culture d'Andronovo, du nom d'une nécropole située sur l'Ienisseï, se développe auKazakhstan et en Sibérie méridionale, allant de l'Oural à l'ouest, au lac Baïkal à l'est, et jusqu'au Syr-Daria au sud. La culture d'Andronovo dispose du char de guerre à deux roues, tiré par deux chevaux, ce qui a sûrement beaucoup contribué à l'expansion de ses porteurs. Ses membres vivaient en partie de façon sédentaire dans des villages, cultivaient la terre et élevaient des animaux. Ils fabriquaient des armes et des outils en bronze. Au cours des xiiie etxiie siècles av. J.-C., afin de faciliter la transhumance, les éleveurs construisirent des habitations coniques démontables aux murs en claie, dont le toit comportait une ouverture centrale. Ce fut le prototype de la yourte, utilisée aujourd'hui par tous les nomades de l'Asie centrale.
Pour l'origine des Scythes, l'école russe privilégie la culture d'Andronovo, adoptant quelques changements importants. Le plus marquant est l'abandon de l'agriculture au profit du nomadisme pastoral au cours ou avant le viiie siècle av. J.-C. Les hommes d'Andronovo étaient de type europoïde et de langue probablement iranienne et à l'origine de toutes les langues et cultures iraniennes qui suivront (Mèdes, Perses et Scythes), ils descendaient eux-mêmes théoriquement et indirectement de la culture de Yamna des rives nord de la mer Noire dans le cadre de l'expansion des peuples indo-européens.
En 2015, une vaste étude fondée sur l'ADN autosomal des anciennes populations eurasiennes4 a montré que la culture d'Andronovo et celle des Scythes sont essentiellement descendantes de la culture de Sintashta qui provient elle-même essentiellement de la culture de la céramique cordée en Europe du centre-nord (et non directement de Yamna), dans le cadre d'une seconde vague de migrations indo-européennes durant l'âge du bronze depuis l'Europe vers l'Asie qui est hypothétiquement à l'origine du rameau des langues indo-iraniennes. Il y avait durant l'age du bronze un continuum génétique et ethnoculturel depuis l'Europe centrale jusqu'à l'Altaï.
Il y a un stade intermédiaire entre la culture d'Andronovo et celle des Scythes : la culture de Karassouk. Elle est datée du xiiie au viiie siècle av. J.-C.et s'étendait sur la Sibérie méridionale, à l'ouest de l'Ienisseï, et sur une large partie du Kazakhstan et de la Mongolie. C'est dans le cadre de cette culture, durant sa phase finale, que les mutations se sont produites : le passage au nomadisme, mais aussi l'introduction de la métallurgie du fer. Les selles de chevaux, ainsi qu'un harnachement permettant le développement de la cavalerie montée, font leur apparition. Les hommes de Karassouk ont surtout laissé des tombes. Leurs techniques de construction des sépultures et leur poterie étaient issues de celles d'Andronovo, ainsi que certains de leurs bijoux, comme leurs pendentifs tubulaires ou en forme de palme.
Les tombeaux des Scythes sont des tumulus, encore appelés kourganes par les archéologue de l'école russe, ils peuvent atteindre une taille monumentale. La tombe proprement dite est constituée d'une ou plusieurs chambres funéraires enterrées construites en bois ou en pierre, dans laquelle sont parfois accumulées de nombreuses richesses que le défunt doit emporter dans l’au-delà. Ce type de tombe est aussi le fruit d'un important culte des ancêtres dont le souvenir est ainsi pérennisé pour les générations suivantes dans le paysage des grandes prairies, ainsi de nos jours les steppes eurasiennes sont encore marquées par ces nombreuses collines artificielles parfois organisées en vastes groupes ou en lignes de plusieurs kilomètres. Ce type d’inhumation était caractéristique des différentes populations indo-européennes semi-nomades des steppes d'Eurasie qui se sont succédé depuis la culture de Yamna. Les différences de taille reflètent des différences de statut social : les plus grands tumulus sont ceux des rois.
Le kourgane d'Arjan5, par exemple, dans la Touva en Sibérie méridionale, daté du viiie siècle av. J.-C. c'est-à-dire des débuts de la culture scythe proprement dit, est constitué d'un remblai en pierres de 120 mètres de diamètre et de 3 à 4 mètres de haut qui recouvre une structure constituée de 70 cages en rondins rayonnant autour d'un double noyau central. On y a retrouvé les restes de 300 chevaux qui devaient provenir d'un festin funéraire. L'archéologue M. P. Griaznov a estimé que 1 500 hommes ont dû travailler durant une semaine pour édifier cette structure. Un homme et une femme vêtus de fourrures richement ornées sont enterrés au centre, dans des sarcophages. Ils sont accompagnés par quinze hommes et par 160 chevaux entièrement harnachés. On y a retrouvé des tapis, les plus anciens du monde, rehaussés d'or et d'argent, ainsi que des armes et des sculptures, et des milliers d'objets en or finement ouvragés. Ils fournissent des exemples de l'art animalier caractéristique des Scythes.
De grands kourganes, de 100 à 200 mètres de diamètre et d'une hauteur atteignant les 17 mètres, parsèment également l'Altaï, ainsi que, plus à l'ouest, leKazakhstan. Les kourganes de Pazyryk, en Sibérie méridionale, à environ 500 km au sud-ouest du site d'Arjan, sont d'un intérêt exceptionnel. Ils sont datés duvie au ive siècle av. J.-C.. Les plafonds de leurs chambres funéraires s'étant effondrés, elles se sont remplies d'une eau qui a ensuite gelé, permettant une excellente préservation de leur contenu. On y a trouvé des objets en cuir et en bois, des tentures de feutre, des tapis et des coussins rembourrés de poils d'animaux ou d'herbe, qui contribuaient au confort des nomades. Ils dormaient, semble-t-il, sur des tapis, la tête posée sur un oreiller en bois recouvert de cuir. Ils possédaient des tables basses ou des plateaux. L'une de ces tables avait des pieds démontables. Le seul animal fantastique connu des gens de Pazyryk était le griffon. On le retrouve chez les Scythes d'Europe, ainsi que chez les Perses.
L'archéologie révèle certaines différences entre Scythes d'Europe et d'Asie. Ainsi, les premiers avaient un bestiaire fantastique beaucoup plus développé que les seconds. Les chaudrons avaient un pied en Europe et trois en Asie. Les Scythes avaient de lourds plateaux surélevés en bronze qui servaient peut-être d'autels portatifs.
Les Scythes sont généralement décrits comme étant d'aspect europoïde par les auteurs anciens et les antropologues6. L'historien grec Hérodote du ve siècleav. J.-C., qui a lui-même séjourné chez les Scythes, les décrit roux avec des yeux grisN 2. Au iiie siècle av. J.-C., le poète grec Callimaque décrit les Arimaspes de Scythie comme blondsN 3. Au iie siècle av. J.-C., Zhang Qian, un envoyé et explorateur chinois de la dynastie des Han, décrit les Sai (Scythes) comme étant blonds avec les yeux bleus. Dans l'Histoire Naturelle, du ier siècle, l'auteur romain Pline l'Ancien caractérise les Serres, identifié comme Iraniens (Scythes) ouTokhariens, aux cheveux roux et aux yeux bleusN 4. À la fin du iie siècle, le théologien chrétien Clément d'Alexandrie écrit que les Scythes sont blonds. Toujours au iie siècle le philosophe grec Polemon comprend les Scythes parmi les peuples nordiques caractérisés par les cheveux blonds ou roux et les yeux bleu-gris6. À la fin du iie siècle ou début du iiie siècle de notre ère, le médecin grec Galien déclare que les Sarmates, les Scythes et les autres peuples du Nord ont les cheveux roux7. L'historien romain du ive siècle Ammien Marcellin a écrit que les Alains, un peuple étroitement liés aux Scythes, étaient grands, blonds et aux yeux clairsN 5. Au ive siècle l'évêque Grégoire de Nysse écrit que les Scythes avaient le teint clair et les cheveux blonds8. Au ve siècle le médecin Adamantios, qui suit Polémon, écrit que les Scythes sont blonds6. Cependant il est possible que les descriptions physiques tardives de Adamantios et de Grégoire de Nysse se réfèrent à des tribus germaniques orientales présentes dans les mêmes zones, celles-ci ont souvent été confondues avec les Scythes dans les sources romaines les plus tardives, car ces populations se ressemblaient.
Une étude génétique a montré en 20089 que les populations de sud de la Sibérie, de l'âge du bronze (culture d'Andronovo et de Karassouk, qui sont ancêtres des Scythes) et de l'âge du fer (cultures scythes proprement dit), avaient très majoritairement un phénotype européen du nord avec une peau claire, et en majorité des yeux et cheveux clairs, ces populations sont également porteuses de l'haplogroupe Y R1a1 originaire d'Europe du Nord et de l'est.
La culture scythe de Pazyryk localisée dans l'Altaï, qui se différencie culturellement des autres cultures scythes et en représente une des branches les plus orientales, est la seule qui est mélangée en proportion significative, bien que minoritaire, avec le type mongoloïde10.
Selon Hérodote11, les Scythes habitaient originellement de l'autre côté de l'Araxe. Ce fleuve serait la Volga. Ils délogèrent les Cimmériens, peuple proto-scythe qui a laissé son nom à la Crimée, du nord de la mer Noire, les forçant à se diriger vers l'Anatolie et les Balkans. Les ayant poursuivis, les Scythes atteignirent l'Assyrie, où ils s'allièrent au roi Assurbanipal contre les Mèdes (-669 à -626). Les textes assyriens ont donné les noms de deux chefs scythes : Iskpakāy et Partatûa. Changeant ensuite d'alliance, les Scythes contribuèrent à la chute des Assyriens, puis ils dominèrent et pillèrent la Mésopotamie et la Judée pendant 28 ans, laissant des traces archéologiques de leur présence tel le trésor de Ziwiyé, ils ont également envahit l’Égypte où leur départ a été acheté par le pharaon Psammétique Ier venu à leur rencontre, puis ils retournèrent dans les steppes de la mer Noire. L'archéologie montre que les Scythes étaient établis en Ukraine au début du viie siècle av. J.-C..
Les Scythes ont également pénétré à plusieurs reprises en Europe centrale où de nombreuses traces archéologiques de leur présence sont attestées, notamment en Transylvanie et la plaine hongroise. Les habitats fortifiés de la culture proto-celte de Hallstatt en Slovaquie furent attaqués par les Scythes dans la seconde moitié du viie siècle av. J.-C., leur présence a également été attestée en Pologne et en Tchéquie (kourganes avec trésors scythes), ils sont suspectés d'être à l'origine de la chute de la culture de la Lusace.
À cette époque, les Grecs fondent des colonies au nord de la mer Noire, comme la cité d'Olbia du Pont où séjourne Hérodote. Cette présence grecque au Nord de la Mer Noire met les Grecs en contact direct avec les Scythes. Leurs relations commerciales, culturelles et artistiques ont été très intenses, une véritable culture gréco-scythe riche en productions a fleurie sur le territoire de l'actuelle Ukraine et de la Crimée, en dépit des inévitables conflits entre les Grecs sédentaires et les Scythes nomades12. Le terme "Scythe" désigne parfois au sens strict seulement ces Scythes de la mer Noire qui formaient un sous-groupe distinct parmi les peuples scythiques, mais les Grecs utilisaient le terme également pour nommer tout l'ensemble des populations scythiques d'Asie13. Souvent, les deux populations n'entretiennent pas de relations continues, mais se rencontrent au gré de la remontée des fleuves par les marchands grecs12.
L'armée Perse compte de nombreux Scythes d'Asie centrale (Saces) durant les guerres médiques contre les Grecs. Ceux-ci se distinguèrent à la bataille de Marathon et de Platées.
Au ive siècle av. J.-C., un roi scythe, Ateas, rassembla sous son autorité de vastes territoires scythes d'Europe entre le Danube et la mer d'Azov, et effectua une tentative d'expansion vers l'ouest qui fut peut-être liée à une pression exercée à l'est par les Sarmates, un autre peuple scythe du Kazakhstanoccidental. En 339 av. J.-C., à l'âge de 90 ans, il fut tué par les Macédoniens, sous Philippe II de Macédoine, lors d'une bataille sur le Danube.
Au iiie siècle av. J.-C., les Sarmates, un peuple scythique donc, repoussèrent les Scythes de la mer Noire en Crimée et les remplacèrent dans la majeure partie des steppes européennes. Sédentarisés et hellénisés, les anciens Scythes de la mer Noire constituèrent sous l'autorité du roi Scilurus un royaume réduit entre le bas Dniepr et le nord de la Crimée. La cité grecque d'Olbia du Pont, l'un des plus importants ports d'échange de la Scythie vers la Méditerranée, fut intégrée comme vassale de ce royaume mixte gréco-scythe dont la capitale était Neapolis. Les Scythes de la mer Noire ont constituée une ethnie distincte jusqu'auiiie siècle de l'ère chrétienne.
D'autres peuples scythiques plus tardifs, et notamment dérivés des Sarmates ont joué un rôle dans l'histoire européenne durant l'antiquité tardive et jusqu'auxgrandes invasions, comme les Iazyges, les Taïfales, les Roxolans et enfin les Alains.
Les Scythes, appelés "Sakas" par les Perses, francisé en "Saces", ont des liens de parenté culturels avec les anciens Perses, car ils partagent probablement, au moins partiellement, des origines ethno-culturelles et linguistiques communes en Eurasie centrale, ces deux populations parlent notamment des langues iraniennes encore assez proches. De plus les peuples nomades Scythes sont les voisins de la Perse Achéménide au nord. Mais alors que la Perse est un grand empire agricole et sédentaire très puissant et centralisé, les Scythes sont des peuples de cavaliers pastoraux nomades farouchement indépendants et politiquement éclatés. De ce fait les relations entre les deux blocs sont intenses et complexes, faites de nombreux conflits de pouvoir, d'invasions réciproques, et d’alliances militaires.
Hérodote relate de manière très prolixe une très importante campagne militaire Perse en Scythie d'Europe, en mer Noire, menée par Darius Ier vers 513 av J.C14. Les motivations de Darius sont mal connues et on ne sait s'il voulait seulement châtier les Scythes à la suite d'une éventuelle invasion de ces derniers en Perse en soutien aux Saces d'Asie centrale ou s'il avait pour projet d'intégrer toute la Scythie à un vaste empire pan-iranien qui rassemblerait tous les peuples de culture iranienne sous son autorité, comme cela a été supposé par plusieurs auteurs, mais une autre hypothèse est que cela s’inscrit dans le cadre d'une stratégie plus globale de conquête de l'Europe, Darius ayant préalablement soumis une partie de la Thrace en alliance avec les Ioniens au sud du Danube. Selon Hérodote, Darius mena la plus grande armée jamais vue (plus de 700 000 hommes, ce qui est probablement exagéré) arrivée dans une immense flotte que les Grecs virent passer stupéfaits, pour envahir la Scythie. Les Scythes ont tenu un grand conseil entre les rois des peuples scythes et des peuples voisins, ils ont obtenu l'alliance des Gélons, des Boudines et des Sauromates (ancêtres des Sarmates), mais beaucoup d'autres ont décidé de ne défendre que leur propre territoire. Les Scythes alliés se divisèrent en trois groupes commandés par trois rois: Idanthyrsos (neveu du philosophe Anacharsis), Skôpasis et Taxakis, ils firent évacuer les non combattants (femmes et enfants) en zone protégée vers le nord dans une immense cohorte de chariots, puis ils attirèrent Darius et son armée pour les perdre dans des territoires inconnus d'eux, en particulier dans les lieux les plus arides, les Perses s’épuisèrent dans un périple extravagant à travers la Scythie d'Europe et le pays des Sauromates à l'est du Don. Une fois les Perses revenus à l'ouest du Don, un célèbre dialogue eu lieu, Darius réclama selon la coutume iranienne "la terre et l'eau" en signe de soumission, Idanthyrsos répliqua "je te ferai pleurer pour avoir osé t'intituler mon maître !". Les Scythes en sous nombre se mirent à harceler jours et nuit l'armée perse (qui est très majoritairement faite de fantassins) par des raids de cavalerie et à couper le plus possible leurs ravitaillements, ils ont essayé de convaincre les Ioniens de trahir leurs alliés Perses en coupant la retraite de ces derniers sur le Danube faite de ponts de bateaux reliés, ce qui échoua. Au lieu de "la terre et l'eau" réclamées par Darius les Scythes envoyèrent un oiseau, un rat, une grenouille et cinq flèches, invitation à s’enfuir et signe d'un sort funeste. Enfin les Scythes ont fait semblant d'accepter une bataille rangée, normalement suicidaire pour les Scythes, mais quand les deux camps se trouvèrent face à face, les Scythes se sont mis à la chasse au lièvre à cheval dans la steppe devant les Perses. Darius impuissant et dégoûté avec son immense armée de fantassins assoiffés ordonna la retraite. Les Perses purent retraverser le Danube sur les ponts gardés par les Ioniens. Cette campagne qui dura 60 jours est fort probablement exagérée sur de nombreux points par la légende dans le récit d'Hérodote, Strabon en fait un récit plus modéré. Toujours est-il qu'à la suite de ces événements les Scythes ont gagné durablement une réputation d'invincibilité auprès des Grecs.
Pour se venger des Perses, toujours selon Hérodote, les Scythes d'Europe se seraient alliés à Sparte, le roi de Sparte Cléomène serait même devenu fou à force de boire "à la scythe" (vin non coupé d'eau) lors des nombreuses rencontres diplomatiques festives avec les rois Scythes, mais cette alliance fut semble t-il sans suite militaire effective. Les Scythes prirent cependant aux dépens des Perses la "Chérsonèse de Thrace" au sud du Danube selon Hérodote.
Durant les guerres médiques
Arsace Ier est le chef des Parni, une tribu scythe de la confédération des Dahéens qui vivait approximativement entre la mer Caspienne et la mer d'Aral15, quand cette tribu fait la conquête de la province perse de Parthie qui était alors en rébellion contre l'empire gréco-perse des Séleucides. Il y fonde la dynastie des Arsacides. Un de ses successeurs, Mithridate Ier, fait la conquête d'une grande partie de l'empire des Séleucides au iie siècle av. J.-C. et fonde ainsi le puissant empire Parthe qui prend la place de l'ancien empire Perse. Sous les Arsacides l'utilisation plus généralisée des techniques militaires propres aux Scythes, tel que l'importance première accordée à la cavalerie lourdearistocratique, les cataphractaires, les archers montés et le célèbre tir parthe, feront la puissance de cet empire et sa résistance face aux Romains.
L'histoire des Scythes d'Asie centrale et orientale est beaucoup plus mal connue, de même leur extension maximale vers l'est et le nord fait débat. Les Scythes commerçaient sans doute directement avec les Chinois, ou par l’intermédiaire des Tokhariens, un autre peuple indo-européen établi plus à l'est encore. Mais il est certain qu'ils ont joué un rôle important dans l'établissement du commerce transcontinental, notamment la Route de la Soie qui se développa surtout à l'époque où les Scythes régnaient sur la plus grande partie de l'Asie centrale, et qui sera un atout majeur de l'empire Parthe.
Un peuple scythe a fondé au iie siècle av. J.-C. le royaume de Khotan, au sud-ouest du bassin du Tarim, passage obligé de la Route de la Soie où étaient établis également les Tokhariens. Il a laissé de nombreux documents écrits bouddhiques, les seuls qui permettent de bien connaître une langue scythe. Ces documents ne remontent pas plus loin que le viie siècle de l'ère chrétienne, mais le vocabulaire des Tokhariens, leurs voisins indo-européens orientaux, comprend des mots qui ont dû être empruntés aux Khotanais depuis le début de l'ère chrétienne. En vérité, tout l'ouest du bassin du Tarim était scythe, en particulier l'oasis de Kashgar. L'archéologie indique que les Scythes étaient présents dans cette région depuis le début du Ier millénaire av. J.-C.. Ces Scythes étaient appelés Sakaraukai par les Grecs et Sai-wang par les Chinois. Il y a une étonnante correspondance, puisque wang signifie « roi » et que raukais'interprète par le khotanais rūkya-, prononcé *raukya- à un stade antérieur, qui signifie « commandant, chef ». Le terme Sai, prononcé *Sek durant l'Antiquité, est la désignation chinoise des Scythes. Ainsi, ces gens étaient les « Saces-Rois ». Ils évoquent les « Scythes royaux » dont parle Hérodote. L'art et la culture scythe semble avoir eu une influence, directe ou indirecte, sur les cultures d’Extrême Orient.
Un autre peuple scythe de l'actuel Ouzbékistan, les Sogdiens, fondent plusieurs cités dont Samarcande, toujours sur la Route de la Soie, vers le ive siècle av. J.-C. et se sédentarisent, ils connurent un apogée culturel et commercial très important à la fin de l'Antiquité et le début du Moyen Âge, en dominant le commerce d'Asie centrale et sur la Route de la Soie, ils ont exercé une importante influence culturelle dans la Chine des Tang16.
Au iie siècle av. J.-C., des Yuezhi, un peuple tokharien originaire de la province actuellement chinoise du Gansu, sont contraints d'émigrer vers l'ouest chassés par les Xiongnu de Mongolie. Les Yuezhi poussent devant eux des tribus scythes, qui arrivent enBactriane, au nord de l'Afghanistan. Les Yuezhi les y ayant rejoints, ils doivent se déplacer plus au sud, au Cachemire puis au sud de l'Afghanistan, où ils donneront leur nom à la province du Séistan ou Sistan : ce nom était autrefois prononcé *Sakastan « Pays des Sakas ». De là, ces scythes se dirigent vers la plaine de l'Indus et y fondent des royaumes.
Les Scythes descendus depuis l'Asie centrale, poussés par les Yuezhi, fondent donc un royaume au Sakastan au iie siècle av. J.-C.. Puis au ier siècle av. J.-C. le roi scythe Mauès, agrandit leur royaume dans une grande partie du Nord de l'Inde: sur la totalité du bassin de l'Indus et l'Ouest de la plaine du Gange, en remplaçant en grande partie les Indo-grecsqui y étaient précédemment établis dans les suites indirects des conquêtes d'Alexandre le Grand. Les rois indo-scythes conservent en grande partie leur culture scythe avec des apports helléniques (gréco-bactriens et indo-grecs). Ils ont laissé du vocabulaire qui s'interprète principalement grâce au khotanais. Par exemple, le terme maja « ravissant » correspond au khotanais māja « ravissant ». Le nom de Maues s'explique sans doute par le khotanais mauya ou muyi, qui signifie « tigre ». Les Indo-Scythes dureront le temps d'une dynastie, et seront ensuite supplantés par les Indo-Parthes ainsi que les Kouchans, une tribu des Tokhariens Yuezhi qui y fonderont un empire.
Les Scythes émigrèrent alors vers le Gujarât et le Mâlwâ. Ces Scythes d'Inde, indianisés et hellénisés, subsistèrent en principautés jusqu'au ive siècle apr. J.-C. : principalement les Satrapes occidentaux, mais aussi dans la plaine du Gange. Une dynastie installée à Ujjain régna sur une partie du Râjasthân jusque dans les années 380. On doit à l'un de ses plus célèbres rois, Rudradâman, mort en 150, la plus ancienne inscription dans la forme classique du sanskrit, trouvée à Gimar. Les dernières principautés scythes d'Inde furent détruites par la dynastie Gupta sous Chandragupta II(376-415).
Les Scythes étaient surtout des éleveurs nomades, mais aussi semi-nomades ou des agriculteurs sédentaires, selon les conditions locales et les opportunités.
Le nomadisme scythe était "territorial" et n'a pas de rapport avec un nomadisme errant ou sous-développé, c'est-à-dire que c'est le fruit d'un long développement de techniques complexes et très rodées, après avoir longtemps expérimenté l'agriculture et l'élevage sédentaire qui a peu à peu évolué vers le nomadisme, notamment grâce à l'essor de la cavalerie montée, pour mieux tirer parti des ressources du territoire très particulier qu'est la steppe, cet océan d'herbe qui demandait à être conquis par des techniques novatrices, aboutissant à une véritable civilisation du cheval et de la steppe très sophistiquée. Les tribus scythes connaissaient parfaitement, possédaient et défendaient chacune leur propre territoire qu'elles parcouraient. Le nomadisme errant n'a existé que lorsqu'une tribu perdait le territoire de ses ancêtres et devait alors en rechercher un autre17.
Dans les grandes steppes et prairies eurasiennes, le nomadisme consistait en une transhumance des troupeaux afin de suivre les zones de pâturage abondant en fonction des saisons selon un cycle régulier. Les distances parcourues surtout nord-sud pouvaient être de 400 km à 1 500 km. Ainsi les prairies etsteppes boisées plus septentrionales au climat plus frais et humide étaient pâturées en été lorsqu'elles n'étaient pas couvertes de neige, tandis que les steppes plus maigres et surtout les vallées alluviales marécageuses des régions plus méridionales au climat plus aride étaient pâturées en hiver et au printemps. Dans les régions plus montagneuses les déplacements, plus courts, se faisaient entre pâturages d'été en altitude et pâturages d'hiver dans la plaine, la topographie et les climats locaux étant très variés en Asie centrale, différents types de transhumance existaient. Dans le même temps, grâce à une métallurgie très sophistiquée les Scythes ont pu développer des techniques d'attelage et de harnachement des chevaux de plus en plus élaborées et devenant un des supports les plus importants de l'art scythe18. Le bétail était varié, il était essentiellement constitué de bovins ou de moutons suivant les zones, mais l'animal le plus précieux était le cheval (qui était à la fois objet de légendes, monture du cavalier, animal de trait indispensable au nomadisme, fournisseur de lait de jument ainsi qu'un animal de guerre).
Le lait et surtout ses produits dérivés était l'aliment de base des nomades, plus encore que la viande dont la productivité était moindre en comparaison mais celle-ci était aussi un des aliments les plus importants. Le lait de jument fermenté était le plus apprécié et était bu dans des rhytons en corne de vache décorée pour les plus modestes, en bronze, ou en or massif ornée d'une tête d'animal (mouflon, félin, bouquetin) pour les nobles. De plus le territoire parcouru par les Scythes étant riche en cours d'eau, marais, lacs et mers intérieures poissonneuses, le poisson était donc aussi une ressource non négligeable. De nombreux animaux étaient également chassés (une grande faune sauvage existait encore à cette époque dans les steppes) mais cela constituait plus une activité de prestige qu'une ressource importante comparé à l'élevage. A cela s'ajoutait les produits végétaux et les céréales localement cultivés et échangés. Selon Hérodote les Scythes d'Europe étaient également de grands buveurs de vin, qu'ils buvaient "à la scythe" c'est-à-dire pur et non coupé d'eau contrairement aux grecs.
Les nomades vivaient principalement dans de grands chariots à quatre roues à rayons, couverts d'une tonnelle en feutre, ils étaient souvent tirés par des bœufs, plus endurants que les chevaux à l'époque pour le trait. D’après les sources grecques, lors des déplacements les femmes et les enfants conduisaient les chariots tandis que les hommes étaient à cheval pour conduire les troupeaux et mener la garde. Les chariots des personnes de haut rang pouvaient être richement meublés à l'intérieur et confortablement aménagés à l'aide de tapis peut être importés de Perse (les plus anciens connus proviennent des kourganes scythes), des étoffes de feutre aux couleurs vives, et du mobilier à base de bois, d'os, de métaux, de dorures, de fourrure et de cuir travaillé et décoré. Les kourganes gelés de l'Altaï ont permis d'avoir un rare aperçu sur le confort et le luxe que pouvait atteindre ce type d'habitat. Les nobles et les rois pouvaient posséder plusieurs dizaines de chariots conduits par des serviteurs, constituant des sortes de palais roulants, et de nombreux chevaux aux harnachements riches et pompeux, il était fréquent que la tête des chevaux soit surmontée de longues cornes de bouquetin ou de bois de cerf ou d'élan, leur donnant un air d'animaux fantastiques. Toutes ces richesses étaient enterrées dans les kourganes avec leurs propriétaires défunts pour être emportées dans l'au-delà. Des tentes (ancêtres des yourtes) aménagées en camps temporaires sont aussi mentionnées mais le peu de vestige ne permet pas d'en comprendre l'aspect exact.
Le nomadisme généralisé concernait surtout la steppe herbeuse et les régions montagneuses d'Asie centrale, mais il existait aussi divers modes de vie mixtes, semi-nomades ou semi-sédentaires agricoles dans laquelle seule une partie de la population se déplaçait pour la transhumance.
Dans la zone plus favorable de la steppe boisée européenne, des franges plus septentrionales, une agriculture était pratiquée par des groupes sédentarisés dans de nombreux villages bien organisés, cultivant blé, orge, millet, lentilles, pois, oignons et ail sur les riches terres noires. De nombreux fruitiers étaient également plantés (pruniers, pommiers, cerisiers), des animaux plus sédentaires y étaient élevés comme les porcs et les volailles (oies, canards, poules), les bovins y étaient plus prépondérants que les chevaux, signe de sédentarité. On y a retrouvé des faucilles, des meules de pierre, des silos, des grands fours complexes de séchage de grain et de fruits, qui caractérisent une économie agricole sédentaire. Un partie de la production de ces régions, notamment des céréales, était exportée par les fleuves vers les Scythes nomades de la steppe herbeuse (qui probablement dominaient les tribus sédentaires), mais aussi vers les cités grecques de la mer Noire puis exportée en Méditerranée, en échange de vin et de céramiques grecs importés en grande quantité en Scythie, ce commerce a fait la richesse des cités grecques de la mer Noire et des Scythes nomades d'Ukraine. Une agriculture sédentaire scythe était également développée en Crimée avec des apports grecs19.
Sous l'influence de la civilisation hellénique, mais aussi sous l'influence de cultures sédentaires plus anciennes, les Scythes d'Europe ont été assez prompts à se sédentariser partiellement, y compris dans certaines zones de la steppe herbeuse, des établissements urbains importants se développèrent alors dès leviie siècle av. J.-C. et se multiplièrent au ive siècle et iiie siècle av. J.-C., ils sont fréquemment associés à des exploitations minières et à l'activité métallurgique, d'autres fois ils semblent être des "capitales" de tribus scythes (à l'image des oppidums gaulois). Ces villes sont fortifiées et généralement construites en des lieux stratégiques, notamment aux confluences des grands cours d'eau, elles comportent généralement une "acropole" légèrement surélevée et fortifiée. La ville la plus importante connue dans la steppe boisée est de loin Bil's'ké Horodychtché près de Kiev au bord du Dniepr, construite aux viie siècle et vie siècleav. J.-C., elle couvrait 4 000 hectares, avec une enceinte en bois (soutenant un terre plein en terre) de 33 km de long qui devait atteindre 9 mètre de haut et doublé de fossés de 5 mètres de profond, elle était entourée de trois forts importants, la population urbaine permanente est estimée à 40 000 ou 50 000 habitants. Hérodote parle aussi d'une mystérieuse grande ville appelée Gélônos chez les Boudines dans une région de forêts et de marais au Nord des Sauromates au bord d'un grand et profond lac, on y chassait la loutre et le castor, non localisée par les historiographes (parmi les nombreuses villes connues archéologiquement), elle est décrite fortifiée et construite entièrement en bois, les maisons comme les temples, mais avec des formes grecques, la population y vivait à la grecque, s’habillait comme des grecs et rendait un culte à Dionysos, la ville aurait été fondée par les Gelons (semi-légendaires) qui sont d'origine grecque et qui se sont mélangés aux Boudines, leur langue était composé de scythe et de grec, et selon Hérodote ce serait une population d'agriculteurs20.
La métallurgie était très développée chez les nomades scythes qui travaillaient tous les métaux connus de l’époque et exploitaient des gisements, pour la fabrication d'armes, d'objets usuels comme les attelages et harnachements, mais aussi d'objets d'art. L'artisanat pouvait être pratiqué dans des camps saisonniers. Les nomades travaillaient aussi tous les produits dérivés de leurs cheptels : cuir, laine, os, corne, à des fins autant utilitaires (tentes, courroies, vêtements, outillage...) que décoratives et pour le commerce, ils excellaient notamment dans le travail du cuir et de la fourrure. La céramique scythe quant à elle est assez grossière et a beaucoup régressée comparé aux cultures proto-scythes plus anciennes, et les Scythes d'Europe préféraient importer de la céramique grecque trouvée en quantité dans certaines tombes. L'ébénisterie semble avoir été développée chez les Scythes et des meubles démontables en bois sophistiqués à motifs animaliers sculptés typiquement scythes furent découverts dans les kourganes gelés de l'Altaï, souvent incrustés d'or.
Le commerce est un élément très important des cultures scythes qui commerçaient avec tous les peuples qui les entouraient et entre eux. Les grecs furent les principaux partenaires commerciaux en Scythie européenne, en Asie centrale ce fut les Perses et les Chinois notamment avec le développement de la Route de la Soie.
Selon Hérodote, les Scythes étaient des guerriers qui espéraient être tués au combat. Mourir de vieillesse était pour eux une honte, ce qui explique qu'un roi comme Atéas ait guerroyé jusqu'à 90 ans et soit mort au combat contre les Macédoniens. Ce comportement se confirme encore chez les Sarmates et lesAlains.
En tant qu'éleveurs nomades dans les grandes steppes eurasiennes, les Scythes étaient les grands maitres de la cavalerie dans l'Antiquité. On attribue aux Scythes les principaux développements de la cavalerie montée. D'abord maitres de la cavalerie légère les Scythes sélectionneront des races de chevaux plus fortes, qui leur permettront de développer la cavalerie lourde aristocratique et les premiers cataphractaires entièrement en armure, déjà engagés par lesAchéménides ils constituent plus tard la force de l'empire Parthe. Dans le même temps, les Scythes exploitent leur mode de vie nomade pour utiliser massivement le char de combat, face auquel les civilisations sédentaires sont démunies18.
Au gré des alliances opportunistes les cavaliers scythes ont souvent servi de mercenaires dans les armées des empires pour lesquels ils constituaient un atout majeur, en particulier avec l'armée perse, plus sporadiquement avec les Grecs, et plus tard également avec les Romains (Sarmates, Alains), mais aussi déjà avec les Assyriens et peut être aussi les Chinois.
L'arme principale des Scythes était l'arc et les archers montés à cheval étaient la grande spécialité scythe. Les Scythes, ou du moins leurs ancêtres directs (Sintashta, Andronovo) sont les inventeurs de l'arc composite, c'est-à-dire formé de plusieurs matériaux différents, ce qui lui donnait une souplesse et une résistance supérieures à celles des arcs simples en bois, privilégiant une grande puissance de tir. L'arc scythe avait un profil très reconnaissable, il était d'une taille modérée, à double courbure prononcée et des extrémités recourbées. Ils utilisaient également la lance et l'épée, les épées étaient de deux types, une longue et surtout une courte du typeakinakès (akināka- en sogdien).
Les Scythes sont d'origine indo-européenne, leur religion complexe et polythéiste entretient donc de nombreuses similitudes avec les religions grecque, thrace, celte, germanique, iranienne (perse) et hindoue.
Les récents travaux montrent que les Scythes baignaient dans une atmosphère religieuse. Pourtant, ils n'avaient pas de classe de prêtres, contrairement à leurs cousins indo-européens. Hérodote (IV, 67) mentionne des devins qui manipulaient des faisceaux de baguettes de saule et d'autres, les Enarées « hommes-femmes » (d'un composé iranien *a-narya « non-mâle »), qui se servaient de morceaux d'écorce de tilleul. Ces personnages n'avaient rien de sacré. Quand un roi tombait malade, ils pensaient généralement que quelqu'un avait juré un faux serment sur le feu royal.
Ce que les Scythes avaient de plus sacré était sûrement leurs sépultures: symbolisant la pérennité des ancêtres dans le paysage, ils les construisaient aussi loin que possible de leurs ennemis et étaient prêts à mourir pour les défendre.
Hérodote donne une liste de divinités scythes avec leurs équivalents grecs. Pour certaines d'entre elles, il précise leur nom scythe, mais prononcé à la manière grecque :
L'Héraclès scythique devait être très proche de son homologue grec, puisque les Grecs de la mer Noire ont mélangé leurs mythes : ils lui ont attribué le dixième travail de leur propre héros, celui où il vole les bœufs de Géryon (lesquels se transforment en juments dans la suite de leur récit).
L'identification de ces dieux est problématique, mais ce travail a bénéficié de l'avancée des études indo-européennes. Les Indo-européens mettaient le dieu du feu en tête de leur panthéon, ce qui est le cas ici. Tabiti correspond à une ancienne déesse indienne[réf. nécessaire] dont le nom est lié au sanskrit tapati« brûler ». Georges Dumézil a retrouvé ses traces dans les légendes des Ossètes, peuple iranien du Caucase. Il a également reconnu en l'Arès scythique un héros ossète, Batraz. Ces deux personnages s'identifient notamment tous les deux à une épée.
Dans le nom d'Apia, les spécialistes s'accordent à reconnaître l'iranien āp- « eau ». Selon Hérodote, c'est la Terre, mais l'analyse de la mythologie indo-européenne montre que la Terre était représentée sous la forme d'une montagne « sécrétant » une rivière, c'est-à-dire d'une montagne-source. Les Indo-Iraniens ont accentué son aspect humide. Dans les textes grecs, le dieu iranien Mithra est identifié à Apollon, ce qui permet de considérer qu'Oitosuros est Mithra. Ce nom devait être un composé Oito-suros dont le deuxième membre provenait du vieil iranien sūra- « fort ». Dans l'Avesta, ce qualificatif est attribué à Mithra. Quant au terme oito, selon l'analyse de François Cornillot, il était la graphie grecque de *witāw, de *hwatāwah « souverain ». Ainsi, les Scythes surnommaient Mithra le « Souverain Fort ».
Ce même auteur a proposé une autre lecture du nom des Sakā haumavargā (une confédération de Saces nommée ainsi par les Perses) : il fait dériver son deuxième membre de hauma warāgan, où le terme warāgan signifie « vainqueur de *Wāra » et aboutit à l'ossète Wœrgon. De la sorte, les Sakā haumavargāsont les « Saces adeptes du culte du Haoma vainqueur de *Wāra ». Pour comprendre la signification de cet ethnonyme, le Haoma est une plante divinisée et son ennemi *Wāra, appelé Vritra dans les textes indiens, est un démon qui cherche à faire disparaître le soleil et à obstruer la rivière qui descend de la montagne-source. Comme *Wāra représente la mort, la victoire du Haoma (plante d'immortalité) est celle de la vie sur la mort.
Les Sogdiens, fondateurs de la cité de Samarcande, étaient d'anciens Sakā haumavargā, car le nom de cette cité pourrait s'expliquer[réf. nécessaire] commeSaka-Haumawarga-kantha « ville des Saces Haumawarga » → *Sai-Maragkanda → *Sā-maragkanda (la transformation de saka en sai est un phénomène attesté ailleurs).
Enfin, le hauma-wāragan est aussi connu sous le nom de xwarnah (ou khvarnah). C'est une entité multiforme, lumineuse, assimilée à un feu mais qui séjourne sous les eaux. Selon un texte iranien, le Bundahishn, il est gardé par la déesse Aredvi Sūrā Anāhitā. Celle-ci est donc la xwarnah-pāthrā, « [déesse] assurant la garde du hauma-wāragan » (ou th se prononce comme « thank you » en anglais). En inversant les termes hauma et wāragan, puis par transformations successives, on obtient : wārag[an]-hauma-pāthrā → *wārgumpāsā → * argempāsā. On reconnaît le nom de la déesse Argimpasa.
Les Scythes sont connus pour leur art animalier. Il s'agit d'un trait de culture original : les hommes d'Andronovo ne décoraient leurs céramiques qu'avec des motifs géométriques abstraits. Les Scythes qui leur ont succédé couvraient leurs objets de représentations de cerfs stylisés à très longs bois en "galop volant", de bouquetins, de félins enroulés ou de rapaces, dans un stylisme très particulier et des conventions de représentation constantes depuis l'Ukraine jusqu'à la Mongolie sur plusieurs siècles. Le loup était présent surtout en Sibérie méridionale. Le cerf semble être un animal important et symbolique de cette culture. Il y a aussi le griffon, commun à tous les Iraniens, et des animaux imaginaires et composites. Il y a des représentations très réalistes de combats d'animaux. On ignore ce que tout ces symboles animaliers signifiaient mais il semble certain qu'ils revoient à des idées mythologiques complexes. Les momies scythes de l'Altaï qui ont une peau bien conservée ont de nombreux tatouages virtuoses de motifs animaliers complexes, ce sont les plus anciens tatouages parvenus jusqu'à nos jours avec ceux des momies du Tarim. Les représentations humaines sont aussi importantes, le guerrier scythe et les chevaux sont très souvent représentés ainsi que des scènes pastorales, mais essentiellement en Ukraine par suite de l’influence hellénique. L'art scythe présente d'évidents liens de parenté avec l'art grec, l'art perse et l'art thrace, ainsi que l'art celte, surtout dans les zones où des groupes scythes ont été en contact avec ces cultures, mais cela s'est greffé sur un fond d'art scythe constant et plus ancien que ces influences.
Les Scythes étaient des métallurgistes réputés, ils fabriquaient beaucoup d'objets légers de bronze et d'argent, en particulier des plaques ornementales ajourées représentants des scènes animalières en mouvement, ces plaques étaient cousues sur les vêtements et accessoires des personnes et des chevaux qui pouvaient être très richement ornés.
Mais l'art majeur et le plus connu des Scythes était l'orfèvrerie, les scythes sont considérés comme parmi les meilleurs orfèvres de l'antiquité. De nombreuses tombes (kourganes), richement meublées21, dans toute l'aire de répartition des Scythes ont livré de très grandes quantités d'objets en or, jusqu'à plusieurs milliers d'objets d'or massifs pour les tombes princières, particulièrement remarquables par la finesse de leur travail, la diversité des techniques utilisées, le réalisme des représentations, l'équilibre des proportions et un grand sens de la représentation du mouvement. Le style de l’orfèvrerie scythique montre quelques liens évidents de parenté avec l'art celte, grec, thrace, perse et même assyrien, mais possède aussi son style propre22,5. De nombreux objets en or étaient des ornements qui étaient cousus sur les vêtements d'apparat et les accessoires des hommes et des chevaux. En Scythie européenne, au nord de la mer Noire, l'art scythe a fusionné avec l'art grec, donnant naissance à une riche orfèvrerie gréco-scythe.
Une influence artistique antique provenant de l'Asie centrale nomade est identifiable en Chine à partir du viiie siècle av. J.-C., à la suite de contacts avec les Scythes frontaliers de l'ouest et du nord-ouest de la Chine antique23.
Après leur expulsion du Tarim par les Yuezhi au iie siècle av. J.-C., certains Scythes pourraient aussi avoir migré vers le Yunnan en Chine du sud où leurs talents de métallurgistes auraient été mis à profit. Des guerriers scythes pourraient également avoir servi comme mercenaires pour les différents royaumes de la Chine ancienne. Les objets d'art anciens du royaume de Dian dans le Yunnan ont révélé des scènes de chasse de cavaliers europoïdes et des représentations animalières dans un style typique des Scythes d'Asie centrale24.
Des influences scythes ont également été identifiées en Corée et au Japon. Divers artefacts coréens, comme les couronnes royales en or du royaume de Silla, sont peut être de conception scythe. Des couronnes similaires, apportées par des contacts avec le continent, peuvent également être trouvées durant lapériode Kofun au Japon. Via les steppes d'Asie du nord-est des groupes scythes auraient facilement pu atteindre la Corée où le savoir-faire des orfèvres aurait pu être mis à profit, les coréens adoptent également à cette époque le principe des kourganes pour les inhumations nobles25,26.
Une manifestation archaïque de l'art animalier des Scythes se trouve sur les « pierres à cerfs ». Elles ont une répartition très orientale : on les trouve à l'est du lac Baïkal et surtout en Mongolie. Plus à l'ouest, dans la Touva, elles sont placées près des sépultures, parfois au sommet des kourganes, le kourgane d'Arjan contient un fragment de pierre à cerfs. Il y en a aussi, mais en faible nombre, au Kazakhstan, jusqu'au sud de l'Oural. La plupart sont considérées comme très précoces et datant de la culture proto-scythe de Karassouk. Sur les pierres sibériennes ou mongoles des animaux très stylisés sont gravés, surtout des cerfs en "galop volant" selon un prototype qui sera omniprésent dans l'art scythe durant des siècles sur tout le territoire des peuples scythes, on trouve aussi des représentations de bouquetins, de sangliers, de chevaux ou de félins.
Les stèles anthropomorphes, plus nombreuses, sont des pierres dressées représentant de manière très schématique un homme en armes, elles marquent l'emplacement des tombes et sont elles aussi parfois placées au sommet de certains kourganes. On reconnaît un collier de perles et une ceinture où sont accrochés des objets (poignard, pic, arc, hache de combat, couteau et pierre à aiguiser). En Mongolie orientale, dans l'Altaï et la Touva, ces pierres apparaissent dès le ixe ou le viiie siècle av. J.-C., mais les stèles anthropomorphes ont des origines bien plus anciennes, selon un prototype presque inchangé, dans les steppes du nord de la mer Noire où elles étaient dressées dés les premières cultures indo-européennes de l'âge du bronze ancien et s'étaient déjà répandues en Europe occidentale et en Asie avec les invasions indo-européennes.
Lorsque le héros Héraclès se fut accouplé avec le monstre Échidna, cette dernière mit au monde trois garçons. Puis vint le moment pour Héraclès de continuer sa route. Mais le jour du départ, Échidna demanda à son amant ce qu’elle devrait faire de leurs enfants, une fois parvenus à l’âge d’homme. Héraclès prit l’un de ses deux arcs et son baudrier qu’il donna à Échidna. Il ajouta que celui des trois qui parviendrait à positionner le baudrier et à bander l’arc comme lui-même le faisait, deviendrait le roi du pays. Les deux autres frères devraient alors s’exiler. Arrivés à l'âge d'homme, Échidna rassembla ses trois enfants, Agathyrsos, Gélonos et Scythès. Le test pouvait alors commencer. Seul Scythès parvint à réussir les deux épreuves. Comme l’avait exigé Héraclès, Échidna donna le pouvoir suprême au vainqueur, tandis que ses deux autres enfants s’exilèrent. À ce moment, Scythès donna son nom à cette région et à son peuple.
Pour les Grecs et les Romains, le monde dans lequel évoluent les tribus scythes est marqué par le froid et la neige : Homère parle d'une terre froide, Hérodote du ciel neigeux; Ovide d'un monde de glaces éternelles et de mer gelée.
Ce contact avec le climat continental déstabilise les auteurs méditerranéens, peu habitués aux vents27. Lucien signale que les invocations des Scythes se font souvent « par le fer et par le vent »12.
Les Amazones sont un peuple semi-mythique uniquement constitué de femmes guerrières, elles peuplaient les steppes du nord de la mer Noire et l'Asie centrale. Leurs attributs sont typiques des peuples scythiques: cheval monté, lance, hache, et surtout arc et flèches, elles vont même jusqu'à se couper le sein droit pour faciliter le tir à l'arc.
Or si les Amazones proprement dit n'ont probablement pas existé, le fait que les femmes scythes et sarmates, appartenant à un peuple de cavaliers nomades aux mœurs différentes des sédentaires puissent chevaucher comme les hommes, et même de guerroyer quand la tribu était en danger, a pu frapper l'imaginaire des grecs. Des fouilles archéologiques à la frontière entre la Russie et le Kazakhstan ont permis de mettre au jour des tombes de femmes guerrières, enterrées avec leurs armes entre 600 et 200 av. J.-C., probablement cavalières comme le révèle l'analyse ostéologique. L'une des tombes était richement garnie de nombreux objets et bijoux féminins et également de 100 pointes de flèches. Une enquête approfondie menée dans la même région a démontré l'existence d'une tradition vivace de la femme archer et cavalière émérite, leur arc est identique à celui qui est représenté sur des céramiques antiques28.
Selon les Yasht, la partie mythologique de l'Avesta, le texte sacré du zoroastrisme, un héros nommé Thraetaona (le Fereydoun du Shâh Nâmâ de Ferdowsi) partagea son royaume entre ses trois fils, Iradj, Salm et Tour. Iradj reçut la Perse, Salm la partie occidentale de son royaume et Tour la partie orientale. LeYasht XVII (prière à la déesse Ashi, 55-56) parle des « Tours aux chevaux rapides ». Selon les écrivains de l'Antiquité et du Moyen Âge, le Touran s'étendait dans les steppes du nord de la Perse et du Turkestan occidental (domaine des Sogdiens). Ceci permet de les identifier aux Scythes. Le roi Fraransyan du Touran agressa les Perses mais fut vaincu. Cette lutte est relatée dans le Yasht XIX. Si Thraetaona est purement mythique, il n'y a pas de raison de douter de la confrontation entre les Perses et les nomades touraniens. Après l'arrivée des tribus turques au Turkestan, les Touraniens (et par conséquent les Scythes) furent considérés à tort comme Turcs.
Le nom de Tour vient d'un terme indo-iranien, tura, qui signifie « puissant ». D'après les travaux de François Cornillot, spécialiste du Rig-Veda et de l'Avesta, on le retrouve dans le nom de Targitaos, l'ancêtre des Scythes selon une légende racontée par Hérodote, avec une transformation du u et un a propre aux Scythes septentrionaux : ce nom était auparavant prononcé *Tar-γwitaw, titre provenant lui-même de *Tur-hwatawah « Souverain Puissant ». Hérodote (IV, 5-6) rapporte que Targitaos eut trois fils, Lipoxaïs, Arpoxaïs et Coloxaïs. Sous leur règne, trois objets en or tombèrent du ciel, une charrue et un joug, une hache-sagaris et une coupe. Les deux premiers frères voulurent prendre ces objets, mais ils s'enflammèrent. Ils revinrent à Coloxaïs, qui eut alors le titre de roi. Ces trois objets représentent les trois fonctions reconnues par Georges Dumézil chez tous les peuples indo-européens : la fonction cléricale (le bol), la fonction guerrière (la hache) et la fonction de production (la charrue et le joug). Étant rentré en possession de ces trois objets, Coloxaïs acquit un caractère trifonctionnel, comme tous les rois indo-européens. Par ailleurs, les linguistes considèrent unanimement que le suffixe -xaïs reproduit le nom iranien du roi, qui était xshaya- en avestique.
Plusieurs groupes ethniques se sont plus ou moins réclamés d'une ascendance scythe, moyen d'établir une connexion prestigieuse entre identité nationale et Antiquité classique. Les traditions des peuples turcophones kazakhs et iakoutes (dont l'endonyme est Sakha), ainsi que celles desPachtounes d'Afghanistan les connectent également aux Scythes. Plusieurs légendes pictes,gaéliques, hongroises, serbes et croates (entre autres) mentionnent également des origines scythes. La déclaration d'Arbroath de 1320 revendique la Scythie comme ancienne patrie desÉcossais.
Les Scythes sont également intégrés dans des récits post-médiévaux sur l'origine supposée desCeltes. L'historien britannique Sharon Turner les décrit, dans son Histoire des Anglo-Saxons, comme ayant investi l'Europe autour du vie siècle av. J.-C. et, se basant sur plusieurs sources anciennes, ils les identifie aux ancêtres des Anglo-Saxons. De même William Jones les rapproche des populations européennes29.
À la fin du XVIIe et le début du xviiie siècle se répandit l'intuition que la plupart des langues européennes et la langue persane, qui sont très proches entre elles (faisant partie d'une même famille de langues que l'on appelait pas encore les langues indo-européennes) ont une origine commune que l'on se figure alors chez les anciens peuples cavaliers des steppes de la mer Noire, identifiés aux Scythes dont parle Hérodote, du fait entre autres de l'importance du vocabulaire commun propre au cheval qui caractérise ces langues. Cette intuition, la « théorie scythique », notamment défendue par le philosophe et mathématicien Leibnizqui était passionné par la question, est la préfiguration de l'hypothèse kourgane qui est aujourd'hui largement admise par la majorité des archéologues, linguistes et généticiens pour expliquer l'origine des langues et cultures indo-européennes, et selon laquelle c'est la domestication du cheval et l'invention duchar par les peuples des steppes de la fin du néolithique et de l'âge du bronze, ancêtres des Scythes, qui leur ont permit leur vaste expansion en Europe et en Asie30.
« On peut conjecturer que cela vient de l'origine commune de tout ces peuples descendus des Scythes, venus de la mer Noire, qui ont passé le Danube et la Vistule, dont une partie pourrait être allée en Grèce, et l'autre aura rempli la Germanie et les Gaules » (Leibniz, Essais sur l'entendement humain, 1703)
Mais il faudra attendre la fin du xviiie siècle pour que la découverte du sanscrit, lui aussi très proche des langues européennes, lance le début des études indo-européennes.
Aux xviie siècle et xviiie siècle, il est commun de considérer les Russes, les Polonais, les Lituaniens, les Russes blancs comme descendants des Scythes. AInsi, en 1704, Leibniz situe la région d'origine des Scythes dans la Steppe pontique, en faisant les ancêtres des Slaves31. Au cours du xixe siècle, les Scythes sont perçus, dans le contexte de conquête russe de l'Asie centrale, comme les ancêtres communs des populations non turques de la région32.
Souvent, les lettrés polonais de l'époque humaniste ou du siècle des lumières, tel Stanislas Leszczynski, assimilent le qualificatif «scythe » avec l'identité primitive des ancêtres, adoptant spécifiquement le terme « sarmate » pour dénommer leurs compatriotes anciens ou vivants en république chrétienne. LesSarmates étant les successeurs et héritiers des Scythes, à l'époque historique et surtout chrétienne. Mais nous savons désormais, par les études linguistiques, que les Russes et les Polonais sont des Slaves, les Lituaniens sont des Baltes... et non pas des Scythes, appellation conventionnellement utilisée dans la poésie du xviiie siècle : Alexandre Blok l'évoque d'ailleurs de manière sarcastique dans son dernier grand poème Les Scythes (1920). Le romantisme duxixe siècle en Occident exalte les « barbares » scythes de la littérature en ancêtres libres et démocratiques des Indo-Européens blonds, tandis que des écrivains nationalistes romantiques ont reconnu la présence de Scythes dans la formation de l'Empire mède et de l'Aghbanie, précurseur de l'Azerbaïdjanmoderne.
De nos jours, la revendication d'origines scythes joue même un rôle important dans les théories panturque et sarmatiste, en réalité, si les Scythes ont effectivement eu une influence culturelle importante sur les populations turco-mongoles d'Asie centrale qui ont progressivement remplacé les populations scythes au cours du Moyen Âge, l'ascendance scythe dans ces populations est assez faible.
L'ethnie des Jats dans le Penjab du Pakistan et d'Inde, se réclame d'une ascendance Indo-Scythe.
Actuellement, sur le plan uniquement linguistique, les Ossètes dans le Caucase sont les derniers à parler une langue scythique proprement dite, mais il existe aussi quelques villages prés de Samarcande en Ouzbékistan qui parlent encore un dialecte descendant du sogdien.
La modélisation propose une irruption du peuple scythe il y a trois mille ans aux confins des steppes ukrainiennes, à partir de la mutation rapide de pauvres cultivateurs en éleveurs nomades, incluant forgerons et guerriers cavaliers, ainsi qu'un rapprochement novateur entre ethnologie et archéologie, le paisible peuple de montagnards kazakh, habitant semi-nomade local actuel, ayant hérité des principaux traits de cette civilisation ancienne. Elle est opposée aux dogmes de l'ancienne école russe orientaliste ou sibérienne.
jeudi 5 avril 2007, par
Les scythes et les peuples apparentés
Au sein du vaste groupe iranophone qui porte leur nom générique, les Scythes
au sens strict sont le peuple le plus connu et le mieux documenté par
l’histoire et l’archéologie. On se contentera donc ici des quelques
indications nécessaires à notre propos.
Que les Cimmériens aient
été expulsés comme le prétend Hérodote, ou.qu’il y ait eu un simple
changement de tribus dominantes au sein d’un même continuum nomade, les
Scythes dominent la steppe pontique à partir du VIIIe ou du début du VIIe
siècle av. J.-C. Leur onomastique est nettement iranienne, et les
« véritables » Scythes nomades sont indiscutablement iranophones, même si
d’autres ethnies partagent leur mode de vie ou se trouvent soumises à leur
pouvoir (on l’a supposé à propos des ancêtres des Slaves)
L’existence nomade, pastorale et guerrière des Scythes sera aussi celle de leurs successeurs sarmates et alains. Le costume du cavalier, une partie de son équipement et de ses tactiques, certains objets de la vie quotidienne subsisteront sans grand changement jusqu’au Moyen Age et même plus tard (ainsi les petites tables-trépieds encore employées par les Ossètes sous le nom de fyng).
Cette continuité existe aussi dans les structures sociales, les croyances religieuses, et l’expression artistique à travers les styles animaliers successifs de « l’art des steppes ». Les données archéologiques permettent aujourd’hui de rompre avec l’image simpliste de nomades primitifs parfois donnée des Scythes et de leurs successeurs. Le nomadisme pastoral n’est pas une marque d’arriération, mais une économie complexe qui n’exclut d’ailleurs ni des échanges avec les populations sédentaires voisines, ni même l’existence d’établissements fixes (hivernages). Les Scythes tardifs, et après eux les Sarmates et les Alains, manifesteront une grande aptitude à la sédentarisation et même à la vie urbaine, par choix ou (plus souvent) sous la pression des circonstances.
Sur beaucoup des points où la comparaison est possible, les capacités techniques des Scythes égalent celles de leurs voisins sédentaires, y compris dans des domaines inattendus comme l’architecture. Les grands « kourganes » ou tertres funéraires des Scythes et des peuples apparentés, loin d’être de simples amoncellements de terre, comportent des structures élaborées : voûtes de pierre en encorbellement, charpentes, puits et galeries de plusieurs dizaines de mètres (le tertre luimême, chez les Scythes, peut mesurer plus de 20 m de haut et 300 m de diamètre).
Le fameux « or des Scythes », mais aussi les objets en matériaux périssables
découverts dans les « kourganes gelés » de l’Altaï, permettent de se
représenter le luxe dont bénéficiaient les aristocraties tribales, et le
relatif confort de la vie quotidienne.
De l’époque scythe datent deux traditions historiques dont on verra plus
tard les répercussions sur le destin des Alains.
La première est le rapprochement qui s’effectue sur les côtes de la mer Noire entre la culture scythe et celle des colons grecs. Sa traduction la plus connue est l’admirable art décoratif mixte du IVe siècle av. J.-C., mais il faut surtout en retenir cette intimité ancienne entre hellénisme et « ’scythigme ». La seconde est l’iranisation - plus précisément la « scythisation » - du Caucase septentrional et même central, dès les Vile-Vie siècles av. J.-C. On ren, contre des éléments de culture scythe jusque sur le versant sud du Grand Caucase (nécropole de Tli). L’archéologie distingue au Caucase des monuments proprement scythes, d’autres mixtes (coexistence de rites funéraires scythes et indigènes, comme à Narban près de Naltchik), d’autres encore attribuables à des autochtones fortement influencés par la culture scythe. Qu’il y ait eu, suivant les cas, domination permanente, simples raids, symbiose ou fusion, les influences réciproques sont évidentes, par exemple dans l’art animalier.
Au milieu du Ier millénaire avant notre Ere, les Scythes d’Ukraine et du Caucase ne sont que la partie la plus occidentale d’un grand ensemble « scythique », iranophone et nomade, qui occupe les steppes entre Don et Oural, et de vastes territoires en Sibérie et en Asie centrale. On localise à l’est du Don les Sauromates, qui représentent au moins une partie des ancêtres des futurs Sarmates. A l’est de la Caspienne et jusqu’à l’AmouDarya, les Massagètes et les Saces se trouvent au contact de la Perse achéménide. Cyrus le Grand aurait péri en combattant les premiers, et l’on connaît plusieurs représentations perses des seconds (tributaires figurés à Persépolis, relief du roi Skunkha à Béhistoun).
Toutes ces populations apparentées sont issues de la civilisation d’Andronovo (XVIIe-IXe siècles av. J.-C.). Leurs liens avec les Scythes occidentaux sont parfaitement connus dans l’Antiquité : Hérodote rapporte que les Sauromates parlent une forme « corrompue » de la langue des Scythes, et les inscriptions perses donnent aux Scythes et aux Saces le même nom de Sakâ.
Il faut souligner dès à présent - et ceci vaut pour les périodes ultérieures - que ce que les sources antiques nous présentent comme des « peuples » sont en fait plutôt des confédérations à la mode nomade, unies autour de tribus dominantes, susceptibles d’éclater et de se recomposer rapidement. Leurs appellations ne correspondent pas forcément avec les distinctions dialectales qui devaient exister entre différents parlers « scythiques » (iraniens orientaux), ni avec des cultures archéologiques bien individualisées. Les nomenclatures grecque et perse ne coïncident d’ailleurs pas exactement : là où Hérodote parle de Scythes, Sauromates, Massagètes, et autres « peuples », les Perses ne connaissent que des Sakâ différenciés par de simples surnoms. Les inscriptions de Darius évoquent ainsi les Salai tyaiy Paradraya « d’au-delà de la mer », les Sakâ tigrakhaudâ « au bonnet pointu », et les Sakâ haumavargâ (« faiseurs » ou « adorateurs du haoma (la boisson sacrée des Aryas) », ou encore « loups du haoma » ?). La localisation de ces différents groupes est discutée. Les Sakâ tyaiy Paradraya sont peut-être les Scythes d’Ukraine ; les deux autres variétés représenteraient des Saces d’Asie. Les Haumavargâ semblent correspondre aux « Amyrgètes » que cite Hérodote aux côtés des Bactriens, et les Tigrakhaudâ à ses « Orthokorybantes ».
La relative unité linguistique et culturelle de ces populations ne s’accompagne d’aucune solidarité politique, et les tribus sont agitées par de fréquents mouvements migratoires dus à des guerres ou à la modification des conditions écologiques. Ces mouvements peuvent se répercuter de proche en proche dans tout ce monde nomade très fluide.
Les Scythes seraient restés ignorés du grand public, à l'instar de bien d'autres
peuples barbares de l'Antiquité, si des expositions itinérantes sur les objets
en or créés par leurs artistes et artisans n'avaient pas attiré l'attention sur
eux. L'or continue d'exercer une véritable fascination sur les esprits. Il n'est
pas étonnant que l'or des Scythes ait attiré les foules en plusieurs occasions,
en France comme l'a fait aussi celui d'un autre peuple, mythique, celui des
Amazones. Non que les historiens aient méconnu le rôle qu'ils ont joué dans
l'histoire des Grecs et des Perses notamment. Le premier, "le père de
l'histoire", Hérodote, a raconté leur histoire, décrit leur pays, leurs moeurs,
parlé longuement du rôle qu'ils ont joué aux VIe et Ve siècles av.J.C.. Plus
tard Alexandre les rencontre aussi sur son chemin et il préparait sans doute une
expédition en Scythie quand il est mort. L'esquisse que nous nous proposons de
faire incitera, nous l'espérons, les curieux à approfondir leurs connaissances.
Le nom
Il est le calque du nom grec Skuthès
(Σκυθής , pluriel Σκύθαι), qui désigne au pluriel à la fois les Scythes et tous
les peuples du Nord-Est de l'Europe et du Nord de l'Asie, par suite au singulier
un homme inculte, grossier, brutal. À Athènes, le mot désigne un gardien de
police, parce que le corps était surtout composé de Scythes (dictionnaire
Bailly).
En fait le peuple doit son nom au héros éponyme selon la légende grecque
rapportée plus loin, Scythès, fils d'Héraclès et de la femme serpent (Hérodote, Histoires).
Dans la Bible, ils
apparaissent sous le nom d'Achkenaz (Genèse).
Vers 670 av. J.-C., un texte assyrien les appelle (a)Shgouzai ou (i)Shgouzai.
Les origines
Ce qu'on peut savoir sur les Scythes
Dans ce qui précède, nous avons déjà donné nombre d'informations sur les
peuples scythes (leur pays, leur histoire, leurs relations avec leurs voisins
etc.). Il est temps d'aller plus loin. Nous serons amenés, par la force des
choses, à nous répéter mais, pour l'essentiel, l'exposé qui va suivre apportera
des éléments nouveaux et complémentaires.
Les origines
D'où venaient exactement les Scythes, on ne le sait pas. Les travaux des
spécialistes placent leur base de départ dans une région comprise entre la mer
d'Aral et le lac Baïkal, au Nord de la Mongolie, dans la Sibérie orientale.
Comme environ 3500 kilomètres séparent les deux sites, on peut apprécier la
marge d'incertitude. Cependant plusieurs tombes fouillées dans l'Altaï ont
fourni des données intéressantes sur les peuples nomades de la région, en
particulier les tombes gelées de Pazyrik. Ce qui est sûr c'est que ces hommes
sont des Indo-Européens, différents des nomades d'origine mongole qui
emprunteront plus tard le même couloir des steppes. Ce qu'atteste, outre leur
aspect physique, leur langue, apparentée à l'Iranien, d'après les quelques mots
qui nous sont parvenus. Notons au passage que l'ensemble de ces nomades
parlaient des langues voisines mais différentes, dont nous n'avons pas de
témoignages écrits. C'est dans l'art qu'on trouve une expression commune.
La durée de leur histoire
Au temps d'Hérodote déjà (Hérodote,
Histoires), on leur attribuait (et ils s'attribuaient) une longue histoire
et Justin voyait en eux, pour l'ancienneté, des rivaux des Égyptiens (Justin, Abrégé ).
Si nous nous en tenons aux premières manifestations de leurs interventions en
Asie Mineure, leur entrée dans l'histoire du monde intervient aux environs de
670 av. J.-C., deux cents ans avant l'Enquête d'Hérodote.
Nous avons vu, même s'ils ne jouent plus guère de rôle dans l'histoire
universelle, que la leur durera jusqu'au IVe siècle ap. J.-C. Ajoutons que leur
culture se perpétue, de nos jours encore, dans le Caucase du Nord, chez les
Ossètes (Georges
Dumézil, L'épopée Narte).
Leur nombre
Nous ne pouvons donner, à titre de curiosité, qu'une évaluation, celle que les
Scythes ont donnée à Hérodote qui déclare "n'avoir pu avoir des renseignements
exacts". Elle suggère un grand nombre (Hérodote,
Histoires).
Le type humain
L'art des Scythes qui fut longtemps un art animalier accorde une place
importante à la représentation humaine à partir du IVe siècle av. J.-C..
Précisons que les hommes sont plus souvent représentés que les femmes. Ce sont
souvent des guerriers, à pied ou à cheval ou occupés à une activité de la vie
quotidienne (chasse, soins donnés à un blessé, deux personnages fraternisant en
buvant dans un même rhyton, dressage d'un cheval etc.). Les rares figures
féminines, si on fait abstraction de la période où l'influence grecque joue un
rôle primordial dans l'orfèvrerie (par exemple, revêtement de goryte en or avec
des scènes de la vie d'Achille), représentent des divinités ou des femmes en
prière (tombe de Pazyrik dans laquelle la figure identifiée comme celle d'une
déesse, faisant face à un cavalier ressemble d'ailleurs plus à un homme qu'à une
femme). Les objets, très souvent de petites dimensions, ne permettent pas
d'apprécier la taille des personnages, mais ils nous révèlent leur type et les
particularités de leur aspect et de leurs vêtements.
N.B. Goryte : étui qui contient à la fois l'arc et les flèches
Ces hommes sont pourvus d'une grande barbe, de moustaches et, le plus souvent,
d'une longue chevelure relevée en toupet sur le front et tombant librement sur
les épaules et dans le dos ou rassemblée dans une sorte de chignon ou,
semble-t-il, de natte. Barbe et coiffure nous paraissent parfois quelque peu
hirsutes ; d'autres fois en revanche leur aspect témoigne du grand soin qui leur
était apporté.
La vie quotidienne. Répartition des tâches entre les hommes et les femmes chez les nomades.
Organisation politique et sociale
Les historiens considèrent que l'organisation de la société découle de la vie
nomade. La recherche de nouveaux pâturages pour nourrir les bêtes après
l'épuisement au moins temporaire de ceux sur lesquels ils étaient installés a
conduit à des affrontements entre les clans et les tribus, d'où l'importance des
guerriers et l'apparition d'une caste de puissants qui accaparent
progressivement les richesses accumulées.
On distingue donc dans la population une aristocratie qui détient le pouvoir et
constitue une caste de guerriers, le reste de la population étant répartie entre
des hommes et des femmes libres, assurément, mais qui sont sous la domination
des riches et qui mènent une vie plus difficile, et des esclaves dont nous
verrons comment ils étaient traités. Il existait en outre une hiérarchie au sein
de l'aristocratie, des "nomarques" étant placés à la tête de "nomes"qui
regroupent plusieurs clans et tribus unis. Enfin des rois, qui exercent leur
autorité sur des fédérations de tribus, disposaient d'un très grand pouvoir. La
Scythie, toutefois, n'a jamais été une nation rassemblée durablement sous
l'autorité d'un seul homme.
Croyances religieuses, pratiques cultuelles, place de la magie et de la divination.
Nous présentons deux versions de l'histoire des kourganes, toutes deux très largement inspirées de l'ouvrage de Véronique Schiltz. L'une est relativement développée, l'autre en est un résumé. Les textes d'accompagnement sont mentionnés dans la version longue.
Ce déclin, déjà évoqué, paraît d'autant plus mystérieux, à la fin du IVe siècle,
qu'il succède à une période d'épanouissement particulièrement remarquable (cf la
partie historique) qu'attestent les kourganes de cette période et même ceux du
début du IIIe siècle. Il n'y a sans doute jamais eu un royaume scythe unifié
malgré les efforts d'Itéas, qui meurt en 339 av. J.-C. dans une bataille livrée
contre Philippe de Macédoine. Plus que les Macédoniens, vaincus à leur tour en
331 dans leur tentative d'invasion de la Scythie, ce sont les autres peuples
nomades qui sont responsables de ce déclin, en particulier les Sarmates qui
refoulent les Scythes vers l'Ouest. Ces cavaliers nomades se sédentarisent,
créent des villes à l'abri des remparts desquelles ils vivent comme les Grecs,
deviennent des commerçants, s'aventurent même sur la mer. Ils sont attaqués par
Mithridate, roi du Pont, puis par les Romains. C'est dans cette Scythia minor
qu'est exilé le poète latin Ovide (Ovide, Les
Tristes). Les Scythes existent toujours mais il n'y a plus de culture
scythe, d'art scythe, comme si leur existence était liée au nomadisme. "Depuis
le IIIe siècle avant J.-C. en fait, la Scythie nomade a cessé d'exister. Avec
les Sarmates, c'est l'Est qui prend sa revanche" (V.
Schiltz).
HISTOIRE DES SCYTHES : CHRONOLOGIE
Les Scythes : pour une appréhension plus juste
Quelle que soit l'origine que l'on retienne parmi les légendes répandues chez
les Anciens, une chose est sûre : les Scythes étaient bien connus des peuples de
l'Asie Mineure qui s'étaient trouvés sur leur route : Ourartéens, Assyriens et
Mèdes. La Bible les nomme aussi dans le livre de la Genèse. Leur pays d'origine
fait encore aujourd'hui l'objet de spéculations et de débats entre les
historiens. On sait seulement qu'ils ont emprunté, comme bien d'autres la route
des steppes.
Les Scythes qui chassaient devant eux les Cimmériens (Hérodote, Histoires)
auraient franchi le Caucase puis les hommes, partant seuls, seraient entrés en
Asie Mineure, auraient ruiné Ourartou (puissant royaume qui s'est développé dans
la région du lac de Van, ennemi des Assyriens), ébranlé l'empire assyrien déjà
déclinant, vaincu les Mèdes. Ils seraient enfin parvenus aux portes de l'Égypte
(Hérodote, Histoires, Justin, Abrégé).
Leur histoire, au septième siècle av. J.-C., est très compliquée, du fait de
renversements d'alliance. Elle concerne plusieurs générations : la première
retourna dans le pays où ils s'étaient installés vers 670, la seconde fait
irruption en Asie Mineure vers 640, parvient à dominer les peuples pendant
plusieurs années (Hérodote, Histoires)
mais finalement les Scythes, à la fin du VIIe siècle, virent leur puissance
s'effondrer et les survivants de cette longue aventure regagnèrent la région
qu'ils avaient conquise au-delà du Pont Euxin, entre le Caucase et le Dniepr.
Un siècle s'écoula, dans la tranquillité, marqué par la découverte de la
civilisation grecque, à la faveur des échanges avec les colonies grecques
installées sur les côtes septentrionales du Pont Euxin, échanges de caractère
économique entre les nomades scythes et les agriculteurs grecs, échanges
culturels, comme nous dirions, avec les cités grecques de la côte (Panticapée et
Olbia entre autres). Le représentant le plus éminent et le plus célèbre de ces
rencontres étant le fils d'un roi scythe, le jeune Anacharsis, qui voyagea en
Grèce et dans l'Asie Mineure et qui acquit la renommée d'un sage (Hérodote, Histoires).
Le roi Skylès, mort vers 455/450, est un autre représentant de ce philhellénisme
(Hérodote, Histoires).
Ces deux personnages eurent un sort tragique.
Cette période de paix, rompue seulement de temps à autre par des affrontements
entre les cités grecques et les souverains scythes, prit fin quand le roi des
Perses, Darius, entreprit de soumettre les Scythes à son autorité (entre 515 et
512). Il avait plusieurs raisons. Hérodote avance son désir de se venger des
maux infligés aux Mèdes par les Scythes le siècle précédent (Hérodote, Histoires).
Dans son extension vers l'est jusqu'à l'Oxus (=l'Amou-Daria), l'Empire perse se
heurtait aux tribus nomades des Saces, terme qui désignait en fait tous les
nomades, dont les Scythes d'Europe et d'Asie. Quelque quinze ans auparavant
Cyrus le Grand avait péri dans une expédition contre les Massagètes qui
occupaient le territoire situé entre la Mer Caspienne et la Mer d'Aral (Hérodote, Histoires).
Il y avait donc chez Darius le désir de mettre au pas ces tribus turbulentes qui
représentaient un danger permanent et dont il pouvait craindre qu'elles ne
gênassent son action dans l'expédition qu'il méditait peut-être déjà contre les
Grecs du continent. Après qu'il eut soumis les Thraces, réduire les Scythes
d'Europe lui assurait la tranquillité et lui fournissait une base de départ et
la possibilité de prendre à revers les Scythes d'Asie.
Ayant franchi l'Istros (=le Danube) sur un pont de bateaux conçu et construit
par des Grecs d'Asie, il s'avança en pays scythe, avec des forces considérables
selon les Anciens, encore que nous ayons quelques doutes sur les effectifs
annoncés (un million d'hommes ?) , jusqu'au Palus Maiotis (=la mer d'Azov) et au
Tanais (le Don), sans parvenir jamais à engager une bataille décisive, les
cavaliers scythes harcelant sans cesse les Perses et se dérobant sans cesse.
L'armée de Darius s'épuisa dans cette traversée du pays ennemi, privée qu'elle
était de vivres et de fourrage. Le Grand Roi renonça et, abandonnant son camp où
il laissa les invalides, fit retraite, poursuivi par les Scythes, qui,
heureusement pour lui, perdirent sa trace dans la steppe. Les Grecs, quoique
sollicités par les rois scythes, lui demeurèrent fidèles, lui permirent de
franchir l'Istros et de se mettre à l'abri des attaques des Scythes. L'échec
était patent mais porta-t-il un préjudice important aux Perses ? Sans doute pas,
si grandes étaient les ressources de l'empire des Achéménides.
Pour les Scythes, cette issue heureuse augmenta le poids de leur influence au
nord de la mer Noire et leur permit d'exercer un protectorat sur certaines cités
grecques (Olbia et Nymphée entre autres) d'autant plus que de nouveaux arrivants
étaient venus renforcer leur nombre.
En dépit du trouble apporté par des conflits familiaux, les rois scythes
dominèrent la région pendant deux siècles sans heurts avec le voisinage jusqu'à
ce qu'ils entrent en conflit avec la puissance nouvelle qui se manifeste en
Grèce dans la seconde moitié du IVe siècle, celle de la Macédoine de Philippe
II. Des périodes de conflits alternèrent avec des périodes de négociations et de
calme pendant les règnes de Philippe et d'Alexandre, son fils. Ce dernier,
cependant, projetait sans doute une expédition contre les Scythes quand il
mourut (Quinte
Curce, Histoires).
C'est dans la seconde moitié du IVe siècle que la Grande Scythie connut sa
période la plus faste, comme en témoignent les trésors accumulés dans les
tombeaux de leurs rois, les kourganes, sur lesquels nous reviendrons.C'est à la
fin du IVe siècle que la civilisation de cette Grande Scythie disparaît, tout
d'un coup. Les historiens ignorent les causes de cet événement, ils en sont
réduits à des hypothèses (invasion de nouveaux nomades, les Sarmates,
changements climatiques ?).
Pour autant il subsiste, pendant plusieurs siècles encore jusqu'au IVe siècle
ap. J.-C., où les Huns, après les Goths qui, au IIIe siècle l'avaient ébranlée,
lui portèrent le coup fatal, une nation scythe dont l'histoire est marquée par
des conflits avec le voisinage (les cités grecques, les Sarmates, le roi du Pont
Mithridate VI Eupator, le grand adversaire des Romains du début du Ier siècle
av. J.-C.). Les Scythes disparaissent mais leur culture survit dans des nations
voisines, les Ossètes par exemple.
On ne peut manquer d'être frappé par la durée de l'histoire des Scythes. Selon
Hérodote, en 512 av. J.C., la nation scythe aurait déjà mille ans d'existence
(Hérodote,Histoires). Si on ajoute la longue période dont nous venons de
parler, nous ne sommes pas très éloignés d'évaluer à deux mille ans la durée de
l'histoire des Scythes, abstraction faite de ce que nous ignorons du temps qui
précède leur apparition dans l'histoire des peuples d'Asie Mineure.
Annexes :
Les Scythes : peuple mystérieux du passé
GALOPANT à travers la poussière, les sacoches regorgeant de butin, voici la cavalerie d’une nation nomade qui s’avance. Ces guerriers mystérieux régneront sur les steppes d’Eurasie de 700 à 300 avant notre ère environ, puis disparaîtront, non sans laisser leur empreinte dans l’Histoire. Ils sont même mentionnés dans la Bible. Leur nom : les Scythes.
Depuis des siècles, des nomades et des troupeaux de chevaux sauvages parcouraient les prairies des Carpates de l’Europe de l’Est jusqu’au sud-est de l’actuelle Russie. AuVIIIe siècle avant notre ère, la campagne militaire menée par l’empereur chinois Hsüan a déclenché leur migration vers l’ouest. Au cours de leur déplacement, les Scythes ont combattu et chassé les Cimmériens, alors maîtres du Caucase et du nord de la mer Noire.
En quête de richesses, les Scythes ont mis à sac Ninive, la capitale assyrienne, et plus tard se sont alliés à l’Assyrie contre la Médie, la Babylonie et d’autres nations. Ils ont même atteint le nord de l’Égypte. D’ailleurs, le fait que le nom de la ville de Beth-Shân, dans le nord-est d’Israël, ait été changé en Scythopolis pourrait bien attester l’occupation scythe. — 1 Samuel 31:11, 12.
Finalement, les Scythes se sont installés dans ce qui est aujourd’hui la Roumanie, la Moldavie, l’Ukraine et le sud de la Russie. Ils se sont enrichis en servant d’intermédiaires entre les Grecs et les producteurs de céréales des régions correspondant aujourd’hui à l’Ukraine et au sud de la Russie : ils échangeaient des céréales, du miel, des fourrures et du bétail contre du vin, du textile, des armes et des œuvres d’art de Grèce, amassant ainsi d’immenses fortunes.
Des cavaliers redoutables
Le cheval était à ces guerriers des steppes ce que le chameau est aux gens du désert. Cavaliers remarquables, les Scythes ont été parmi les premiers à utiliser la selle et les étriers. Ils mangeaient de la viande de cheval et buvaient du lait de jument. Ils offraient même leurs chevaux en holocaustes. Lorsqu’un guerrier scythe mourait, son cheval était abattu et recevait un enterrement honorable, avec tout son harnachement.
Selon une description faite par l’historien Hérodote, les Scythes avaient des coutumes sadiques, telle celle d’utiliser les crânes de leurs victimes comme coupes à boire. Lorsqu’ils assaillaient leurs ennemis, ils les décimaient à coups d’épées, de haches de combat et de lances en fer, ainsi que de flèches barbelées qui déchiraient les chairs.
Des tombes pour l’éternité
Les Scythes pratiquaient la sorcellerie et le chamanisme, et ils adoraient le feu ainsi qu’une déesse-mère (Deutéronome 18:10-12). Pour eux, la tombe était la demeure des morts. Les esclaves et les animaux étaient sacrifiés pour l’usage de leur maître défunt. Le trésor et les serviteurs d’un chef étaient censés l’accompagner dans l’“ autre monde ”. Dans une tombe royale, on a retrouvé cinq esclaves allongés les pieds en direction de leur maître, prêts à se lever pour reprendre leur service.
Les chefs étaient enterrés avec de nombreuses offrandes. De plus, en période de deuil, les Scythes faisaient couler leur sang et se rasaient la tête. Selon Hérodote, ‘ ils se coupaient un morceau de l’oreille, se tondaient les cheveux tout autour de la tête, se faisaient des incisions aux bras, se déchiraient le front et le nez, s’enfonçaient des flèches à travers la main gauche ’. Contrairement à cela, la loi que Dieu avait donnée aux Israélites à la même époque stipulait : “ Vous ne devez pas vous faire d’entailles dans la chair pour une âme décédée. ” — Lévitique 19:28.
Les Scythes ont laissé des milliers de kourganes (tumulus). De nombreux ornements découverts dans les kourganes dépeignent des scènes quotidiennes de la vie scythe. Le tsar russe Pierre le Grand a entrepris de rassembler de telles pièces en 1715, et ces objets étincelants sont maintenant exposés dans des musées en Russie et en Ukraine. L’“ art animalier ” scythe figure des chevaux, des aigles, des faucons, des chats, des panthères, des élans, des daims ainsi que des griffons-lions et des griffons-oiseaux (le griffon est une créature mythologique présentant les traits d’un aigle ou d’un lion, ayant le corps, ailé ou non, d’un animal et la tête de l’autre).
Les Scythes et la Bible
La seule référence aux Scythes dans la Bible se trouve en Colossiens 3:11, où l’on peut lire : “ Il n’y a plus de Grec ni de Juif, de circoncision ni d’incirconcision, d’étranger, de Scythe, d’esclave, d’homme libre, mais Christ est toutes choses et en tout. ” Dans ce verset, le terme grec utilisé par l’apôtre chrétien Paul et rendu par “ Scythe ” ne désigne pas une nation en particulier, mais des gens incultes de la pire espèce. Paul soulignait le fait que même de telles personnes pouvaient, sous l’influence de l’esprit saint ou force agissante de Jéhovah, revêtir la personnalité selon Dieu. — Colossiens 3:9, 10.
Des archéologues considèrent que le nom Ashkenaz mentionné en Jérémie 51:27correspond à l’assyrien Ashgouzaï, terme qui s’appliquait aux Scythes. Des tablettes cunéiformes font état d’une alliance conclue entre ce peuple et les Mannaï à l’occasion d’une révolte fomentée contre l’Assyrie au VIIe siècle avant notre ère. Juste avant que Jérémie ne commence à prophétiser, les Scythes ont traversé le pays de Juda pour se rendre en Égypte et pour en revenir, sans causer aucun dommage. C’est pourquoi il est possible que certains de ceux qui l’ont entendu prédire que Juda serait attaqué par le nord en aient douté. — Jérémie 1:13-15.
Des historiens voient une allusion aux Scythes en Jérémie 50:42, qui déclare : “ Ils manient l’arc et le javelot. Ils sont cruels et ne feront pas miséricorde. Le bruit qu’ils font est comme la mer qui s’agite, et ils seront montés sur des chevaux ; rangés comme un seul homme pour la guerre contre toi, ô fille de Babylone ! ” Néanmoins, ce verset s’applique d’abord aux Mèdes et aux Perses, qui ont conquis Babylone en 539 avant notre ère.
Certains sont d’avis que le “ pays de Magog ” dont il est question dans les chapitres 38 et 39 du livre d’Ézékiel Éz 38-39 fait référence aux tribus scythes. Cependant, cette expression a une signification symbolique. De toute évidence, elle désigne le voisinage de la terre, où Satan et ses anges ont été relégués après la guerre dans le ciel. —Révélation 12:7-17.
Les Scythes ont été impliqués dans l’accomplissement de la prophétie de Nahoum annonçant le renversement de Ninive (Nahoum 1:1, 14). En effet, en 632 avant notre ère, aux côtés des Chaldéens et des Mèdes, ils ont pillé la ville, ce qui a déclenché la chute de l’Empire assyrien.
Un déclin mystérieux
Pourquoi les Scythes ont-
Pour d’autres, ce sont des luttes entre clans scythes qui les ont menés au déclin. D’autres encore voient dans les Ossètes du Caucase des descendants des Scythes. Quoi qu’il en soit, ce peuple mystérieux du passé a marqué l’Histoire de son nom, devenu synonyme de cruauté.
[Carte, page 24]
(Voir la publication)
□ Ville ancienne
• Ville moderne
Danube
SCYTHIE ← MIGRATION
• Kiev
Dniepr
Dniestr
Mer Noire
OSSÉTIE
Montagnes du Caucase
Mer Caspienne
ASSYRIE ← INVASION
□ Ninive
Tigre
MÉDIE ← INVASION
MÉSOPOTAMIE
BABYLONIE ← INVASION
□ Babylone
Euphrate
EMPIRE PERSE
□ Suse
Golfe Persique
PALESTINE
• Beth-Shân (Scythopolis)
ÉGYPTE ← INVASION
Nil
Méditerranée
GRÈCE
[Illustrations, page 25]
Les Scythes étaient un peuple guerrier.
[Indication d’origine]
Musée national de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg
[Illustrations, page 26]
Les Scythes se sont enrichis en échangeant leurs biens contre des œuvres d’art grecques.
[Indication d’origine]
Avec l’aimable autorisation du musée des Trésors historiques d’Ukraine, à K
Selon Hérodote, « La Scythie a donc la forme d’un grand quadrilatère ; deux de
ses côtés s’étendent le long de la mer et l’espace qu’elle occupe vers le milieu
des terres est parfaitement égal à celui qu’elle a le long des côtes. En effet,
depuis l’Istros jusqu’au Borysthène, il y a dix journées de chemin ; du
Borysthène au Palus Maiotis, il y en a dix autres : et depuis la mer, en
remontant par le milieu des terres jusqu’au pays des Mélanchlaines, qui habitent
au-dessus des Scythes, il y a vingt jours de marche. Or je compte deux cent
stades pour chaque journée de chemin. Ainsi la Scythie aura quatre mille stades
de traverse le long des côtes et quatre mille autres stades à prendre droit par
le milieu des terres. Telle est l’étendue de ce pays. »
Ce texte mêle curieusement la géométrisation et les méthodes plus
traditionnelles, et imprécises, de mesure de l’espace, caractéristiques du genre
des itinéraires et des périples et basées sur le nombre de jours de voyage.
Dans une autre description (II. 32), Hérodote décrit la superposition des
différentes zones de la Libye, de la Méditerranée au désert, la terre du sable,
sans eau, dépourvue de tout.
La schématisation crée un effet de mise en ordre et de hiérarchie : la
géographie débouche sur l’anthropologie, avec un parcours dans la profondeur du
continent africain, qui conduit aussi de la civilisation à l’espace vide du
désert, en passant par la zone des bêtes sauvages. (1)
Certains voyageurs européens et chinois n’ont vu dans la steppe qu’un affreux
désert où seuls pouvaient survivre les derniers des sauvages. « Le climat - dit
au XIIIe siècle Jean de Plan Carpin après avoir parcouru la steppe mongole - est
étrangement irrégulier. Le vent y souffle en tempêtes glaciales au point qu’il
est difficile de monter à cheval.
En résumé, le territoire est immense et différent [de nos pays]. Il est
infiniment plus misérable que nous ne pouvons le décrire ». Pourtant, dans Taras
Boulba, Nicolas Gogol a chanté la steppe ukrainienne, l’ancienne Scythie
d’Hérodote, comme une mer d’herbe et de fleurs :
« Alors tout le sud jusqu’à la mer Noire elle-même était un désert verdoyant et
vierge. La charrue ne passait jamais dans les vagues infinies des plantes
sauvages. Seuls les chevaux qui s’y cachaient comme dans une forêt les
foulaient. Rien dans la nature ne pouvait être plus beau.
Toute la surface de la terre formait un océan vert et or, dans lequel
jaillissaient des milliers de fleurs variées.
L’air était empli d’un millier de cris d’oiseaux divers. Les éperviers planaient
immobiles dans le ciel, les ailes déployées, les yeux fixes dardés sur l’herbe.
Le cri d’un vol d’oies sauvages passant au large retentissait sur Dieu sait quel
lac lointain. Que le diable vous emporte, steppes, mais que vous êtes
belles ! » (2)
De tous les peuples décrits par Hérodote, les Scythes sont sans doute parmi les
plus étranges et les plus fascinants. Ils sont l’incarnation même du genre de
vie nomade, tant Hérodote a déployé les implications de cette condition dans
tous les aspects du quotidien et du social.
Les nomades ne vivent pas dans des maisons, ignorent les labours et les
semailles. Ils incarnent donc l’envers de la vie en cité. Ignorant
l’agriculture, ils ne peuvent être des mangeurs de pain et, dans les Histoires,
tous les peuples nomades se distinguent par des régimes alimentaires aberrants
du point de vue de la norme grecque :
Le nomadisme des Scythes constitue un atout stratégique majeur face aux armées
de Darius qui veulent conquérir leur territoire : « Ces avantages consistent à
ne point laisser échapper ceux qui viennent les attaquer et à ne pouvoir être
joints quand ils ne veulent point l’être : car ils n’ont ni villes ni
forteresses. Ils traînent avec eux leurs maisons ; ils sont habiles à tirer de
l’arc étant à cheval. Ils ne vivent point des fruits du labourage, mais de
bétail, et n’ont point d’autres maisons que leurs chariots » (IV. 46).
L’une des particularités de la religion des Scythes nomades est de vénérer au
premier rang la déesse Hestia, puis Zeus et Gê (la Terre ; IV. 49). La présence
d’Hestia est pour le moins paradoxale, puisqu’elle incarne précisément l’espace
sédentaire de la maison et du foyer domestique, l’élément de continuité et
d’enracinement de la souche familiale.
Les Scythes nomades ont néanmoins une forme de foyer domestique : le roi emporte
chaque jour, de campement en campement, son propre foyer, recréant ainsi
symboliquement un lieu d’enracinement et un centre pour son pouvoir.
Chez les Scythes, Hestia est donc la déesse du foyer royal, lieu du serment
solennel que prêtent les Scythes, centre symbolique de leur société toujours
mobile. Hérodote décrit en fait le paradoxe du foyer d’une cité nomade… (1)
Les textes du prophète Jérémie qui évoquent l’invasion de cavaliers venus du Nord doivent se rapporter, au moins en partie, aux ravages des Scythes :
« Devant la clameur du cavalier et de l’archer, toute la ville est en fuite (4, 29). Moi, j’amènerai sur vous de très loin une nation. (…)
C’est une nation durable, c’est une nation très ancienne, une nation dont tu ne
sais pas la langue et ne comprends pas ce quelle dit. Son carquois est un
sépulcre béant ; c’est une nation de héros (5, 15-16).
Voici qu’un peuple arrive du Nord, une grande nation se lève des confins de la
terre ; ils tiennent fermement l’arc et le javelot, ils sont barbares et
impitoyables ; leur bruit est comme le mugissement de la mer, ils montent des
chevaux, ils sont prêts à combattre comme un seul homme contre toi, fille de
Sion » (6,22-23).
La dernière phase de l’histoire politico-militaire de la Scythie d’Europe est
liée au personnage d’Atéas (mort en 339 av. J.-C.), dont le long règne au IVe
siècle av. J.-C. fut marqué par une ultime tentative d’expansion vers l’ouest.
Quelques aspects nous en sont connus grâce à des textes de Strabon, Polyen,
Trogue Pompée et Clément d’Alexandrie.
Le personnage lui-même nous est présenté par les sources grecques comme un
souverain puissant, qui aurait unifié toute la Scythie du Danube au Don
(Strabon, VII, 3,18), mais qui demeurait un nomade typique dans sa rudesse et sa
barbarie.
On peut d’ailleurs soupçonner les écrivains grecs d’avoir accentué cet aspect
dans le cadre de la confrontation entre Scythes et Macédoniens, mais aussi le
roi lui-même d’avoir délibérément « joué au Scythe », comme plus tard Attila
« jouera au Hun », pour inspirer la crainte sinon le respect.
Rapportée par Plutarque, une anecdote célèbre - parce que correspondant
exactement à l’opinion du monde classique - le montre se faisant donner un
concert privé par Isménias, un fameux flûtiste grec prisonnier, avant de
grommeler qu’il préférait le hennissement de ses chevaux.
Les ambassadeurs de Philippe II de Macédoine (pourtant considéré lui aussi comme
un « Barbare » par les Athéniens ! ) furent interloqués de s’entendre demander,
par Atéas qui les recevait tout en brossant ses chevaux, si leur maître
s’occupait aussi personnellement des siens. Et la lettre du roi scythe aux
habitants de Byzance, les menaçant de venir faire boire ses chevaux dans le
Bosphore, appartient à un genre littéraire qui sera abondamment pratiqué par les
grands chefs de guerre nomades des époques suivantes - on songe là encore à
Attila.
Le territoire des Scythes
Mélomane ou non, Atéas nourrissait des projets ambitieux en direction de
l’ouest. Il existe certainement un lien avec la pression des Sarmates à l’est de
la Scythie, mais il est difficile de dire dans quel sens : est-ce cette pression
qui incita Atéas à chercher des compensations dans les régions danubiennes, ou
au contraire son tropisme occidental - et l’échec final de ses projets - qui
permirent aux Sarmates de s’infiltrer à l’ouest du Don ?
En tout cas, dès le troisième quart du IVe siècle av. J.-C., la présence des
Sarmates est attestée par des vestiges archéologiques entre Don et Donets, et il
existe des traces d’infiltrations précoces à l’ouest du Donets. Dans la seconde
moitié de ce IVe siècle av. J.-C., le Pseudo-Scylax situe encore les Sauromates
à l’est du Don, mais connaît aussi des « Syrmates » plus à l’ouest, sur la rive
de la mer d’Azov.
Sans connaître tous les détails de la politique menée par Atéas, nous savons
qu’il établit vers le milieu du IVe siècle av. J.-C une tête de point scythe sur
la rive droite (méridionale) du Danube, dans 1’actuelle Dobroudja, qu’il fit la
guerre aux Triballes et imposa le tribut à une partie des Thraces. En fait, il
visait apparemment la constitution d’une puissance scytho-thrace danubienne. Ses
ambitions dans la région conduisirent bientôt à une confrontation avec le
puissant roi de Macédoine, Philippe II. (2)
Philippe, qui avait épousé une fille d’Atéas, paraît d’abord avoir caressé
l’espoir de se faire reconnaître comme héritier du vieux souverain scythe ;
celui-ci lui aurait fait répondre qu’il avait lui-même un fils. Il annonça
ensuite qu’il comptait venir - avec, comme on l’imagine, une forte escorte -
ériger une statue d’Héraklès aux bouches du Danube. Cette ruse assez grossière
irrita encore davantage Atéas, qui se proposa pour mettre en place la statue et
menaça, si elle était introduite en Scythie sans son consentement, de la faire
fondre pour en faire des pointes de flèches (une touche supplémentaire à son
autoportrait en « Barbare » ?).
En 339 av. J.-C., Scythes et Macédoniens s’affrontèrent sur le
Danube, dans une bataille décisive dont nous ignorons malheureusement
l’emplacement exact et le déroulement. On sait seulement que Philippe, qui avait
tout misé sur sa victoire, avait placé à l’arrière de ses troupes ses meilleurs
cavaliers avec l’ordre d’abattre tous ceux qui tenteraient de se replier.
Le combat fut certainement très violent : Philippe fut cloué à son cheval par
une lance qui lui traversa la cuisse, et boita le reste de sa vie, mais Atéas
fut tué (il avait alors 90 ans) et les Scythes vaincus. Les Macédoniens
s’emparèrent d’un butin énorme — Philippe envoya 20 000 juments à ses haras -,
dont une partie leur fut d’ailleurs reprise par des tribus hostiles sur le
chemin du retour.
Cette bataille fit de la Macédoine la puissance dominante de la région, et leur
défaite porta certainement un coup sensible au prestige des Scythes. (2)
Après la mort d’Atéas, des tribus gètes passèrent sur la rive gauche du Danube,
et s’avancèrent peut-être jusqu’au Dniestr. Des sépultures scythes sont
cependant encore attestées dans la seconde moitié et jusqu’à la fin du IVe
siècle av. J.-C. entre Prout et Dniestr. En outre, la puissance militaire scythe
n’était pas détruite.
Les Macédoniens en firent l’amère expérience en 331 av. J.-C., huit ans à peine
après leur grande victoire sur Atéas. Zopyrion, qui gouvernait la Thrace pour le
compte d’Alexandre le Grand, entra en Scythie et assiégea la ville d’Olbia,
alliée des Scythes. Ceux-ci vinrent débloquer la cité.
Au cours de la bataille, Zopyrion fut tué et toute son armée anéantie. Ce fut
l’une des rares défaites de tout le règne d’Alexandre le Grand, et l’on regrette
d’autant plus de ne disposer d’aucun compte rendu des combats. Il serait
intéressant de savoir comment pouvait se dérouler un affrontement entre la
phalange macédonienne parvenue à sa perfection et les cavaliers des steppes -
certainement appuyés, à cette époque, par une infanterie non négligeable (cf.
chap. VIII).
Sans effacer complètement les effets de la défaite de 339 av. J.-C., cette
victoire d’Olbia montre que les Macédoniens ne furent pas la cause principale du
déclin scythe, qui est sans doute davantage lié à l’expansion parallèle des
Sarmates à l’est des steppes ukrainiennes. (2)
(1) Christian Jacob - Géographie
et ethnographie en Grèce ancienne
(2) Iaroslav Lebedynsky - Les
Scythes - la civilisation des steppes
Le nomadisme et ses origines
Ce sont des peuples sédentaires, du moins en Eurasie, qui ont formé les
premiers nomades, à partir d'une certaine taille des troupeaux. La
domestication des premiers mammifères remonte au VIIème millénaire, ainsi
les égagres, chèvres peu farouches vis à vis de l'homme, puis vont
s'ajouter les moutons, les boeufs (aurochs), les cochons etc... Cet
élevage pour la nourriture va occasionner un semi nomadisme saisonnier.
Mais la diminution des ressources agricoles, une organisation en tribus et
un certain attrait pour la vie nomade vont faire basculer un certain
nombre de peuples vivant dans les steppes ou les régions arides mais aussi
plus au nord dans les régions boisées de Russie.
L'irruption des Scythes
Ainsi les Scythes, peuples de langue iranienne (iranien oriental),
évoluent dans l'Asie Centrale au début du 2ème millénaire. Ils participent
à la culture d'Andronovo, cultivent des céréales et pratique un élevage
sédentaire. Puis à l'âge du Bronze, vers le XIVème siècle, ces sédentaires
deviennent cavaliers nomades. Dans cette culture de Karassouk, la
métallurgie se développe dans un style animalier. Au milieu du IXème
siècle, un changement climatique affecte le sud de la Sibérie et
transforme des régions semi désertiques en steppes humides. Il en résulte
un accroissement significatif de la population proto-scythe et un
déplacement vers l'Ouest au VIIIème siècle avant notre ère. Des raids de
cavalerie dès le IXème siècle vers la Médie, l'Assyrie et l'Ourartou sont
tout à fait possibles. Peut être s'ajoute-t-il un mouvement de
populations, parmi les causes de ce déplacement, un refoulement possible
dû aux Xiongnu. Hérodote nous parle des Massagètes qui auraient chassés
les Scythes.
Au VIIème siècle les
Scythes arrivent dans le Bosphore cimmérien (au nord de la mer Noire) et
pressés effectivement par les Massagètes, ils refoulent les Cimmériens qui
étaient sur place depuis au moins l'an - 1000. La conquête de ces terres
ressemble à une course poursuite car les Cimmériens qui combattent comme
fantassins ont appris des Scythes le combat à cheval. Une partie des
Cimmériens fuit vers l'Asie Mineure, traverse le Caucase vers - 710 et se
heurte au royaume d'Ourartu où le roi Argisthi II est vaincu. Les Scythes
ayant franchi les montagnes du Caucase, participent activement aux guerres
que se livrent les Assyriens, les Mèdes et les Babyloniens. Parfois les
Scythes et les Cimmériens conjuguent leurs efforts pour menacer l'Assyrie,
ainsi vers - 680, Téouslipa ou Teushpa ou Chaishpish, un roi cimmérien
conduit une offensive conjointe dans le Taurus, provoquant la rébellion
des Ciliciens. L'assyrien Assarhaddon intervient et remporte la victoire
aux Portes Ciliciennes. Ensemble aussi, ils attaquent en - 678, le royaume
phrygien et renversent leur roi Midas qui se donne la mort. Les Scythes
remportent aussi une victoire contre les Mèdes de Phraortes en - 653.
Assarhaddon fait la paix avec eux et donne sa fille en mariage au chef
scythe qu'il nomme Bartatua et qui porte aussi le nom de Prototyeos. Avec
les Assyriens, les Scythes anéantissent l'armée cimmérienne, vers - 638.
Le fils de Bartatua, Madyas soutient les Assyriens contre les Mèdes.
Vers - 628, les Scythes subjuguent la Médie, envahissent la Mésopotamie
et sèment la terreur en Syrie-Palestine, conduits par leur roi Madyas. En
- 625, sous le règne d'Assurbanipal II, les Scythes envahissent l'Ourartu
et détruisent la forteresse de Teishebaini (aujourd'hui Kamir Blur en
Arménie), battant le roi urartéen Sardour III puis son fils Rusa III. On
a retrouvé des flèches incendiaires de section triangulaire qui ont mis le
feu par delà les murailles aux toits en bois. Les lanciers à cheval et les
fantassins pénètrent dans la citadelle après avoir détruit une porte
latérale. Les Scythes s'avancent vers l'Egypte et Hérodote nous précise
que le pharaon Psammétique 1er obtient d'eux "par des présents et des
prières" qu'ils se retirent en - 611.
Sardour II sur son char
(source wikipedia)
En chemin, à partir de - 680, les Scythes se sont installés en Russie
méridionale, au nord de la mer Noire et sont
au contact des cités grecques fondées par les Milésiens :
Panticapée en Chersonèse Taurique (la Crimée actuelle et plus précisément
vers le détroit de Kertch) et Olbia, près de l'actuelle Odessa. Ces cités
vivent tellement du commerce qu'Hérodote les appelle emporia (comptoirs
commerciaux).
A la fin du VIIème siècle, les Scythes changent de camp et participent
avec les Mèdes et les Babyloniens à l'élimination de l'empire assyrien, et
en 612, Ninive est détruite. Une fois les Assyriens disparus, le roi mède
Cyaxare chasse les Scythes par un stratagème : les Mèdes laissent aux
Scythes un camp abandonné rempli de vins et de vivres et une fois qu'ils
sont ivres, les massacrent. Vers - 600, les Scythes retraversent le
Caucase et reviennent au nord du Pont-Euxin, tandis qu'un partie se tourne
vers l'Inde et une autre se réfugie en Lydie chez le roi Alyatte. Dans le
Kouban, des liens étroits se nouent entre les Scythes et les Méotes.
Archer scythe
Les contacts avec les Grecs
Les contacts des Scythes vont être nombreux avec le monde grec qui les
nomme Skytai ou Skutai (qui veut dire archers), eux-mêmes se nomment
Skolotes (les hommes au bouclier), tandis que les Perses les appellent
Saces comme tous les nomades. Dans le Pont-Euxin où les Ioniens ont fondé
les premières colonies à Sinope et à Trébizonde, vers - 756 selon Eusèbe,
les Scythes vont rencontrer pour la première fois les Grecs. Leurs
colonies s'organisent en cités grecques à partir du VIIème siècle. Les
Scythes délaissent les rivages du Pont-Euxin et au début de la
colonisation grecque du Pont, vivent dans les steppes proches du Caucase.
Les premiers Grecs qui s'installent au bord de la mer d'Azov sont en
contact avec les Sindes, un peuple Maïote d'agriculteurs. Puis au début du
VIème siècle, les Scythes avancent jusqu'au Dniepr, près d'Olbia. Des
échanges sporadiques de lots de marchandises depuis les bouches des grands
fleuves permettent les premiers contacts. Puis les échanges se développent
à partir d'Olbia et Panticapée. Les Scythes importent du vin, de la
céramique, des bijoux et objets métalliques correspondant aux commandes
des Scythes aisés. Les Scythes fournissent surtout du blé, du bois, mais
aussi de la cire, du miel du bétail, du cuir et de la fourrure, ainsi que
de l'or. En outre, les Scythes fournissent des esclaves. A
Athènes, le tyran Pisistratefait venir comme demosioi (esclaves
publics) des archers scythes, achetés en Thrace ou sur les côtes du Pont,
pour effectuer un service de police urbaine. A
l'époque de la bataille de Salamine, ils sont 300 puis ce nombre monte
jusqu'à 1 200. Il faut acheter chaque année trente à quarante esclaves qui
parfois combattent en temps de guerre selon Schoemann, ces archers scythes
sont encore à Athènes sous Périclès. Au fur et à mesure que les Grecs
fondent des cités, les Scythes "remplissent" l'espace un peu vide que les
premiers colons grecs ont trouvé.
Les Scythes sont répartis du Kouban à l'Est jusqu'au delta du Danube à
l'Ouest. Ils occupent aussi la Chersonèse Taurique. Hérodote les
distinguent entre Scythes laboureurs, au nord d'Olbia, les Scythes
nomades, au nord de Tanaïs et les Scythes royaux (dont l'un des membres
est choisi pour roi), vers la Crimée. Au Kouban, ils cohabitent avec les
Méotes sédentaires et les marins grecs aux confins de leurs voyages. La
rive orientale du Don est occupée par les Sauromates qui deviendront les
Sarmates. Les Scythes jouent le rôle d'intermédiaires entre les emporia
grecques et les nombreux peuples de la steppe et ceux qu'on appelle
Hyperboréens (dans le grand nord). Les Scythes se livrent à l'agriculture
et ils fournissent ainsi en blé et en bois, les cités grecques jusqu'à
Athènes. Ils pratiquent l'élevage et ils conservent leurs talents
d'excellents cavaliers. Ils connaissent la selle et la tactique consistant
à provoquer l'ennemi en lui lançant des flèches et une fois proche de lui,
faire demi tour et continuer à tirer avec précision en se retournant sur
sa selle. En
somme la tactique nommée 'flèche du Parthe"
La guerre de Darius contre les Scythes
Mais ils conservent aussi leur art de la guerre. Ainsi quand Darius,
peut être pour priver les Grecs de ce partenaire commercial qui leur
fournit du bois de construction pour leur flotte, sans doute pour les
punir des raids qu'ils ne manquent pas d'effectuer dans son empire, ou
parce que leur roi lui refuse la main de sa fille selon Justin, décide de
leur faire la guerre, il mène une importante armée et traverse les
Détroits. Hérodote nous raconte comment le Grand Roi prépare sa campagne,
fait réunir les troupes, préparer une flotte et construire un pont sur le
Bosphore, à Chalcédoine, vers - 515. Le roi scythe Idanthyrse est bien
renseigné et il se rend compte qu'il ne peut se mesurer dans une bataille
à une telle armée. Il envoie des ambassades aux rois des pays voisins
concernés par cette invasion et leur propose une alliance mais il ne peut
compter sur eux. Alors il décide de ne livrer aucun combat en rase
campagne et de se retirer en comblant les puits et en brûlant toutes les
cultures. La plus grande partie des Scythes, comprenant les femmes, les
enfants et les troupeaux, se replie vers le Nord tandis que les
meilleurs cavaliers conduits par Skopasis et Taxakis, se portent au devant
de l'armée perse. Ils rencontrent l'ennemi à trois jours de marche de
l'Ister (Danube). Puis en restant en permanence à un jour de marche de
l'armée perse, ils dévastent entièrement la région. Des Perses
poursuivent les cavaliers scythes qui se replient vers le Tanaïs (à
l'extrémité orientale du lac Maiotis (actuelle mer d'Azov) ce qui amène
l'armée perse chez les Boudines, un des peuples qui a refusé l'alliance
scythe. Les Perses incendient leur capitale construite tout en bois. La
poursuite reprend vers le nord mais les Perses arrivent bientôt dans un
désert qui demande sept jours de marche pour le traverser. Là, Darius fait
construire huit fortins espacés de soixante stades. Mais les cavaliers
scythes contournent les campement et repartent apparemment en direction de
l'Ouest. Les travaux sont arrêtés et la poursuite reprend. Les Perses
rencontrent un autre groupe de cavaliers qui les entraîne vers l'Est. Les
peuples traversés laissent passer les Scythes et les Perses, mais les
Agathyrses, peut être alliés aux Perses, leur refusent le passage. Alors
les cavaliers scythes attirent les Perses vers leur territoire. Et cela
continue jusqu'à ce que les Perses manifestent de la lassitude. Alors les
Scythes laissent en évidence quelques troupeaux que les Perses affamés
dévorent. Hérodote précise qu'à ce jeu, les troupes de Darius étaient
acculées à la famine. Darius poursuit ces cavaliers scythes jusqu'à la
Volga et stoppe puis décide une nuit d'abandonner le campement et les
blessés pour rentrer en Perse. Il retraite comme il peut jusqu'au Danube
mais les Scythes étonnamment, perdent sa trace. C'est
pendant cette retraite que l'Athénien Miltiade tente
de faire couper le pont pour isoler Darius et libérer les cités grecques
d'Ionie, mais selon Cornelius Nepos, "Histiée de Milet en empêcha
l'exécution". Les
pertes de Darius sont conséquentes, Justin livre les chiffres suivants :
sept cent mille hommes au départ laissant quatre-vingt mille morts.
En - 495, le roi scythe Aristagoras envisage une riposte contre la
Perse et il propose une alliance offensive au roi de Sparte Cléomène. Mais
ce projet échoue, car Darius prend Abydos, une colonie spartiate. Les
Scythes pillent la Thrace et occupent la Chersonèse. Après cette victoire
contre le Roi des rois, le prestige des Scythes augmente au nord du Pont
Euxin. La pression sur les cités grecques s'accroît au point que certaines
comme Olbia, passe sous protectorat scythe. Une nouvelle dynastie royale
va régner durant un siècle fondée par Aripeithes. La Scythie prospère et
se renforce politiquement.
équipement du guerrier scythe
Philippe II contre les Scythes
Au Vème siècle, les rapports sont bons avec les Grecs du Pont. Vers - 440,
une nouvelle dynastie de rois scythes s'installe et forme une alliance
avec le royaume du Bosphore. L'un deux, Ateas semble le plus puissant, il
réussit à contrôler les cités grecques de l'Ouest du Pont Euxin. Vers -
340, il a réuni l'ensemble des tribus scythes entre le Danube et la mer
d'Azov et s'est avancé au sud du Danube, dans la Dobroudja. il fait la
guerre aux Triballes et impose un tribut à une partie des Thraces. En
difficulté dans sa campagne contre la tribu des Histriens de Thrace, Ateas
demande le soutien de Philippe II de Macédoine qui a épousé sa fille et
selon Justin, lui propose de l'adopter pour lui succéder sur le trône de
Scythie. Mais bientôt le roi des Histriens meurt et le besoin de soutien
disparaît. Ateas renvoie les ambassadeurs macédoniens venus demander une
contribution aux frais de guerre et élude leurs questions. Plus tard,
Ateas refuse de fournir des vivres aux troupes macédoniennes assiégeant
Byzance. Philippe lève le siège et décide d'attaquer les Scythes. La
rencontre a lieu dans les plaines de la Dobroudja, en Roumanie, en - 339.
Les Scythes sont vaincus et le roi Ateas meurt à 90 ans ! Les Macédoniens
perdent une grande partie du butin sur le chemin du retour.
Les Scythes contre Alexandre
Les Scythes participent brillamment à la bataille de Gaugamèles du côté
perse. Darius III les a placés sur son aile gauche, face à l'aile droite
d'Alexandre. ils sont 4 000 cavaliers accompagnés de 1 000 Bactriens et
une centaine de chars à faux selon Arrien. Cette cavalerie se bat
courageusement et inflige l'essentiel des pertes de la cavalerie
macédonienne : 60 Hétaires (les Compagnons) disparaissent. Alexandre
retrouve des Scythes en Bactriane appelés Abiens, ce sont des Saces et
Quinte-Curce comme Ammien parle du fleuve Tanaïs qui est en fait l'Araxe
et non le fleuve qui se jette dans la mer d'Azov. Alexandre veut fonder
une cité près de ce fleuve mais les Scythes massacrent les garnisons
isolées. Leur technique de combat est identique. Alexandre fait
transporter ses troupes sur des radeaux en protégeant le mieux possible
ses soldats des flèches scythes, les rameurs eux mêmes sont protégés par
leur cuirasse. Arrivés à terre, les Macédoniens chassent les Scythes avec
leurs arcs et leurs frondes et la cavalerie, l'infanterie légère et les
sarrissophores, bien que moins nombreux que les Scythes, les poussent à la
fuite. L'ennemi laisse mille morts sur le champ de bataille, précise
Appien. Selon lui, la maladie d'Alexandre qui a bu une eau malsaine oblige
les Macédoniens à s'arrêter et sauve les Scythes.
Mais en
- 331, son gouverneur de la Thrace, Zopyrion (ou Zepirion) se lance dans
une expédition en Scythie et met le siège devant Olbia. Cette expédition
est un échec, son armée est écrasée par les Scythes alliés à la cité
d'Olbia et selon Justin, Zopyrion périt dans cette campagne. Vers - 310,
les Scythes participent à la bataille de la rivière Thatis aux côtes du
roi Satyros II en lutte contre son frère Eumèlès. C'est l'action de la
cavalerie scythe qui décide de la victoire. (voir plus bas). Au temps des
Diadoques, Diodore de Sicile écrit que Lysimaque combat avec succès les
Thraces et les Scythes coalisés vers - 313.
La menace sarmate et le dernier
royaume scythe
Depuis le milieu du 4ème siècle, les Sarmates exercent à l'est, une pression croissante sur les Scythes et vont lentement les refouler vers l'Ouest. Pendant ce temps les Scythes, devenus sédentaires, créent des villes et se protègent derrière leurs remparts. Présents depuis le VIème siècle au delà de la Volga, les Sarmates vivaient en bonne intelligence avec leurs "cousins" les Scythes. Il semble qu'ils ont participé à la guerre contre Darius. Ce peuple est fortement imprégné par la guerre à laquelle participe les femmes. Celles ci tiennent un rang élevé dans la société sarmate. La pression sarmate augmentant, les Scythes se concentrent dans la Chersonèse Taurique et le bas Dniepr et le bas Boug mais poursuivent leur migration vers l'ouest en atteignant le territoire de l'actuelle Hongrie. Au IIIème siècle, la rive nord du Pont Euxin est pratiquement* conquise par les Sarmates et le nord ouest de la Chersonèse est âprement disputée entre Scythes, Sarmates et Grecs. Ainsi, une reine sarmate nommée Amagê défend la cité de Chersonèse contre les Scythes. Leur roi Skilouros et son fils Palakos, au IIème siècle, remplacent les établissements grecs, par exemple Kerkinitis, par des forteresses scythes pour se défendre contre les Sarmates et la politique expansive du roi du Pont Mithridate Eupator. Parmi ces forteresses, citons Neapolis, la capitale, Palakion et Chabaioi. Cette Petite-Scythie soumet Olbia et impose un tribut au royaume du Bosphore. A la fin du IIème siècle, Palakos obtient le soutien des Roxolans pour attaquer la cité de Chersonèse. C'est un échec pour les Scythes, ils sont vaincus par Diophante, le général en chef de Mithridate Eupator venu défendre Chersonèse assiégée. Selon Strabon, 6 000 soldats du royaume du Pont repoussent 50 000 Roxolans faiblement armés conduits par Tasios. C'est la fin de la puissance scythe,
* En
effet, des groupes scythes ont perduré quelque temps dans la steppe boisée
de l'actuelle Ukraine, comme par exemple à Ryjanivka, au milieu du IIIè
siècle.
cavalier sarmate
La présence romaine et la fin de
l'histoire scythe
Parmi l'ensemble des tribus sarmates, les Roxolans traversent
le Don au IIème siècle et peu de temps après sont une puissance autour du
Pont-Euxin. Mithridate Eupator annexe la Chersonèse et le Bosphore
Cimmérien vers - 107. Olbia redevient indépendante au Ier siècle avant
notre ère. Puis vient l'influence romaine. Au début du Ier siècle de notre
ère, le roi du Bosphore Aspourgos, client de l'Empire Romain et "Ami des
Césars", est vainqueur des Scythes. Ces derniers reprennent le siège de
Chersonèse qui appelle les Romains à son secours. Plautius Silvanus, le
légat propréteur de Mésie, intervient pour faire lever le siège. Des
soldats de la XIème légion stationnent en Crimée. Au Ier et IIème siècle,
les Scythes combattent souvent le royaume du Bosphore et celui ci finit
par l'emporter Au début du IIIème siècle, le royaume du Bosphore est sous
la tutelle de Rome. A l'est du Don, les Huns battent les Massagètes qui
sont venus au IIIème siècle. Au milieu du IIIème siècle, sous la poussée
des Goths venus d'Ukraine, les Scythes sont refoulés vers les montagnes du
sud-ouest de la Crimée. Les Goths poursuivent leur marche vers l'Ouest en
faisant des incursions avec des groupes d'Alains et de Sarmates, dans les
provinces danubiennes proches. Le roi du Bosphore Rhescuporis IV Tiberius
Julius subit l'invasion des Goths et des Boranes et leur autorité. A ce
moment, Chersonèse est défendue par des sections de la XIè légion
claudienne, de la 1ère légion italique et de la flotte mésienne augmentées
de cohortes auxiliaires recrutées en Espagne. Une inscription de 250
mentionne un centurion de la 1ère légion italique nommé Marcus Ratius
Saturnin. Ensuite l'empereur Gallien évacue les forces romaines de la cité
de Chersonèse et rassemble ses troupes pour faire face, avec succès, aux
attaques des Goths et leurs alliés par le nord du Pont-Euxin. Mais en 268,
les Germains préparent une considérable expédition maritime à partir de la
Méotide (par l'actuel détroit de Kertch). 6000 navires selon l'historien
byzantin Zosime, sont rassemblés à l'embouchure de la Tiras (Dniestr) pour
l'invasion des provinces romaines du Pont Euxin selon Ammien Marcellin.
Des Ostrogoths, des Gépides, des Peuces, des Hérules et des Celtes
avancent par mer et à terre mais ni Panticapée ni Chersonèse, pourtant
désertée par les légionnaires, ne sont attaquées, Gallien réussit à les
faire fuir. En 276, Florien commande les armées romaines victorieuses des
Germains dans le Caucase et reprend la lutte victorieusement. Mais il doit
bientôt cesser sa campagne pour réduire l'usurpateur Probus. Le roi du
Bosphore cimmérien Teiranès Tiberius Julius, "Ami de César et des
Romains", est vainqueur des Germains déjà affaiblis par l'empereur
Florien. Mais entre temps le dernier royaume scythe a disparu. Enfin les
Huns terminent cette histoire scythe vers 375. Les Scythes sont assimilés
par les divers groupes d'envahisseurs : Iaziges, Roxolans, Aorses,
Siraques, Ourgues, Alains, Goths et Huns.
L'armée scythe
La puissance militaire des Scythes a permis quelques siècles de paix.
L'équipement des cavaliers, principale force de l'armée scythe, comprend
des éléments protecteurs chez les nobles : casque, cuirasse, jambières,
alors que l'ensemble des cavaliers n'ont que le bouclier, petit et
rectangulaire. Il n'y a pas de cavalerie lourde comme chez les Parthes ou
les Sarmates. Les armes offensives sont principalement l'arc composite de
petite taille, rangé avec les flèches dans un goryte, étui et carquois
combinés. Ils utilisent aussi la lance, l'épée courte ou longue, et moins
souvent la hache, la masse, la fronde et le lasso. Il semble qu'ils ont
utilisé des chiens de guerre.
Les Scythes ont conservé les traditions de la steppe boisée et ils portent dans leur vie nomade, des cheveux longs, des longues vestes en fourrure, un pantalon recouvert jusqu'à mi cuisse d'un caftan et sur la tête, d'un bonnet comparable au bonnet phrygien mais dressé et droit.
L'arc scythe
L'arc est l'arme fondamentale des Scythes. Il est de petite taille, de
60 à 80 centimètres en moyenne et sa structure est composite, c'est à dire
que le bois qui le compose est renforcé à l'extérieur par du tendon séché
et à l'intérieur par des lamelles de corne collées. L'arc devient ainsi
plus souple et plus résistant. La corde est faite de crin de cheval ou de
tendon d'animal. Les flèches ont une longueur comprise entre soixante et
soixante dix centimètres avec des pointes systématiquement à douille, le
plus souvent en bronze. Les pointes de fer sont tardives, IVè et IIIè
siècle et plutôt sur le Don moyen. La pointe de flèche à 3 tranchants,
caractéristique des Scythes est abondante aux IVè et IIIè siècles. La
cadence de tir est de 10 à 12 flèches par minutes et la pénétration à
courte portée, très grande. La portée moyenne d'un arc scythe est de 200 à
300 mètres en tir peu précis. L'utilisation du poison sur les flèches
scythes n'est pas prouvée, la mention que fait Ovide sur les flèches des
nomades pendant son exil dans le Pont Euxin concerne les Sarmates.
La lance scythe est longue, de 1,70 mètres à 2,20 mètres et peut être
lancée, elle dispose d'une pointe et d'un talon de fer. Le bouclier est
fait soit de baguettes de roseau ou d'osier renforcées de cuir, soit de
bois et de cuir renforcé de métal, soit de bandes métalliques attachées à
un support de cuir par du fil de bronze ou de fer. de nombreux Scythes
pauvres, combattant en fantassins, utilisent la fronde.
L'élite guerrière porte une cuirasse à écailles, montée sur un vêtement
de cuir épais, prenant la forme d'un gilet ou d'une veste. Les Scythes
portent, à l'image des Grecs, des cnémides y compris pour les cavaliers.
Le casque est moins fréquent, du type de Kouban, fort arrondi. Mais ils
portent aussi des casques de modèle grec, attique, corinthien, thrace et
un modèle de confection locale à lamelles métalliques.
En combat contre une troupe ennemie, l'armée scythe commence par un tir
de saturation de ses archers de cavalerie voire par ses frondeurs. Et
quand la cible est affaiblie, on envoie la cavalerie d'élite qui est la
plus protégée. Un exemple de cette action offensive est donnée quand vers
- 310, les Scythes agissent comme alliés du roi du Bosphore, Satyros II.
Diodore de Sicile précise que les Scythes alignent 10 000 cavaliers et 20
000 fantassins. Le combat oppose Satyros à son frère Eumèlès qui est
soutenu par un peuple de la région du Kouban, les Thatéens.
Ayant établi un camp de chariots, Satyros enfonce le centre du dispositif
ennemi avec la cavalerie scythe puis la rabat à droite pour écraser l'aile
gauche d'Eumèlès. Cette faculté de garder sa cohésion après avoir traversé
la ligne ennemie, se regrouper et lancer avec succès une deuxième charge
dans une autre direction contre un autre corps ennemi, est rare dans une
armée antique.
L'armée scythe est capable d'évoluer avec vitesse et précision. et de
concevoir des stratégies complexes.
"Nous sommes en état de guerre constante, nous sommes tantôt agresseurs, tantôt agressés, ou encore nous avons des différents à propos des territoires de pâture ou du partage de butin" |
déclare le scythe Toxaris cité par le grec Lucien au IIè siècle avant notre ère. |
L'apparition du nomadisme dans les steppes
Contrairement à ce que l'on imagine souvent, le nomadisme n'est pas la survivance d'un mode de vie archaïque, conservé par quelques tribus inadaptées en marge des « vraies » civilisations. C'est au contraire une spécialisation économique développée pour exploiter un biotope particulier. Son apparition semble s'être produite au début de l'âge du fer, dans la vaste bande de steppes qui s'étend en Europe orientale, en Sibérie et en Asie centrale, et dans les zones limitrophes de steppe boisée, de pâturages de montagne et de semi-désert. Sur ces territoires avaient fleuri à l'âge du bronze les cultures apparentées dites « d'Andronovo » et « des tombes à charpentes », dont les porteurs étaient vraisemblablement de langue indo-européenne, sans doute en majorité iranienne. Ce sont les héritiers de ces cultures sédentaires qui, abandonnant l'essentiel de leurs activités agricoles au profit d'un élevage extensif et transhumant, passèrent au nomadisme vers le début du Ier millénaire av. J.-C. Leurs talents de cavaliers, la forte coloration guerrière de leur civilisation pastorale, firent souvent d'eux le fléau de leurs voisins sédentaires.
Les premiers nomades de la steppe qui nous soient connus par leur nom sont les mystérieux Cimmériens, aux affinités encore incertaines, auxquels on attribue des vestiges des IXe -VIIIe siècles av. J.-C. retrouvés en Ukraine et Russie méridionale. Ils sont évoqués par les poèmes homériques et par des sources assyriennes des années 722-715 av. J.-C.
Les Scythes et la constellation « scythique »
Les Scythes, eux, nous sont connus par les sources écrites et par l'archéologie à partir du VIIe siècle av. J.-C., mais il faut préciser le contenu de cette appellation. Au sens large, on peut qualifier de « scythique » une vaste constellation de peuples nomades apparentés par le mode de vie, la langue iranienne orientale, l'art animalier, les types d'armes et de harnachement du cheval… Les populations de cette grande famille occupaient d'immenses territoires du Danube à la Chine occidentale et leurs voisins sédentaires, conscients de leur parenté, leur accolaient souvent une étiquette commune. Pour les Grecs, tous étaient des « Scythes » ; pour les Perses, des « Saces » (Sakâ).
Au sens strict, cependant, les Scythes sont plus particulièrement le peuple qui, à partir des VIIe-VIe siècles av. J.-C., occupa le Caucase septentrional, puis l'actuelle Ukraine. Ces « vrais » Scythes d'Europe sont les mieux connus grâce à leur célèbre description par Hérodote, qui occupe la moitié du livre IV de L'Enquête et aux fouilles archéologiques en Ukraine dont les plus anciennes remontent au XVIIIe siècle.
C'est principalement d'eux qu'il sera question ici, mais il ne faut jamais oublier qu'ils n'étaient que la partie la plus occidentale d'un massif « scythique » bien plus considérable. Celui-ci comprenait aussi les Sauromates de Russie méridionale, qui sont les ancêtres des Sarmates de la période suivante, les tribus sibériennes, à l'origine de la célèbre collection d'objets animaliers en or réunie sur l'ordre de Pierre Ier de Russie, des populations de l'Altaï et différents groupes « saces » d'Asie centrale. Dans une certaine mesure, les renseignements dont nous disposons sur chacune de ces populations comblent les lacunes de notre information sur les autres. C'est ainsi que les fameuses « tombes gelées » de l'Altaï ont livré des objets en matériaux périssables, disparus ailleurs, mais dont on peut imaginer que les équivalents existaient chez les Scythes d'Europe ou les Sauromates : tapis, coussins, instruments de musique…
L'origine des Scythes et l'épisode moyen-oriental
Grâce aux travaux complémentaires des historiens, archéologues, linguistes et anthropologues, nous pouvons aujourd'hui nous faire une idée relativement précise des Scythes d'Europe en tant que peuple. De superbes représentations d'époque et l'analyse des restes trouvés dans les tombes montrent qu'ils étaient purement europoïdes – contrairement à leurs cousins de l'Altaï, par exemple – souvent de grande taille, avec des visages au nez assez proéminent. Ils parlaient une langue iranienne du groupe oriental dont nous ne possédons que quelques mots et surtout des noms propres explicables par des racines iraniennes. Les hommes arboraient moustache et barbe et portaient déjà la tenue qui sera celle de beaucoup de leurs successeurs dans les steppes : pantalon avec des bottes serrées à la cheville, caftan court croisé, bonnet-capuchon. Le costume féminin, moins bien connu, comprenait une longue robe serrée à la ceinture. Des plaquettes d'or étaient cousues sur les vêtements les plus riches.
Quant à leur origine géographique, les Scythes étaient à en croire Hérodote des conquérants venus d'Asie et qui fuyaient eux-mêmes d'autres tribus plus puissantes. Parvenus en Europe, ils vainquirent les Cimmériens, les poursuivirent à travers le Caucase jusqu'en Asie antérieure où ils s'allièrent successivement aux Assyriens et aux Mèdes et firent régner la terreur pendant trois décennies, avant de revenir dans les steppes européennes et d'établir leur domination en Ukraine.
Ce récit est partiellement confirmé par d'autres sources et par l'archéologie. Les plus anciens éléments culturels « proto-scythes » actuellement connus – décors animaliers, rites funéraires – sont ceux du « kourgane » (tumulus) d'Arjan dans la Touva russe, près de la frontière mongole. Il n'est pas exclu qu'une partie au moins des ancêtres des Scythes soit venue d'Asie centrale. Le récit d'Hérodote sur leur descente et leur domination en Asie est peut-être romancé, mais repose sur des faits bien réels : des textes assyriens évoquent la présence des Scythes dans la région dès les années 676-652 av. J.-C., et il existe aussi des traces archéologiques, comme le « Trésor de Ziwiyé » au Kurdistan iranien. Les futurs Scythes d'Europe furent profondément marqués par leurs contacts avec les grands royaumes qu'ils servirent ou affrontèrent : l'art scythe des périodes ultérieures révèle de nombreuses influences moyen-orientales, notamment assyriennes, et transcaucasiennes, notamment ourartéennes, au point que certains spécialistes considèrent que la culture scythe ne s'est définitivement formée qu'après cet épisode asiatique.
La Scythie européenne
Initialement situé au nord du Caucase, où de grands « kourganes » archaïques ont été fouillés à Kelermès, le centre de la domination scythe se déplaça à la fin du VIIe et au début du VIe siècle av. J.-C. vers l'actuelle Ukraine. Des groupes scythes s'avancèrent même jusqu'en Europe centrale.
En Ukraine, l'aire d'influence culturelle, économique et probablement politique des Scythes comprenait non seulement les steppes herbeuses méridionales, mais aussi la steppe boisée centrale occupée par diverses populations sédentaires et agricoles. Hérodote explique très bien comment une tribu dominante, les « Scythes royaux », gouvernait plus ou moins directement un ensemble composite de Scythes et d'autres ethnies dont, pense-t-on, les lointains ancêtres des Slaves. Il fait aussi allusion à des structures politiques d'une certaine complexité, avec trois royaumes alliés et des gouverneurs de districts. La société scythe était elle-même fortement hiérarchisée, avec, sous les rois, une aristocratie, une masse d'hommes libres, et des esclaves dont le nombre et l'importance économique sont discutés. Cet édifice s'avéra assez solide pour résister, en 513 av. J.-C., à une tentative d'invasion conduite à partir de la Thrace par le roi de Perse Darius Ier, le plus puissant souverain de son temps.
La Scythie d'Europe connut son apogée aux Ve et IVe siècles av. J.-C., comme en témoigne le faste des grandes tombes royales de cette période.
Nomades et guerriers
Hérodote définit les Scythes comme « des porte-maisons et des archers à cheval », soulignant ainsi leurs deux caractéristiques les plus familières aux Grecs : le nomadisme et les aptitudes guerrières.
Le nomadisme que pratiquaient les tribus scythes de la steppe était, comme on l'a dit plus haut, un système économique spécialisé pratiqué dans un cadre rigoureux. Comme le montre l'allusion d'Hérodote à des frontières entre tribus et les comparaisons ethnographiques modernes, les migrations saisonnières s'effectuaient suivant des itinéraires précis, entre des pâturages fixes. Les Scythes élevaient des ovins et bovins et surtout des chevaux. Le cheptel fournissait la force de traction ou les montures, la nourriture c'est-à-dire la viande, le lait et les produits dérivés comme le fromage et la boisson fermentée à base de lait de jument, et des matériaux comme le cuir, la laine, l'os et la corne. L'habitat consistait essentiellement en chariots aménagés en compartiments. Mais les nomades contrôlaient aussi le commerce nord-sud entre les populations sédentaires agricoles de la steppe boisée et les colonies grecques établies dès le VIIe siècle av. J.-C. sur la côte ukrainienne : la Scythie exportait du blé et des esclaves et importait du vin, de la céramique et de l'orfèvrerie de luxe.
Des agglomérations proto-urbaines parfois importantes se développèrent à l'époque scythe non seulement dans la steppe boisée, mais même dans la steppe herbeuse méridionale. C'étaient des centres à la fois économiques et politiques ; on y a notamment retrouvé les traces d'intenses activités artisanales. Aux IVe et IIIe siècles av. J.-C., une partie des Scythes nomades se sédentarisa dans ces établissements et dans des villages au sud de l'Ukraine.
La pax scythica nécessaire au fonctionnement de cette économie intégrée était garantie par la puissance militaire des Scythes, qui passaient à juste titre pour de redoutables guerriers. Cavaliers hors pair, bien qu'ils n'aient employé ni étriers ni selle rigides, ils combattaient essentiellement comme archers montés, harcelaient l'ennemi et le déconcertaient par de foudroyantes manœuvres de cavalerie. Ils utilisaient des tactiques que reprendront par la suite tous leurs successeurs dans les steppes, comme la fuite simulée ou le rempart mobile formé de chariots. Leur arme favorite était l'arc – un arc composite de petite taille mais de très forte puissance – mais ils maniaient aussi le lasso, la lance, l'épée et le javelot. L'aristocratie scythe, qui fournissait l'encadrement des troupes, portait casques et cuirasses, parfois des jambières de style grec. La découverte d'armes dans des tombes féminines suggère que les femmes, probablement les jeunes filles célibataires, pouvaient combattre aux côtés des hommes ; le fait est en tout cas bien attesté chez les Sauromates de Russie méridionale, que les Grecs croyaient issus de Scythes et des Amazones, les mythiques femmes guerrières.
La guerre comprenait, comme chez les Celtes, des pratiques rituelles de prélèvement de trophées humains. Le jeune guerrier scythe buvait du sang de sa première victime ; les têtes des ennemis abattus étaient présentées au roi. Les crânes sciés servaient de coupes à boire et la peau humaine tannée de serviettes ou d'ornements de chevaux.
Les dieux et les morts
Hérodote donne une liste des divinités vénérées par les Scythes – leurs noms ne correspondent pas à ceux connus chez les peuples iraniens sédentaires – et rapporte quelques mythes dont ceux liés à l'origine du peuple scythe. Outre le dieu céleste et ancestral Papaios et son épouse Api, le panthéon scythe était dominé par Tabiti, déesse du feu du foyer et « reine des Scythes », et par un dieu de la guerre que symbolisait une épée. Le culte comportait des sacrifices d'animaux et, dans le cas du dieu de la guerre, des sacrifices humains à la mise en scène tragique : des prisonniers de guerre étaient égorgés et démembrés au pied d'un immense bûcher où leur sang arrosait l'épée divine.
La religion scythe paraît avoir combiné un fond « théologique » de type iranien et donc indo-européen avec des pratiques chamanistes, comme l'usage rituel de vapeurs intoxicantes, d'accessoires comme les grelots… Hérodote signale des devins travestis en femmes, les « énarées », qui peuvent correspondre à la définition du chaman. Il n'existait aucune caste sacerdotale organisée comparable aux mages perses.
Les Scythes concevaient apparemment la vie dans l'au-delà comme une prolongation éternelle de l'existence terrestre. Les rites funéraires avaient une grande importance. Les fouilles archéologiques en Ukraine ont largement confirmé la description par Hérodote des fastueuses funérailles royales. Les grands personnages étaient inhumés dans des tombes à l'architecture parfois complexe, avec un riche mobilier et en compagnie de divers serviteurs et de nombreux chevaux. La tombe était couverte d'un tumulus qui pouvait aller jusqu'à vingt mètres de hauteur et trois cent cinquante mètres de diamètre, dominé par une statue de pierre figurant le défunt ou un ancêtre divinisé.
L'art scythe : traditions animalières et influences grecques
L'art des Scythes est aujourd'hui bien connu du public occidental, notamment en France où les travaux remarquables de Véronique Schiltz ont beaucoup contribué à sa périodisation et à son analyse.
Le répertoire de base est constitué de motifs animaliers connus non seulement des Scythes, mais aussi de toutes les populations apparentées de Sibérie et d'Asie centrale. Il comprend des animaux isolés dont le cerf, le rapace, le félin, voire même des « pièces détachées » comme l'œil et le bec du rapace, et des scènes de prédation. Des animaux composites ou fantastiques, comme le griffon, côtoient les bêtes réelles. Outre leur vocation décorative qui nous les fait apprécier aujourd'hui, ces motifs ont évidemment un sens symbolique ou emblématique. Certains, comme les prédateurs, représentent les qualités qui leur sont associées. D'autres, surtout le cerf, ont des sens multiples et certaines compositions peuvent illustrer des mythes ou des idées complexes. Tout ceci vaut pour l'ensemble de « l'art des steppes », dont les thèmes se retrouvent sous des formes remarquablement proches de l'Ukraine à la Chine. Mais la marque distinctive de l'art scythe d'Europe, c'est sa féconde symbiose avec l'art grec, manifeste surtout au IVe siècle av. J.-C. Au répertoire nomade, il ajoute des figures divines et humaines, notamment les magnifiques et précieuses représentations « ethnographiques » de Scythes campés au combat, dans leurs tâches quotidiennes ou diverses cérémonies, et des motifs animaliers réalistes qui échappent aux conventions steppiques traditionnelles.
La fin et l'héritage des Scythes
Dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., les Scythes durent affronter à l'ouest la puissance montante de la Macédoine, et à l'est le début de l'expansion de leurs cousins les Sarmates. Après la défaite face aux Macédoniens et la mort du grand roi Atéas (339 av. J.-C.), le territoire scythe se réduisit progressivement à la péninsule de Crimée et aux zones attenantes du bas-Dniepr. Une culture scythe sédentarisée et agricole, de plus en plus métissée, s'y maintint jusqu'aux premiers siècles de notre ère, tandis que l'ancienne « Scythie » ukrainienne devenait la « Sarmatie européenne » des géographes romains.
Durant des siècles, pourtant, le nom des Scythes continua d'être donné en Occident aux diverses populations qui se succédèrent dans les steppes d'Europe orientale. C'était abusif, mais significatif : la période scythe apparaît bien, aux archéologues actuels, comme une étape fondatrice de la civilisation des steppes, au cours de laquelle apparurent et se diffusèrent sur un immense espace des traditions culturelles qui allaient, pour certaines, se perpétuer presque jusqu'à nos jours en dépit des bouleversements ethno-culturels.
Les Amazones sont un peuple légendaire, une nation de femmes adonnées à la
guerre. Selon les Grecs leur origine est ancienne : filles d'Arès, le dieu
de la guerre, et de la nymphe Harmonie, elles auraient vécu à l'époque des
héros, Bellérophon, Héraclès et Thésée, mais leur existence est attestée
(simple légende ?) à l'époque historique puisque Alexandre, dit-on,
rencontra leur reine aux confins de l'Inde. Elles tirent leur nom du fait
qu'elle se mutilaient un sein pour pouvoir se servir aisément de leurs
armes, la lance et l'arc (Amazones=celles qui n'ont pas de sein). Elles
vivaient sans hommes, ne faisant appel à ceux-ci que pour perpétuer leur
espèce. Elles ne conservaient que les filles et estropiaient les enfants
mâles ou les aveuglaient. Les hommes qui vivaient auprès d'elles étaient des
serviteurs à qui incombaient les tâches serviles. Leur seule activité, outre
la guerre, était la chasse. On situe leur royaume dans des régions situées
hors du monde connu, au Nord, dans le Caucase et aussi dans la Scythie
méridionale.
Hérodote, qui connaît les légendes mythologiques, fait le lien entre elles
et l'histoire. Héraclès, aidé de Thésée, après avoir vaincu les Amazones à
la bataille du Thermodon, au cours de laquelle leur reine fut tuée, avait
fait monter les survivantes prisonnières sur trois navires pour les amener
en Grèce. Au cours de la traversée, les Amazones se révoltèrent et
massacrèrent les Grecs. Elles ignoraient tout des choses de la mer et leurs
vaisseaux partirent à la dérive. C'est ainsi qu'elles parvinrent sur le
territoire des Scythes libres dans la région du Palus Maiotis. Ayant
débarqué, elles s'emparèrent d'un troupeau de chevaux et s'empressèrent
d'attaquer les Scythes, mettant leur territoire au pillage.
Les Scythes, qui "ne reconnaissaient ni la langue ni le costume ni la race"
de leurs agresseurs furent déconcertés, d'autant plus lorsqu'ils
découvrirent qu'ils avaient affaire à des femmes.
Ils envoyèrent vers elles des jeunes gens du même âge pour entrer en
relation avec elles et les séduire. Ce qui eut lieu au point que Scythes et
Amazones se rassemblèrent en un seul camp et vécurent en bonne entente.
Lorsque les jeunes Scythes proposent à leurs compagnes de venir avec eux en
Scythie, elles refusent, arguant de la différence du genre de vie entre les
femmes scythes et le leur. De leur côté, elles invitent les Scythes à
recueillir leurs biens patrimoniaux dans leur pays et à les suivre au-delà
du Tanaïs, à plusieurs jours de marche d'abord vers l'est puis vers le nord,
ce qu'ils acceptent, fondant une nouvelle nation, celle des Sauromates, où
les femmes demeurent fidèles aux moeurs de leurs lointaines ancêtres (Hérodote, Histoires).
Justin attribue une origine commune aux Scythes et aux Amazones (Justin, Abrégé)
Les Scythes |
![]() |
Les auteurs de l'Antiquité
classique confondaient sous ce nom plusieurs peuples, dont l'habitat
s'étendait depuis la Roumanie actuelle (peut-être même depuis la Bosnie
et les Alpes) jusqu'au Pamir (entre les Celtes et l'Inde, dit Ephore), à
travers la Russie méridionale et les steppes aralo-caspiennes.
Considérés dans se sens élargi, les Scythes peuvent s'identifier à
certaines des populations à l'origine de ce que les archéologues nomment
l'Art des Steppes. Toutefois, les auteurs qui ont le mieux décrit
ces peuples, notamment Hérodote et Hippocrate, distinguent les Scythes
proprement dits ou les Scolotes, comme ils se nommaient eux-mêmes,
voisins immédiats du monde grec, d'avec les Sarmates ou
Sauromates, vivant à l'Est de ceux-ci, et d'avec les Saées ou Saks
habitant plus à l'Est encore, dans le Turkestan actuel. Les Scythes proprement dits occupaient du temps de Hérodote (Ve siècle) le pays situé entre le Tiarantos ou Atlas (Aluta actuelle, affluent gauche du Danube) à l'Ouest, et le Tanaïs (Don ou peut-être le fleuve actuel Molotchnaïa), tributaire de la mer d'Azov à l'Est Au Sud, leur limite était indiquée par le cours inférieur du Danube, depuis l'embouchure Je l'Aluta, et par la mer Noire; au Nord ils s'étendaient jusqu'aux pays des Agathyrces (Transylvanie?), des Neuri (bassin supérieur du Dniestr et du Boug), des Androphages et des Melanchlènes (rive droite du Dniestr jusqu'à la hauteur de Nikopol environ). En somme, ils occupaient la partie Est de la Valachie, presque toute la Moldavie, la Bessarabie, la Nouvelle-Russie (province de Kherson et Sud de la Podolie) et la Crimée, sauf le sud montagneux de cette presqu'île où se tenaient les Tauri sauvages. Dans ces limites, Hérodote reconnaît :
Les Scythes sont
mentionnés pour la première fois dans la littérature hésiodique (IXe-VIIe siècles
av. J.-C.); mais l'on a cru, dès l'Antiquité, devoir les reconnaître
dans le passage de l'Iliade ou Zeus, perdant de vue les Grecs et les
Troyens, tourne ses regards vers la terre des Thraces et voit près d'eux
d'abord les Mysiens (c.-à-d. les habitants de la Mésie au Sud du
Danube), ensuite les « peuples qui traient les juments pour se nourrir
de leur lait ». Prenant pour base cette donnée, Arbois de Jubainville
fait remonter au Xe et
même au XVe siècle
av. J.-C. l'arrivée des Scythes en Europe. D'après Hérodote, ils y
seraient venus à la suite d'une guerre avec les Massagètes, qui a eu
pour théâtre le pays arrosé par l'Oxus.
Hippocrate ajoute que les Scythes portent des pantalons, et il trouve à ce vêtement, au point de vue de l'hygiène, des inconvénients aussi graves qu'étranges. Excellents cavaliers, les Scythes chassaient et guerroyaient à cheval; ils étaient renommés comme tireurs d'arc, mais ils ne maniaient pas moins bien l'épée. Leur arc était probablement un arc composé, dans le genre de ceux des Mongols, en forme de l'arc de Cupidon; leurs épées étaient en fer et finement travaillées. Les ennemis tués à la bataille étaient scalpés, et l'on buvait leur sang, employant comme tasses les crânes des ennemis tués précédemment. Dans la mesure où les auteurs de l'Antiquité permettent de s'en faire une idée, la religion des Scythes apparaît comme une sorte de polythéisme. Le culte comprenait le dépôt d'offrandes sous forme d'animaux étranglés, principalement des chevaux. Le dieu de la guerre (auquel Hérodote donne le nom grec d'Arès) avait des lieux spéciaux d'adoration, soit un tertre, soit une sorte d'autel formé de bûches de bois et de fagots, au sommet desquels était plantée une antique épée de fer. C'est là qu'on immolait non seulement des animaux, mais encore des humains; chaque centaine de prisonniers devait fournir un homme auquel on tranchait les bras pour arroser avec le sang de la blessure l'épée sacrée. L'adoration du feu était générale. Les devins, augures et sorciers, étaient nombreux; les plus connus, appelés Enariens ou Anariens, étaient censés impotents et comme tels devaient porter des vêtements féminins et parler d'une voix de femme. De là, chez certains auteurs, les généralisations sur le type efféminé des Scythes ou sur la fréquence des hommes impotents parmi eux (Maladie des Scythes). Les femmes jouissaient l'une certaine considération. La légende veut même que les Sarmates descendent des femmes-cavalières ou Amazones, auxquelles on pratiquait l'ablation du sein droit pour ne pas gêner le tir à l'arc. A la mort d'un Scythe, ton cadavre était promené pendant quarante jours à travers les campements de tous les voisins, ce qui était un prétexte pour des fêtes. Les corps des rois défunts étaient embaumés et promenés par toutes les tribus soumises : au passage de ce cortège funèbre, les habitants coupaient leurs cheveux ou une partie de l'oreille, et se faisaient les blessures au nez, aux épaules, aux mains, etc. Après, la tournée mortuaire, le cadavre royal était amené dans le pays de Gerros (probablement au Sud de l'estuaire du Dniepr) où il était enterré dans une tombe quadrangulaire, ensemble avec l'une des épouses du roi et un grand nombre de domestiques et de chevaux qu'on immolait sur la tombe. Un an après cette cérémonie, une nouvelle hécatombe de cinquante servants avait lieu, et leurs cadavres placés sur des carcasses de chevaux tués, soutenus par des perches, étaient censés monter la garde autour de la sépulture royale. Le genre de vie nomade des Scythes a fait dire à quelques auteurs qu'ils étaient Mongols (ou Turco-Mongols); cette opinion vaut peut-être pour certaines de ces populations; pour celles qui étaient en contact direct avec les Grecs, le peu que l'on en sait suggèrerait plutôt de les rapprocher des peuples iraniens. (J. Deniker). |
Le nomadisme et ses origines
Ce sont des peuples sédentaires, du moins en Eurasie, qui ont formé
les premiers nomades, à partir d'une certaine taille des troupeaux. La
domestication des premiers mammifères remonte au VIIème millénaire,
ainsi les égagres, chèvres peu farouches vis à vis de l'homme, puis
vont s'ajouter les moutons, les boeufs (aurochs), les cochons etc...
Cet élevage pour la nourriture va occasionner un semi nomadisme
saisonnier. Mais la diminution des ressources agricoles, une
organisation en tribus et un certain attrait pour la vie nomade vont
faire basculer un certain nombre de peuples vivant dans les steppes ou
les régions arides mais aussi plus au nord dans les régions boisées de
Russie.
L'irruption des Scythes
Ainsi les Scythes, peuples de langue iranienne (iranien oriental),
évoluent dans l'Asie Centrale au début du 2ème millénaire. Ils
participent à la culture d'Andronovo, cultivent des céréales et
pratique un élevage sédentaire. Puis à l'âge du Bronze, vers le XIVème
siècle, ces sédentaires deviennent cavaliers nomades. Dans cette
culture de Karassouk, la métallurgie se développe dans un style
animalier. Au milieu du IXème siècle, un changement climatique affecte
le sud de la Sibérie et transforme des régions semi désertiques en
steppes humides. Il en résulte un accroissement significatif de la
population proto-scythe et un déplacement vers l'Ouest au VIIIème
siècle avant notre ère. Des raids de cavalerie dès le IXème siècle
vers la Médie, l'Assyrie et l'Ourartou sont tout à fait possibles.
Peut être s'ajoute-t-il un mouvement de populations, parmi les causes
de ce déplacement, un refoulement possible dû aux Xiongnu. Hérodote
nous parle des Massagètes qui auraient chassés les Scythes.
Au VIIème siècle les
Scythes arrivent dans le Bosphore cimmérien (au nord de la mer Noire) et
pressés effectivement par les Massagètes, ils refoulent les Cimmériens
qui étaient sur place depuis au moins l'an - 1000. La conquête de ces
terres ressemble à une course poursuite car les Cimmériens qui
combattent comme fantassins ont appris des Scythes le combat à cheval.
Une partie des Cimmériens fuit vers l'Asie Mineure, traverse le
Caucase vers - 710 et se heurte au royaume d'Ourartu où le roi
Argisthi II est vaincu. Les Scythes ayant franchi les montagnes du
Caucase, participent activement aux guerres que se livrent les
Assyriens, les Mèdes et les Babyloniens. Parfois les Scythes et les
Cimmériens conjuguent leurs efforts pour menacer l'Assyrie, ainsi vers
- 680, Téouslipa ou Teushpa ou Chaishpish, un roi cimmérien conduit
une offensive conjointe dans le Taurus, provoquant la rébellion des
Ciliciens. L'assyrien Assarhaddon intervient et remporte la victoire
aux Portes Ciliciennes. Ensemble aussi, ils attaquent en - 678, le
royaume phrygien et renversent leur roi Midas qui se donne la mort.
Les Scythes remportent aussi une victoire contre les Mèdes de
Phraortes en - 653. Assarhaddon fait la paix avec eux et donne sa
fille en mariage au chef scythe qu'il nomme Bartatua et qui porte
aussi le nom de Prototyeos. Avec les Assyriens, les Scythes
anéantissent l'armée cimmérienne, vers - 638. Le fils de Bartatua,
Madyas soutient les Assyriens contre les Mèdes.
Vers - 628, les Scythes subjuguent la Médie, envahissent la
Mésopotamie et sèment la terreur en Syrie-Palestine, conduits par leur
roi Madyas. En - 625, sous le règne d'Assurbanipal II, les Scythes
envahissent l'Ourartu et détruisent la forteresse de Teishebaini
(aujourd'hui Kamir Blur en Arménie), battant le roi urartéen Sardour
III puis son fils Rusa III. On a retrouvé des flèches incendiaires de
section triangulaire qui ont mis le feu par delà les murailles aux
toits en bois. Les lanciers à cheval et les fantassins pénètrent dans
la citadelle après avoir détruit une porte latérale. Les Scythes
s'avancent vers l'Egypte et Hérodote nous précise que le pharaon
Psammétique 1er obtient d'eux "par des présents et des prières" qu'ils
se retirent en - 611.
Sardour II sur son char
(source wikipedia)
En chemin, à partir de - 680, les Scythes se sont installés en
Russie méridionale, au nord de la mer Noire et sont
au contact des cités grecques fondées par les Milésiens :
Panticapée en Chersonèse Taurique (la Crimée actuelle et plus
précisément vers le détroit de Kertch) et Olbia, près de l'actuelle
Odessa. Ces cités vivent tellement du commerce qu'Hérodote les appelle
emporia (comptoirs commerciaux).
A la fin du VIIème siècle, les Scythes changent de camp et
participent avec les Mèdes et les Babyloniens à l'élimination de
l'empire assyrien, et en 612, Ninive est détruite. Une fois les
Assyriens disparus, le roi mède Cyaxare chasse les Scythes par un
stratagème : les Mèdes laissent aux Scythes un camp abandonné rempli
de vins et de vivres et une fois qu'ils sont ivres, les massacrent.
Vers - 600, les Scythes retraversent le Caucase et reviennent au nord
du Pont-Euxin, tandis qu'un partie se tourne vers l'Inde et une autre
se réfugie en Lydie chez le roi Alyatte. Dans le Kouban, des liens
étroits se nouent entre les Scythes et les Méotes.
Archer scythe
Les contacts avec les Grecs
Les contacts des Scythes vont être nombreux avec le monde grec qui
les nomme Skytai ou Skutai (qui veut dire archers), eux-mêmes se
nomment Skolotes (les hommes au bouclier), tandis que les Perses les
appellent Saces comme tous les nomades. Dans le Pont-Euxin où les
Ioniens ont fondé les premières colonies à Sinope et à Trébizonde,
vers - 756 selon Eusèbe, les Scythes vont rencontrer pour la première
fois les Grecs. Leurs colonies s'organisent en cités grecques à partir
du VIIème siècle. Les Scythes délaissent les rivages du Pont-Euxin et
au début de la colonisation grecque du Pont, vivent dans les steppes
proches du Caucase. Les premiers Grecs qui s'installent au bord de la
mer d'Azov sont en contact avec les Sindes, un peuple Maïote
d'agriculteurs. Puis au début du VIème siècle, les Scythes avancent
jusqu'au Dniepr, près d'Olbia. Des échanges sporadiques de lots de
marchandises depuis les bouches des grands fleuves permettent les
premiers contacts. Puis les échanges se développent à partir d'Olbia
et Panticapée. Les Scythes importent du vin, de la céramique, des
bijoux et objets métalliques correspondant aux commandes des Scythes
aisés. Les Scythes fournissent surtout du blé, du bois, mais aussi de
la cire, du miel du bétail, du cuir et de la fourrure, ainsi que de
l'or. En outre, les Scythes fournissent des esclaves. A
Athènes, le tyran Pisistratefait venir comme demosioi (esclaves
publics) des archers scythes, achetés en Thrace ou sur les côtes du
Pont, pour effectuer un service de police urbaine. A
l'époque de la bataille de Salamine, ils sont 300 puis ce nombre
monte jusqu'à 1 200. Il faut acheter chaque année trente à quarante
esclaves qui parfois combattent en temps de guerre selon Schoemann,
ces archers scythes sont encore à Athènes sous Périclès. Au fur et à
mesure que les Grecs fondent des cités, les Scythes "remplissent"
l'espace un peu vide que les premiers colons grecs ont trouvé.
Les Scythes sont répartis du Kouban à l'Est jusqu'au delta du Danube à
l'Ouest. Ils occupent aussi la Chersonèse Taurique. Hérodote les
distinguent entre Scythes laboureurs, au nord d'Olbia, les Scythes
nomades, au nord de Tanaïs et les Scythes royaux (dont l'un des
membres est choisi pour roi), vers la Crimée. Au Kouban, ils
cohabitent avec les Méotes sédentaires et les marins grecs aux confins
de leurs voyages. La rive orientale du Don est occupée par les
Sauromates qui deviendront les Sarmates. Les Scythes jouent le rôle
d'intermédiaires entre les emporia grecques et les nombreux peuples de
la steppe et ceux qu'on appelle Hyperboréens (dans le grand nord). Les
Scythes se livrent à l'agriculture et ils fournissent ainsi en blé et
en bois, les cités grecques jusqu'à Athènes. Ils pratiquent l'élevage
et ils conservent leurs talents d'excellents cavaliers. Ils
connaissent la selle et la tactique consistant à provoquer l'ennemi en
lui lançant des flèches et une fois proche de lui, faire demi tour et
continuer à tirer avec précision en se retournant sur sa selle. En
somme la tactique nommée 'flèche du Parthe"
La guerre de Darius contre les Scythes
Mais ils conservent aussi leur art de la guerre.
Ainsi quand Darius, peut être pour priver les Grecs de ce partenaire
commercial qui leur fournit du bois de construction pour leur flotte,
sans doute pour les punir des raids qu'ils ne manquent pas d'effectuer
dans son empire, ou parce que leur roi lui refuse la main de sa fille
selon Justin, décide de leur faire la guerre, il mène une importante
armée et traverse les Détroits. Hérodote nous raconte comment le Grand
Roi prépare sa campagne, fait réunir les troupes, préparer une flotte
et construire un pont sur le Bosphore, à Chalcédoine, vers - 515. Le
roi scythe Idanthyrse est bien renseigné et il se rend compte qu'il
ne peut se mesurer dans une bataille à une telle armée. Il envoie des
ambassades aux rois des pays voisins concernés par cette invasion et
leur propose une alliance mais il ne peut compter sur eux. Alors il
décide de ne livrer aucun combat en rase campagne et de se retirer en
comblant les puits et en brûlant toutes les cultures. La plus grande
partie des Scythes, comprenant les femmes, les enfants et les
troupeaux, se replie vers le Nord tandis que les meilleurs cavaliers
conduits par Skopasis et Taxakis, se portent au devant de l'armée
perse. Ils rencontrent l'ennemi à trois jours de marche de l'Ister
(Danube). Puis en restant en permanence à un jour de marche de l'armée
perse, ils dévastent entièrement la région. Des Perses poursuivent
les cavaliers scythes qui se replient vers le Tanaïs (à l'extrémité
orientale du lac Maiotis (actuelle mer d'Azov) ce qui amène l'armée
perse chez les Boudines, un des peuples qui a refusé l'alliance
scythe. Les Perses incendient leur capitale construite tout en bois.
La poursuite reprend vers le nord mais les Perses arrivent bientôt
dans un désert qui demande sept jours de marche pour le traverser. Là,
Darius fait construire huit fortins espacés de soixante stades. Mais
les cavaliers scythes contournent les campement et repartent
apparemment en direction de l'Ouest. Les travaux sont arrêtés et la
poursuite reprend. Les Perses rencontrent un autre groupe de cavaliers
qui les entraîne vers l'Est. Les peuples traversés laissent passer les
Scythes et les Perses, mais les Agathyrses, peut être alliés aux
Perses, leur refusent le passage. Alors les cavaliers scythes attirent
les Perses vers leur territoire. Et cela continue jusqu'à ce que les
Perses manifestent de la lassitude. Alors les Scythes laissent en
évidence quelques troupeaux que les Perses affamés dévorent. Hérodote
précise qu'à ce jeu, les troupes de Darius étaient acculées à la
famine. Darius poursuit ces cavaliers scythes jusqu'à la Volga et
stoppe puis décide une nuit d'abandonner le campement et les blessés
pour rentrer en Perse. Il retraite comme il peut jusqu'au Danube mais
les Scythes étonnamment, perdent sa trace. C'est
pendant cette retraite que l'Athénien Miltiade tente
de faire couper le pont pour isoler Darius et libérer les cités
grecques d'Ionie, mais selon Cornelius Nepos, "Histiée de Milet en
empêcha l'exécution". Les
pertes de Darius sont conséquentes, Justin livre les chiffres suivants
: sept cent mille hommes au départ laissant quatre-vingt mille morts.
En - 495, le roi scythe Aristagoras envisage une riposte contre la
Perse et il propose une alliance offensive au roi de Sparte Cléomène.
Mais ce projet échoue, car Darius prend Abydos, une colonie spartiate.
Les Scythes pillent la Thrace et occupent la Chersonèse. Après cette
victoire contre le Roi des rois, le prestige des Scythes augmente au
nord du Pont Euxin. La pression sur les cités grecques s'accroît au
point que certaines comme Olbia, passe sous protectorat scythe. Une
nouvelle dynastie royale va régner durant un siècle fondée par
Aripeithes. La Scythie prospère et se renforce politiquement.
équipement du guerrier scythe
Philippe II contre les Scythes
Au Vème siècle, les rapports sont bons avec les Grecs du Pont. Vers -
440, une nouvelle dynastie de rois scythes s'installe et forme une
alliance avec le royaume du Bosphore. L'un deux, Ateas semble le plus
puissant, il réussit à contrôler les cités grecques de l'Ouest du Pont
Euxin. Vers - 340, il a réuni l'ensemble des tribus scythes entre le
Danube et la mer d'Azov et s'est avancé au sud du Danube, dans la
Dobroudja. il fait la guerre aux Triballes et impose un tribut à une
partie des Thraces. En difficulté dans sa campagne contre la tribu des
Histriens de Thrace, Ateas demande le soutien de Philippe II de
Macédoine qui a épousé sa fille et selon Justin, lui propose de
l'adopter pour lui succéder sur le trône de Scythie. Mais bientôt le
roi des Histriens meurt et le besoin de soutien disparaît. Ateas
renvoie les ambassadeurs macédoniens venus demander une contribution
aux frais de guerre et élude leurs questions. Plus tard, Ateas refuse
de fournir des vivres aux troupes macédoniennes assiégeant Byzance.
Philippe lève le siège et décide d'attaquer les Scythes. La rencontre
a lieu dans les plaines de la Dobroudja, en Roumanie, en - 339. Les
Scythes sont vaincus et le roi Ateas meurt à 90 ans ! Les Macédoniens
perdent une grande partie du butin sur le chemin du retour.
Les Scythes contre Alexandre
Les Scythes participent brillamment à la bataille de Gaugamèles du
côté perse. Darius III les a placés sur son aile gauche, face à l'aile
droite d'Alexandre. ils sont 4 000 cavaliers accompagnés de 1 000
Bactriens et une centaine de chars à faux selon Arrien. Cette
cavalerie se bat courageusement et inflige l'essentiel des pertes de
la cavalerie macédonienne : 60 Hétaires (les Compagnons)
disparaissent. Alexandre retrouve des Scythes en Bactriane appelés
Abiens, ce sont des Saces et Quinte-Curce comme Ammien parle du fleuve
Tanaïs qui est en fait l'Araxe et non le fleuve qui se jette dans la
mer d'Azov. Alexandre veut fonder une cité près de ce fleuve mais les
Scythes massacrent les garnisons isolées. Leur technique de combat est
identique. Alexandre fait transporter ses troupes sur des radeaux en
protégeant le mieux possible ses soldats des flèches scythes, les
rameurs eux mêmes sont protégés par leur cuirasse. Arrivés à terre,
les Macédoniens chassent les Scythes avec leurs arcs et leurs frondes
et la cavalerie, l'infanterie légère et les sarrissophores, bien que
moins nombreux que les Scythes, les poussent à la fuite. L'ennemi
laisse mille morts sur le champ de bataille, précise Appien. Selon
lui, la maladie d'Alexandre qui a bu une eau malsaine oblige les
Macédoniens à s'arrêter et sauve les Scythes.
Mais en - 331, son gouverneur de la Thrace, Zopyrion (ou Zepirion) se
lance dans une expédition en Scythie et met le siège devant Olbia.
Cette expédition est un échec, son armée est écrasée par les Scythes
alliés à la cité d'Olbia et selon Justin, Zopyrion périt dans cette
campagne. Vers - 310, les Scythes participent à la bataille de la
rivière Thatis aux côtes du roi Satyros II en lutte contre son frère
Eumèlès. C'est l'action de la cavalerie scythe qui décide de la
victoire. (voir plus bas). Au temps des Diadoques, Diodore de Sicile
écrit que Lysimaque combat avec succès les Thraces et les Scythes
coalisés vers - 313.
La menace sarmate et le
dernier royaume scythe
Depuis le milieu du 4ème siècle, les Sarmates exercent à l'est, une pression croissante sur les Scythes et vont lentement les refouler vers l'Ouest. Pendant ce temps les Scythes, devenus sédentaires, créent des villes et se protègent derrière leurs remparts. Présents depuis le VIème siècle au delà de la Volga, les Sarmates vivaient en bonne intelligence avec leurs "cousins" les Scythes. Il semble qu'ils ont participé à la guerre contre Darius. Ce peuple est fortement imprégné par la guerre à laquelle participe les femmes. Celles ci tiennent un rang élevé dans la société sarmate. La pression sarmate augmentant, les Scythes se concentrent dans la Chersonèse Taurique et le bas Dniepr et le bas Boug mais poursuivent leur migration vers l'ouest en atteignant le territoire de l'actuelle Hongrie. Au IIIème siècle, la rive nord du Pont Euxin est pratiquement* conquise par les Sarmates et le nord ouest de la Chersonèse est âprement disputée entre Scythes, Sarmates et Grecs. Ainsi, une reine sarmate nommée Amagê défend la cité de Chersonèse contre les Scythes. Leur roi Skilouros et son fils Palakos, au IIème siècle, remplacent les établissements grecs, par exemple Kerkinitis, par des forteresses scythes pour se défendre contre les Sarmates et la politique expansive du roi du Pont Mithridate Eupator. Parmi ces forteresses, citons Neapolis, la capitale, Palakion et Chabaioi. Cette Petite-Scythie soumet Olbia et impose un tribut au royaume du Bosphore. A la fin du IIème siècle, Palakos obtient le soutien des Roxolans pour attaquer la cité de Chersonèse. C'est un échec pour les Scythes, ils sont vaincus par Diophante, le général en chef de Mithridate Eupator venu défendre Chersonèse assiégée. Selon Strabon, 6 000 soldats du royaume du Pont repoussent 50 000 Roxolans faiblement armés conduits par Tasios. C'est la fin de la puissance scythe,
*
En effet, des groupes scythes ont perduré quelque temps dans la steppe
boisée de l'actuelle Ukraine, comme par exemple à Ryjanivka, au milieu
du IIIè siècle.
cavalier sarmate
La présence
romaine et la fin de l'histoire scythe
Parmi l'ensemble des tribus sarmates, les Roxolans
traversent le Don au IIème siècle et peu de temps après sont une
puissance autour du Pont-Euxin. Mithridate Eupator annexe la
Chersonèse et le Bosphore Cimmérien vers - 107. Olbia redevient
indépendante au Ier siècle avant notre ère. Puis vient l'influence
romaine. Au début du Ier siècle de notre ère, le roi du Bosphore
Aspourgos, client de l'Empire Romain et "Ami des Césars", est
vainqueur des Scythes. Ces derniers reprennent le siège de Chersonèse
qui appelle les Romains à son secours. Plautius Silvanus, le légat
propréteur de Mésie, intervient pour faire lever le siège. Des soldats
de la XIème légion stationnent en Crimée. Au Ier et IIème siècle, les
Scythes combattent souvent le royaume du Bosphore et celui ci finit
par l'emporter Au début du IIIème siècle, le royaume du Bosphore est
sous la tutelle de Rome. A l'est du Don, les Huns battent les
Massagètes qui sont venus au IIIème siècle. Au milieu du IIIème
siècle, sous la poussée des Goths venus d'Ukraine, les Scythes sont
refoulés vers les montagnes du sud-ouest de la Crimée. Les Goths
poursuivent leur marche vers l'Ouest en faisant des incursions avec
des groupes d'Alains et de Sarmates, dans les provinces danubiennes
proches. Le roi du Bosphore Rhescuporis IV Tiberius Julius subit
l'invasion des Goths et des Boranes et leur autorité. A ce moment,
Chersonèse est défendue par des sections de la XIè légion claudienne,
de la 1ère légion italique et de la flotte mésienne augmentées de
cohortes auxiliaires recrutées en Espagne. Une inscription de 250
mentionne un centurion de la 1ère légion italique nommé Marcus Ratius
Saturnin. Ensuite l'empereur Gallien évacue les forces romaines de la
cité de Chersonèse et rassemble ses troupes pour faire face, avec
succès, aux attaques des Goths et leurs alliés par le nord du
Pont-Euxin. Mais en 268, les Germains préparent une considérable
expédition maritime à partir de la Méotide (par l'actuel détroit de
Kertch). 6000 navires selon l'historien byzantin Zosime, sont
rassemblés à l'embouchure de la Tiras (Dniestr) pour l'invasion des
provinces romaines du Pont Euxin selon Ammien Marcellin. Des
Ostrogoths, des Gépides, des Peuces, des Hérules et des Celtes
avancent par mer et à terre mais ni Panticapée ni Chersonèse, pourtant
désertée par les légionnaires, ne sont attaquées, Gallien réussit à
les faire fuir. En 276, Florien commande les armées romaines
victorieuses des Germains dans le Caucase et reprend la lutte
victorieusement. Mais il doit bientôt cesser sa campagne pour réduire
l'usurpateur Probus. Le roi du Bosphore cimmérien Teiranès Tiberius
Julius, "Ami de César et des Romains", est vainqueur des Germains déjà
affaiblis par l'empereur Florien. Mais entre temps le dernier royaume
scythe a disparu. Enfin les Huns terminent cette histoire scythe vers
375. Les Scythes sont assimilés par les divers groupes d'envahisseurs
: Iaziges, Roxolans, Aorses, Siraques, Ourgues, Alains, Goths et Huns.
L'armée scythe
La puissance militaire des Scythes a permis quelques siècles de
paix. L'équipement des cavaliers, principale force de l'armée scythe,
comprend des éléments protecteurs chez les nobles : casque, cuirasse,
jambières, alors que l'ensemble des cavaliers n'ont que le bouclier,
petit et rectangulaire. Il n'y a pas de cavalerie lourde comme chez
les Parthes ou les Sarmates. Les armes offensives sont principalement
l'arc composite de petite taille, rangé avec les flèches dans un
goryte, étui et carquois combinés. Ils utilisent aussi la lance,
l'épée courte ou longue, et moins souvent la hache, la masse, la
fronde et le lasso. Il semble qu'ils ont utilisé des chiens de guerre.
Les Scythes ont conservé les traditions de la steppe boisée et ils portent dans leur vie nomade, des cheveux longs, des longues vestes en fourrure, un pantalon recouvert jusqu'à mi cuisse d'un caftan et sur la tête, d'un bonnet comparable au bonnet phrygien mais dressé et droit.
L'arc scythe
L'arc est l'arme fondamentale des Scythes. Il est de petite taille,
de 60 à 80 centimètres en moyenne et sa structure est composite, c'est
à dire que le bois qui le compose est renforcé à l'extérieur par du
tendon séché et à l'intérieur par des lamelles de corne collées. L'arc
devient ainsi plus souple et plus résistant. La corde est faite de
crin de cheval ou de tendon d'animal. Les flèches ont une longueur
comprise entre soixante et soixante dix centimètres avec des pointes
systématiquement à douille, le plus souvent en bronze. Les pointes de
fer sont tardives, IVè et IIIè siècle et plutôt sur le Don moyen. La
pointe de flèche à 3 tranchants, caractéristique des Scythes est
abondante aux IVè et IIIè siècles. La cadence de tir est de 10 à 12
flèches par minutes et la pénétration à courte portée, très grande. La
portée moyenne d'un arc scythe est de 200 à 300 mètres en tir peu
précis. L'utilisation du poison sur les flèches scythes n'est pas
prouvée, la mention que fait Ovide sur les flèches des nomades pendant
son exil dans le Pont Euxin concerne les Sarmates.
La lance scythe est longue, de 1,70 mètres à 2,20 mètres et peut
être lancée, elle dispose d'une pointe et d'un talon de fer. Le
bouclier est fait soit de baguettes de roseau ou d'osier renforcées de
cuir, soit de bois et de cuir renforcé de métal, soit de bandes
métalliques attachées à un support de cuir par du fil de bronze ou de
fer. de nombreux Scythes pauvres, combattant en fantassins, utilisent
la fronde.
L'élite guerrière porte une cuirasse à écailles, montée sur un
vêtement de cuir épais, prenant la forme d'un gilet ou d'une veste.
Les Scythes portent, à l'image des Grecs, des cnémides y compris pour
les cavaliers. Le casque est moins fréquent, du type de Kouban, fort
arrondi. Mais ils portent aussi des casques de modèle grec, attique,
corinthien, thrace et un modèle de confection locale à lamelles
métalliques.
En combat contre une troupe ennemie, l'armée scythe commence par un
tir de saturation de ses archers de cavalerie voire par ses frondeurs.
Et quand la cible est affaiblie, on envoie la cavalerie d'élite qui
est la plus protégée. Un exemple de cette action offensive est donnée
quand vers - 310, les Scythes agissent comme alliés du roi du
Bosphore, Satyros II. Diodore de Sicile précise que les Scythes
alignent 10 000 cavaliers et 20 000 fantassins. Le combat oppose
Satyros à son frère Eumèlès qui est soutenu par un peuple de la région
du Kouban, les Thatéens.
Ayant établi un camp de chariots, Satyros enfonce le centre du
dispositif ennemi avec la cavalerie scythe puis la rabat à droite pour
écraser l'aile gauche d'Eumèlès. Cette faculté de garder sa cohésion
après avoir traversé la ligne ennemie, se regrouper et lancer avec
succès une deuxième charge dans une autre direction contre un autre
corps ennemi, est rare dans une armée antique.
L'armée scythe est capable d'évoluer avec vitesse et précision. et de
concevoir des stratégies complexes.
"Nous sommes en état de guerre constante, nous sommes tantôt agresseurs, tantôt agressés, ou encore nous avons des différents à propos des territoires de pâture ou du partage de butin" |
déclare le scythe Toxaris cité par le grec Lucien au IIè siècle avant notre ère. |
L'apparition du nomadisme dans les steppes
Contrairement à ce que l'on imagine souvent, le nomadisme n'est pas la survivance d'un mode de vie archaïque, conservé par quelques tribus inadaptées en marge des « vraies » civilisations. C'est au contraire une spécialisation économique développée pour exploiter un biotope particulier. Son apparition semble s'être produite au début de l'âge du fer, dans la vaste bande de steppes qui s'étend en Europe orientale, en Sibérie et en Asie centrale, et dans les zones limitrophes de steppe boisée, de pâturages de montagne et de semi-désert. Sur ces territoires avaient fleuri à l'âge du bronze les cultures apparentées dites « d'Andronovo » et « des tombes à charpentes », dont les porteurs étaient vraisemblablement de langue indo-européenne, sans doute en majorité iranienne. Ce sont les héritiers de ces cultures sédentaires qui, abandonnant l'essentiel de leurs activités agricoles au profit d'un élevage extensif et transhumant, passèrent au nomadisme vers le début du Ier millénaire av. J.-C. Leurs talents de cavaliers, la forte coloration guerrière de leur civilisation pastorale, firent souvent d'eux le fléau de leurs voisins sédentaires.
Les premiers nomades de la steppe qui nous soient connus par leur nom sont les mystérieux Cimmériens, aux affinités encore incertaines, auxquels on attribue des vestiges des IXe -VIIIe siècles av. J.-C. retrouvés en Ukraine et Russie méridionale. Ils sont évoqués par les poèmes homériques et par des sources assyriennes des années 722-715 av. J.-C.
Les Scythes et la constellation « scythique »
Les Scythes, eux, nous sont connus par les sources écrites et par l'archéologie à partir du VIIe siècle av. J.-C., mais il faut préciser le contenu de cette appellation. Au sens large, on peut qualifier de « scythique » une vaste constellation de peuples nomades apparentés par le mode de vie, la langue iranienne orientale, l'art animalier, les types d'armes et de harnachement du cheval… Les populations de cette grande famille occupaient d'immenses territoires du Danube à la Chine occidentale et leurs voisins sédentaires, conscients de leur parenté, leur accolaient souvent une étiquette commune. Pour les Grecs, tous étaient des « Scythes » ; pour les Perses, des « Saces » (Sakâ).
Au sens strict, cependant, les Scythes sont plus particulièrement le peuple qui, à partir des VIIe-VIe siècles av. J.-C., occupa le Caucase septentrional, puis l'actuelle Ukraine. Ces « vrais » Scythes d'Europe sont les mieux connus grâce à leur célèbre description par Hérodote, qui occupe la moitié du livre IV de L'Enquête et aux fouilles archéologiques en Ukraine dont les plus anciennes remontent au XVIIIe siècle.
C'est principalement d'eux qu'il sera question ici, mais il ne faut jamais oublier qu'ils n'étaient que la partie la plus occidentale d'un massif « scythique » bien plus considérable. Celui-ci comprenait aussi les Sauromates de Russie méridionale, qui sont les ancêtres des Sarmates de la période suivante, les tribus sibériennes, à l'origine de la célèbre collection d'objets animaliers en or réunie sur l'ordre de Pierre Ier de Russie, des populations de l'Altaï et différents groupes « saces » d'Asie centrale. Dans une certaine mesure, les renseignements dont nous disposons sur chacune de ces populations comblent les lacunes de notre information sur les autres. C'est ainsi que les fameuses « tombes gelées » de l'Altaï ont livré des objets en matériaux périssables, disparus ailleurs, mais dont on peut imaginer que les équivalents existaient chez les Scythes d'Europe ou les Sauromates : tapis, coussins, instruments de musique…
L'origine des Scythes et l'épisode moyen-oriental
Grâce aux travaux complémentaires des historiens, archéologues, linguistes et anthropologues, nous pouvons aujourd'hui nous faire une idée relativement précise des Scythes d'Europe en tant que peuple. De superbes représentations d'époque et l'analyse des restes trouvés dans les tombes montrent qu'ils étaient purement europoïdes – contrairement à leurs cousins de l'Altaï, par exemple – souvent de grande taille, avec des visages au nez assez proéminent. Ils parlaient une langue iranienne du groupe oriental dont nous ne possédons que quelques mots et surtout des noms propres explicables par des racines iraniennes. Les hommes arboraient moustache et barbe et portaient déjà la tenue qui sera celle de beaucoup de leurs successeurs dans les steppes : pantalon avec des bottes serrées à la cheville, caftan court croisé, bonnet-capuchon. Le costume féminin, moins bien connu, comprenait une longue robe serrée à la ceinture. Des plaquettes d'or étaient cousues sur les vêtements les plus riches.
Quant à leur origine géographique, les Scythes étaient à en croire Hérodote des conquérants venus d'Asie et qui fuyaient eux-mêmes d'autres tribus plus puissantes. Parvenus en Europe, ils vainquirent les Cimmériens, les poursuivirent à travers le Caucase jusqu'en Asie antérieure où ils s'allièrent successivement aux Assyriens et aux Mèdes et firent régner la terreur pendant trois décennies, avant de revenir dans les steppes européennes et d'établir leur domination en Ukraine.
Ce récit est partiellement confirmé par d'autres sources et par l'archéologie. Les plus anciens éléments culturels « proto-scythes » actuellement connus – décors animaliers, rites funéraires – sont ceux du « kourgane » (tumulus) d'Arjan dans la Touva russe, près de la frontière mongole. Il n'est pas exclu qu'une partie au moins des ancêtres des Scythes soit venue d'Asie centrale. Le récit d'Hérodote sur leur descente et leur domination en Asie est peut-être romancé, mais repose sur des faits bien réels : des textes assyriens évoquent la présence des Scythes dans la région dès les années 676-652 av. J.-C., et il existe aussi des traces archéologiques, comme le « Trésor de Ziwiyé » au Kurdistan iranien. Les futurs Scythes d'Europe furent profondément marqués par leurs contacts avec les grands royaumes qu'ils servirent ou affrontèrent : l'art scythe des périodes ultérieures révèle de nombreuses influences moyen-orientales, notamment assyriennes, et transcaucasiennes, notamment ourartéennes, au point que certains spécialistes considèrent que la culture scythe ne s'est définitivement formée qu'après cet épisode asiatique.
La Scythie européenne
Initialement situé au nord du Caucase, où de grands « kourganes » archaïques ont été fouillés à Kelermès, le centre de la domination scythe se déplaça à la fin du VIIe et au début du VIe siècle av. J.-C. vers l'actuelle Ukraine. Des groupes scythes s'avancèrent même jusqu'en Europe centrale.
En Ukraine, l'aire d'influence culturelle, économique et probablement politique des Scythes comprenait non seulement les steppes herbeuses méridionales, mais aussi la steppe boisée centrale occupée par diverses populations sédentaires et agricoles. Hérodote explique très bien comment une tribu dominante, les « Scythes royaux », gouvernait plus ou moins directement un ensemble composite de Scythes et d'autres ethnies dont, pense-t-on, les lointains ancêtres des Slaves. Il fait aussi allusion à des structures politiques d'une certaine complexité, avec trois royaumes alliés et des gouverneurs de districts. La société scythe était elle-même fortement hiérarchisée, avec, sous les rois, une aristocratie, une masse d'hommes libres, et des esclaves dont le nombre et l'importance économique sont discutés. Cet édifice s'avéra assez solide pour résister, en 513 av. J.-C., à une tentative d'invasion conduite à partir de la Thrace par le roi de Perse Darius Ier, le plus puissant souverain de son temps.
La Scythie d'Europe connut son apogée aux Ve et IVe siècles av. J.-C., comme en témoigne le faste des grandes tombes royales de cette période.
Nomades et guerriers
Hérodote définit les Scythes comme « des porte-maisons et des archers à cheval », soulignant ainsi leurs deux caractéristiques les plus familières aux Grecs : le nomadisme et les aptitudes guerrières.
Le nomadisme que pratiquaient les tribus scythes de la steppe était, comme on l'a dit plus haut, un système économique spécialisé pratiqué dans un cadre rigoureux. Comme le montre l'allusion d'Hérodote à des frontières entre tribus et les comparaisons ethnographiques modernes, les migrations saisonnières s'effectuaient suivant des itinéraires précis, entre des pâturages fixes. Les Scythes élevaient des ovins et bovins et surtout des chevaux. Le cheptel fournissait la force de traction ou les montures, la nourriture c'est-à-dire la viande, le lait et les produits dérivés comme le fromage et la boisson fermentée à base de lait de jument, et des matériaux comme le cuir, la laine, l'os et la corne. L'habitat consistait essentiellement en chariots aménagés en compartiments. Mais les nomades contrôlaient aussi le commerce nord-sud entre les populations sédentaires agricoles de la steppe boisée et les colonies grecques établies dès le VIIe siècle av. J.-C. sur la côte ukrainienne : la Scythie exportait du blé et des esclaves et importait du vin, de la céramique et de l'orfèvrerie de luxe.
Des agglomérations proto-urbaines parfois importantes se développèrent à l'époque scythe non seulement dans la steppe boisée, mais même dans la steppe herbeuse méridionale. C'étaient des centres à la fois économiques et politiques ; on y a notamment retrouvé les traces d'intenses activités artisanales. Aux IVe et IIIe siècles av. J.-C., une partie des Scythes nomades se sédentarisa dans ces établissements et dans des villages au sud de l'Ukraine.
La pax scythica nécessaire au fonctionnement de cette économie intégrée était garantie par la puissance militaire des Scythes, qui passaient à juste titre pour de redoutables guerriers. Cavaliers hors pair, bien qu'ils n'aient employé ni étriers ni selle rigides, ils combattaient essentiellement comme archers montés, harcelaient l'ennemi et le déconcertaient par de foudroyantes manœuvres de cavalerie. Ils utilisaient des tactiques que reprendront par la suite tous leurs successeurs dans les steppes, comme la fuite simulée ou le rempart mobile formé de chariots. Leur arme favorite était l'arc – un arc composite de petite taille mais de très forte puissance – mais ils maniaient aussi le lasso, la lance, l'épée et le javelot. L'aristocratie scythe, qui fournissait l'encadrement des troupes, portait casques et cuirasses, parfois des jambières de style grec. La découverte d'armes dans des tombes féminines suggère que les femmes, probablement les jeunes filles célibataires, pouvaient combattre aux côtés des hommes ; le fait est en tout cas bien attesté chez les Sauromates de Russie méridionale, que les Grecs croyaient issus de Scythes et des Amazones, les mythiques femmes guerrières.
La guerre comprenait, comme chez les Celtes, des pratiques rituelles de prélèvement de trophées humains. Le jeune guerrier scythe buvait du sang de sa première victime ; les têtes des ennemis abattus étaient présentées au roi. Les crânes sciés servaient de coupes à boire et la peau humaine tannée de serviettes ou d'ornements de chevaux.
Les dieux et les morts
Hérodote donne une liste des divinités vénérées par les Scythes – leurs noms ne correspondent pas à ceux connus chez les peuples iraniens sédentaires – et rapporte quelques mythes dont ceux liés à l'origine du peuple scythe. Outre le dieu céleste et ancestral Papaios et son épouse Api, le panthéon scythe était dominé par Tabiti, déesse du feu du foyer et « reine des Scythes », et par un dieu de la guerre que symbolisait une épée. Le culte comportait des sacrifices d'animaux et, dans le cas du dieu de la guerre, des sacrifices humains à la mise en scène tragique : des prisonniers de guerre étaient égorgés et démembrés au pied d'un immense bûcher où leur sang arrosait l'épée divine.
La religion scythe paraît avoir combiné un fond « théologique » de type iranien et donc indo-européen avec des pratiques chamanistes, comme l'usage rituel de vapeurs intoxicantes, d'accessoires comme les grelots… Hérodote signale des devins travestis en femmes, les « énarées », qui peuvent correspondre à la définition du chaman. Il n'existait aucune caste sacerdotale organisée comparable aux mages perses.
Les Scythes concevaient apparemment la vie dans l'au-delà comme une prolongation éternelle de l'existence terrestre. Les rites funéraires avaient une grande importance. Les fouilles archéologiques en Ukraine ont largement confirmé la description par Hérodote des fastueuses funérailles royales. Les grands personnages étaient inhumés dans des tombes à l'architecture parfois complexe, avec un riche mobilier et en compagnie de divers serviteurs et de nombreux chevaux. La tombe était couverte d'un tumulus qui pouvait aller jusqu'à vingt mètres de hauteur et trois cent cinquante mètres de diamètre, dominé par une statue de pierre figurant le défunt ou un ancêtre divinisé.
L'art scythe : traditions animalières et influences grecques
L'art des Scythes est aujourd'hui bien connu du public occidental, notamment en France où les travaux remarquables de Véronique Schiltz ont beaucoup contribué à sa périodisation et à son analyse.
Le répertoire de base est constitué de motifs animaliers connus non seulement des Scythes, mais aussi de toutes les populations apparentées de Sibérie et d'Asie centrale. Il comprend des animaux isolés dont le cerf, le rapace, le félin, voire même des « pièces détachées » comme l'œil et le bec du rapace, et des scènes de prédation. Des animaux composites ou fantastiques, comme le griffon, côtoient les bêtes réelles. Outre leur vocation décorative qui nous les fait apprécier aujourd'hui, ces motifs ont évidemment un sens symbolique ou emblématique. Certains, comme les prédateurs, représentent les qualités qui leur sont associées. D'autres, surtout le cerf, ont des sens multiples et certaines compositions peuvent illustrer des mythes ou des idées complexes. Tout ceci vaut pour l'ensemble de « l'art des steppes », dont les thèmes se retrouvent sous des formes remarquablement proches de l'Ukraine à la Chine. Mais la marque distinctive de l'art scythe d'Europe, c'est sa féconde symbiose avec l'art grec, manifeste surtout au IVe siècle av. J.-C. Au répertoire nomade, il ajoute des figures divines et humaines, notamment les magnifiques et précieuses représentations « ethnographiques » de Scythes campés au combat, dans leurs tâches quotidiennes ou diverses cérémonies, et des motifs animaliers réalistes qui échappent aux conventions steppiques traditionnelles.
La fin et l'héritage des Scythes
Dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., les Scythes durent affronter à l'ouest la puissance montante de la Macédoine, et à l'est le début de l'expansion de leurs cousins les Sarmates. Après la défaite face aux Macédoniens et la mort du grand roi Atéas (339 av. J.-C.), le territoire scythe se réduisit progressivement à la péninsule de Crimée et aux zones attenantes du bas-Dniepr. Une culture scythe sédentarisée et agricole, de plus en plus métissée, s'y maintint jusqu'aux premiers siècles de notre ère, tandis que l'ancienne « Scythie » ukrainienne devenait la « Sarmatie européenne » des géographes romains.
Durant des siècles, pourtant, le nom des Scythes continua d'être donné en Occident aux diverses populations qui se succédèrent dans les steppes d'Europe orientale. C'était abusif, mais significatif : la période scythe apparaît bien, aux archéologues actuels, comme une étape fondatrice de la civilisation des steppes, au cours de laquelle apparurent et se diffusèrent sur un immense espace des traditions culturelles qui allaient, pour certaines, se perpétuer presque jusqu'à nos jours en dépit des bouleversements ethno-culturels.
L'étude des peuples nomades d'Europe et d'Asie s'est
considérablement développée au XXe siècle. La comparaison avec des
dictionnaires du passé, même d'un passé peu éloigné, est très
instructive. Quelques exemples suffisent pour illustrer notre
propos.
L'article Scythes dans
le Dictionnaire
général de Biographie et d'Histoire etc. (auteurs-
directeurs : Ch. Dezobry et Th. Bachelet quatrième édition revue
Paris 1866) occupe deux colonnes et demie. Il est donc assez
développé. L'auteur fonde son exposé sur les historiens anciens,
Hérodote pour la période antérieure à 425 av. J.-C. dont il résume
très partiellement le livre IV, laissant d'ailleurs de côté beaucoup
d'informations qui nous paraissent d'un intérêt capital. Il raconte
les conquêtes des Scythes, la guerre que leur fit Darius le Grand,
il distingue, comme Hérodote, les peuples Scythes les uns des
autres, ajoutant même à la liste un cinquième, celui des "Scythes
déserteurs", appellation curieuse pour désigner des hommes qui
avaient voulu échapper au joug d'un autre peuple, celui des Scythes
royaux.
Il mentionne certaines coutumes qu'il déclare communes à tous les
peuples barbares. Curieusement, il affirme que,"sur les sept peuples
qu'Hérodote désigne comme étant proprement de race scythique, un
seul est appelé nomade".
Pour l'histoire des Scythes après Hérodote, il s'appuie sur les
oeuvres d'auteurs grecs et latins mais l'article, s'il mentionne
quelques événements historiques, est constitué pour l'essentiel par
une énumération des très nombreux peuples considérés comme Scythes
ou apparentés aux Scythes. La part consacrée à la vie matérielle, à
l'organisation politique des tribus, aux moeurs, aux coutumes, aux
croyances, bref à tout ce qui nous intéresse dans la vie des peuples
est très réduite, quasi nulle. L'auteur de l'article (par défiance
envers Hérodote?) néglige tout ce qu'une lecture attentive nous
apprend et il ignore tout des découvertes faites dans la Russie du
Sud, en Ukraine et dans la Sibérie au cours du XVIIIe et du XIXe
siècles, tout de l'art des steppes (cf. kourganes).
Le Grand Larousse encyclopédique en dix volumes, édition
de 1964, qui présente les articles sur trois colonnes (chacune de
quarante cinq signes) résume à l'extrême l'histoire des Scythes,
partage la population en nomades et agriculteurs, évoque en peu de
mots les croyances et les coutumes. Il dit l'importance du rôle des
Scythes dans la propagation de l'art des steppes et l'influence des
colonies grecques sur leur art. Dans un si petit espace il ne peut
dire plus mais, toutefois, en renvoyant à l'articlesteppes il
permet à chacun d'enrichir ses connaissances.
Cet article traite le sujet du point de vue géographique et
archéologique. Dans cette dernière partie, qui occupe un peu plus
d'une colonne, le lecteur trouve cette fois des informations sur
l'art des steppes (art animalier), sur ce qui distingue l'art
sarmate de celui des Scythes, sur les grands kourganes de Pazyryk.
S'il est quelque peu averti, il sera plongé dans la perplexité.
Le texte (cf. citation, plus bas) ne dit rien des kourganes de
Russie et d'Ukraine ni de ce qu'on y a trouvé, des fameux trésors de
la collection sibérienne de Pierre Ier et des trouvailles
ultérieures abritées dans les grands musées russes. L'art des
Scythes présentant un caractère iranien, le lecteur ne peut savoir
ses caractéristiques que par déduction. Il est vrai qu'à cette date
nulle exposition n'avait offert aux regards les oeuvres originales
de ces peuples.
L'Histoire générale de l'Art, ouvrage collectif, en deux
volumes, publié chez Flammarion en 1950, traite en deux pages de L'art
de la steppe et l'art perse, quelques lignes seulement
concernent l'art scythe qui obéit aux tendances de l'art dit du
Louristan, présenté comme celui des cavaliers nomades. C'est peu !
Il a cependant le mérite de faire mention de la richesse du musée de
l'Ermitage.
Pour avoir une vision plus complète et cohérente de l'art des
steppes, pour voir reconnue l'originalité de l'art des Scythes, il
faut attendre, du moins chez nous, les trente dernières années du
XXe siècle. Les grandes expositions jouent un rôle capital, les
publications d'articles dans des revues à grande diffusion, les
dictionnaires et encyclopédies, des ouvrages accessibles, la
synthèse de V. Schiltz offrent la possibilité de connaître enfin les
Scythes et leur culture.
Leur domination fut signalée par d'effroyables violences, et les Mèdes ne se délivrèrent de ces sauvages conquérants qu'en les invitant à des festins et en profitant de leur ivresse pour les massacrer.
Dezobry et Bachelet, Dictionnaire
On a voulu s'appuyer de quelques coutumes rapportées par Hérodote pour démontrer l'origine tartare des Scythes ; telles sont la vie nomade, l'adoration du dieu de la guerre sous la forme d'un sabre, l'usage de suspendre à la selle de leurs chevaux les chevelures des ennemis, de boire dans leur crâne orné en forme de coupe, de se faire des blessures volontaires à la mort de leur roi, sur la tombe duquel ils immolaient un grand nombre de ses serviteurs. Mais la vie nomade est plutôt le caractère distinctif des peuples qui entourent les Scythes que des Scolotes eux-mêmes (Scolotes, tel est le nom que se donnent les Scythes d'après Hérodote) : car sur les sept peuples qu'Hérodote désigne comme étant proprement de race scythique, un seul est appelé nomade ; les Callipides, les Alazons, les Scythes laboureurs et agriculteurs cultivent la terre. Quant aux coutumes, la plupart sont communes à tous les peuples barbares ou se retrouvent parmi d'autres populations aryennes, aussi bien que chez les peuples tartares-finnois.
Dezobry et Bachelet, Dictionnaire
Cette culture [...] essaime , au milieu du Ier millénaire, jusque
sur la Volga, le Don et le Dniepr, et influence , dès le VIIe av.
J.-C., l'art scythe.
En effet, à cette époque, sur les bords de la Mer Noire, des tribus
scythes s'arrogent le pouvoir. Cette culture scythe (env. 700-200
av. J.-C.), avec des variantes locales, présente un caractère
iranien auquel s'ajoutent des influences helléniques, prépondérantes
à partir du Ve siècle.
Grand Larousse, Steppe
L'art des Scythes est opposé à celui des Sarmates, peuple qui a
supplanté les Scythes à partir de 200 av. J.-C.. Au caractère
décoratif de l'art des Sarmates est opposé celui, réaliste, des
Scythes. L'art des Scythes n'est à aucun moment, étudié en lui-même
mais toujours dans sa relation avec celui des autres peuples, dans
sa dépendance par rapport aux autres peuples.
Parlant des origines des Scythes, Hérodote raconte les légendes qu'il a lui-même entendues à Olbia au cours du voyage qu'il y fit pour préparer le sixième livre de ses Histoires. L'ancêtre des Scythes serait un certain Targitaos, fils de Zeus et d'une fille du fleuve Borysthène (Dniepr) : les trois fils de ces derniers virent, un jour, tomber du ciel divers objets en or et voulurent s'en saisir ; mais seul le plus jeune y parvint, méritant ainsi la royauté, et c'est de lui que descendraient les Scythes royaux. Suivant une autre légende, Héraklès atteignit la Scythie, alors déserte. Au cours de son sommeil, les juments de son char disparurent ; après de longues recherches, il les retrouva aux mains d'un monstre demi-femme, demi-serpent qui, pour prix du rachat, lui demanda ses faveurs. À son départ, elle le questionna sur le sort qu'il conviendrait de réserver aux trois fils qu'elle attendait de lui. Héraklès lui confia alors un de ses arcs ainsi que son baudrier auquel était suspendue une coupe en or. À celui qui saurait bander l'arc et ceindre le baudrier comme lui reviendrait le pouvoir, aux autres l'exil. Le moment venu, les trois fils, Agathyrse, Gelon et Scythe, subirent l'épreuve ; le dernier l'emporta, donnant son nom à toute sa descendance, à tous ceux qui, dès lors, vécurent en Scythie. Le troisième récit consigné par Hérodote s'écarte de la mythologie grecque et semble mieux convenir aux exigences historiques. Les Scythes seraient venus d'Asie. Chassés par les Massagètes, ils s'installèrent en terre cimmérienne. Toutes les recherches historiques et archéologiques confirment aujourd'hui cette origine. Les terres eurasiatiques furent en effet, au seuil du Ier millénaire avant notre ère, le siège de nombreux mouvements dont les répercussions déclenchèrent des migrations de peuples à la recherche de nouveaux pâturages. Ces mouvements entraînaient la constitution de nouvelles alliances et la naissance de confédérations souvent très puissante […]
On regroupe sans doute sous ce nom plusieurs populations vivant dans les steppes du nord de la mer Noire à l'est de la Caspienne.
Dans l'ensemble, cette culture d'agriculteurs, dont la plupart des
sites sont massés le long de la Volga, mais dont la culture d'Andro-novo
serait une variante sud-sibérienne et celle de Tazabagjab une branche du
Kazakhstan occidental, est caractérisée par des vases monochromes faits a
\a main, ornés de motifs gravés ou incisés, parfois cordés de caractère
géométrique simple, des ciseaux et des haches de bronze (dans une première
période à oeillets et ensuite à douille), des pointes de lance oblongues à
douilles, des dagues en cuivre et en bronze, des sabres-dagues courbes,
des faucilles.
Cependant, la plupart des archéologues soviétiques n'admettent pas cette
filiation du fait de la différence fondamentale entre le mobilier de ces
kurgans et celui qui caractérise l'art des steppes purement scythique,
avec son style animalier, ses animaux fantastiques, son goût pour le
mouvement, les formes courbes et complexes.
Rostovtzeff situe leur arrivée en Russie méridionale à la fin du ~ VIe
siècle.et c'est en effet au siècle suivant qu'apparaissent les premières
tombes à charpentes de cette région, où l'on trouve un mobilier de
caractère scythe tandis que les influences de l'art des steppes se
manifestent dans les productions des ateliers grecs de ces régions :
Olbia, Panticapée, Néapolis.
Si les Scythes sont bien des Indo-Iraniens, on peut alors admettre avec
Kislev et Tamara Talbot Rice qu'ils se sont séparés du groupe
nord-pontique au ~ IIe mill, pour émigrer vers l'Iénis-séi, en Sibérie,
qu'ils auraient atteint vers ~ 1700 avant de redescendre vers le Caucase
en contournant l'Altaï.
Là, ils se seraient divisés en plusieurs groupes, les uns choisissant un
mode de vie sédentaire et s'installant comme agriculteurs, les autres
demeurant des pasteurs cavaliers.
Ce seraient ces derniers qui auraient ravagé le Proche-Orient au ~ VIIe
siècle, tandis que les constructeurs des tombes de Pazyryk, dans l'Altaï,
appartiendraient à un groupe demeuré en haute Asie et qui se serait
peut-être mêlé à des proto-Turcs.
Tirailleurs royaux scythes
Navire de transport
Tirailleurs royaux scythes
Comme pour tous les nomades de la steppe qui leur succéderont, la vie des Scythes ne peut se concevoir sans leur compagnon de tous les jours : le cheval. Chez les Scythes, le cheval était un compagnon inséparable, à la fois animal de transport, source de nourriture (lait des juments) et compagnon dans l’au-delà. La coutume d’inhumer des chevaux à côté des dépouilles royales est la preuve que les Scythes ne pouvaient concevoir la vie terrestre ou supraterrestre, sans chevaux. Il est vraisemblable que les Scythes furent parmi les premiers peuples à domestiquer les chevaux et certainement le premier à les monter.
L’usage des chevaux étaient réservés aux tâches nobles : la chasse et la guerre. Pour le trait, les Scythes utilisaient des attelages de bœufs. L’invention de la cavalerie leur permit de conquérir l’Asie centrale. Tout porte à croire qu’ils furent de redoutables cavaliers. Les chevaux scythes étaient soit des poneys, du type cheval de Prjevalski, soit des chevaux issus du Ferghana, ceux-là même qui fascinèrent tant les sédentaires chinois et qu’ils appelèrent « chevaux célestes ».
Tous les Scythes vivant entre le Danube et le Tien-Chan s’y prenaient de la même manière pour seller et harnacher leurs chevaux : leurs tapis de selle étaient matelassés, bourrés de poils de cerf ou d’herbe sèche alors que les autres peuples de l’Antiquité utilisaient une simple couverture ou par un petit tapis maintenu par une sous-ventrière. La richesse de l’ornementation des selles et des harnais s’explique par le rôle essentiel que le cheval jouait dans l’existence des Scythes. Des centaines d’ornements qui rehaussaient le cuir des harnais ont été découverts dans les cinq kourganes de Pazyryk : ils sont en bois de cèdre de Sibérie, et parfois en corne, peints en vermillon ou plaqués d’or.
Histoire de l'Iran |
---|
|
L’Empire achéménide (Vieux-persan : Hakhāmanishiya), est lepremier des Empires perses à régner sur une grande partie duMoyen-Orient. Il s'étend alors au nord et à l'ouest en Asie Mineure,en Thrace et sur la plupart des régions côtières de la mer Noire ; àl'est jusqu'en Afghanistan et sur une partie du Pakistan actuels, etau sud et au sud-ouest sur l'actuel Iraq, sur la Syrie, l'Égypte, lenord de l'Arabie saoudite, la Jordanie, Israël, le Liban et jusqu'aunord de la Libye.
Le nom « Achéménide » se rapporte au clan fondateur qui se libèrevers 556 av. J.-C. de l’État des Mèdes, auparavant son suzerain ;ainsi qu'au grand empire qui résulte de la fusion des deuxensembles. L'empire fondé par les Achéménides menace par deuxfois la Grèce antique, conquiert l’Égypte et prend fin, conquis parAlexandre le Grand, en 330 av. J.-C.
Sommaire |
Une des spécificités des Achéménides est de n'avoir laissé que peu de témoignages écrits de leur propre histoire(à la différence des rois assyriens par exemple) : ceux-ci sont essentiellement constitués d'archivesadministratives, satrapiques ou royales, dans lesquelles étaient reportées les décisions les plus importantes(mouvements de terre, documents fiscaux). C'est plutôt grâce aux écrits de leurs sujets et de leurs ennemis qu'onconnaît l'histoire achéménide, notamment par les auteurs grecs comme Hérodote, Strabon, Ctésias, Polybe, Élienet d'autres. Dans la Bible, le Livre d'Esdras et le Livre d'Esther contiennent aussi des références aux Grands Rois.Les auteurs anciens ont également écrit au sujet de la Perse, dans des ouvrages appelés les Persika, ouvragesdont la connaissance se limite à quelques fragments, le reste ayant été perdu. Les grands rois achéménides ontpar ailleurs laissé bon nombre d'inscriptions royales, sources de renseignements sur l'activité de construction dessites et sur leur vision de l'empire. Les inscriptions livrent en effet de nombreux indices qui, mis en perspectiveavec le contexte historique d'époque, permettent de comprendre la volonté politique des rois et leur façon deconcevoir l'exercice du pouvoir[1].
La documentation sur les Achéménides est donc en fin de compte importante et variée. Les élémentsiconographiques sont nombreux, mais leur analyse pose problème car ils sont très inégalement répartis dansl'espace et dans le temps. En effet, il existe peu ou pas de documentation écrite sur certaines régions, alors qued'autres comme le Fars, la Susiane, l'Égypte, la Babylonie sont très bien documentées. De plus, si les documentssur les règnes de Cyrus II, d'Artaxerxès Ier et de Darius II abondent, il n'en est pas de même pour d'autresépoques.
Le fondateur de cette dynastie serait Achéménès (en vieux-persan : Haxāmaniš, en grec ancien Αχαιμένης, ouهخامنش en persan moderne qui signifie « d'un esprit amical »). Il s'agit d'une personne dont l'existence restecontroversée (voir plus bas), chef d'un clan perse régnant probablement sur d'autres tribus perses dès le IXe siècleav. J.-C. Installés au nord de l'Iran (à proximité du lac d'Orumieh), les Achéménides sont alors tributaires desAssyriens[2].
Sous la pression des Mèdes, des Assyriens et des Urartiens, ils migrent vers le sud des monts Zagros ets'installent progressivement dans la région d'Anshan vers la fin du IIe millénaire[3]. Teispès aurait agrandi leterritoire achéménide en conquérant le royaume d'Anshan et le Fars, gagnant ainsi le titre de Roi d'Anshan tandisqu'Assurbanipal prend Suse et que le royaume élamite disparaît temporairement.
Teispès est le premier roi achéménide à porter le titre de Roi (de la ville) d'Anshan. Des inscriptions révèlent quelorsque Teispès meurt, le royaume est partagé entre deux de ses fils, Cyrus Ier (Kurāsh ou Kurāš), souveraind'Anshan, et Ariaramnes (Ariyāramna, "Celui qui a amené la paix aux iraniens"), souverain de Parsumaš. Leurs filsrespectifs leur succèdent : Cambyse Ier (Kambūjiya, « l'aîné ») sur le trône d'Anshan, et Arsames (Aršāma « Celuiqui a une puissance héroïque ») sur Parsumaš. Ces rois n'ont qu'un rôle restreint dans la région, qui est alorsdominée par les Mèdes et les Assyriens. L'existence de Cyrus et son règne sur Anshan est attestée par un sceauportant la mention Kurāš d'Anšan, fils de Teispès. Toutefois, une inscription datée de 639 mentionne le paiementd'un tribut à Assurbanipal par Kurāš de Parsumaš, ce qui suggère que le roi de Parsumaš serait le même Cyrus,unifiant les deux couronnes. Cet élément pourrait alors synchroniser les histoires persanes et assyriennes[4].Cependant, cette interprétation est discutée, et Parsumaš, Pars et Anshan semblent devoir être distingués[3].Après la chute du royaume assyrien, les Achéménides reconnaissent l'autorité des Mèdes. Bien qu'Hérodote aitécrit « il y avait longtemps que les Perses prenaient mal leur parti d'être commandés par les Mèdes »[5], lesorigines et modalités de cette sujétion restent encore inconnues.
Darius Ier est le premier à parler d' Achéménès, qu'il présente comme l'ancêtre de Cyrus le Grand (576 av. J.-C.- †529 av. J.-C.) ; ce qui ferait de lui le fondateur de la lignée des souverains achéménides. Cependant, quelquesspécialistes soutiennent qu'Achéménès est un personnage fictif utilisé par Darius usurpant le trône persan afin delégitimer son pouvoir[6]. Si l'on se réfère aux premiers souverains, la dynastie des rois achéménides s'étend de 650av. J.-C. à 330 av. J.-C. environ.
Non attestés Les témoignages épigraphiques de ces souverains ne peuvent être confirmés et sont souvent considéréscomme étant inventés par Darius Ier | ||
---|---|---|
-688/-675 | Achéménès | roi d'Anshan |
-675/-640 | Teispès | roi d'Anshan, fils d’Achéménès |
-640/-600 | Cyrus Ier | roi d'Anshan, fils de Teispès |
-6??/-6?? : | Ariaramnes | fils de Teispès et co-souverain avec Cyrus Ier. |
-600/-559 | Cambyse Ier | roi d'Anshan, fils de Cyrus Ier |
-6??/-5?? | Arsames | fils d'Ariaramnes et co-souverain avec Cambyse Ier |
Attestés | ||
-559(-550?)/-529(-530?) | Cyrus II leGrand | grand roi de Perse, fils de Cambyse Ier, souverain d'Anshan dès 559 av.J.-C.– s'empare de la Médie en 550 av. J.-C. |
-529/-522 | Cambyse II | grand roi de Perse, fils de Cyrus le Grand |
-522/-522 | Bardiya (ouSmerdis) | L'usurpateur (?), grand roi de Perse, fils présumé de Cyrus le Grand |
-522(-521?)/-486 | Darius Ier leGrand | grand roi de Perse, beau-frère de Smerdis et petit-fils d'Arsames |
-486(485?)/-465 | Xerxès Ier | grand roi de Perse, fils de Darius Ier |
-465/-424 | Artaxerxès IerLongue Main | grand roi de Perse, fils de Xerxès Ier |
-424/-424 | Xerxès II | grand roi de Perse, fils d'Artaxerxès Ier |
-424/-424(-423?) | Sogdianos | grand roi de Perse, demi-frère et rival de Xerxès II |
-424(-423?)/-404(-405?) | Darius II Nothos | grand roi de Perse, demi-frère et rival de Xerxès II |
-404/-359 | Artaxerxès IIMnémon | grand roi de Perse, fils de Darius II, (voir aussi Xénophon) |
-359(-358?)/-338 | Artaxerxès IIIOchos | grand roi de Perse, fils d'Artaxerxès II |
-338/-336 | Arsès | grand roi de Perse, fils d'Artaxerxès III |
-336/-330 | Darius IIICodoman | grand roi de Perse, arrière-petit-fils de Darius II (conquêtes d’Alexandre leGrand) |
En 559 av. J.-C., Cyrus II dit Cyrus le Grand succède à son père Cambyse Ier sur le trône d'Anshan. Ayantégalement pris la succession d'Arsames (de son vivant) sur la couronne de Parsumaš, Cyrus unifie donc les deuxroyaumes perses et est ainsi considéré comme le premier véritable roi de la dynastie achéménide, sesprédécesseurs étant encore asservis aux Mèdes.
Entre 553 et 550, une guerre éclate entre les Mèdes et les Perses à l'issue de laquelle Cyrus II bat Astyage, roi desMèdes et s'empare d'Ecbatane (Hagmatāna « La ville des rassemblements », l'actuelle Hamadan). Il déclare àcette occasion que les Perses, « autrefois esclaves des Mèdes, sont devenus leurs maîtres »[7]. Cyrus laisse la viesauve à Astyage, entreprend de se conduire comme son successeur légitime. Selon Ctésias et Xénophon, ilépouse Amytis, fille d'Astyage. Ecbatane reste une des résidences régulières des Grands Rois, car elle présenteune importance stratégique certaine pour qui veut contrôler l'Asie centrale[8].
La prise de la Médie par les Perses est alors un bouleversement important, à l'échelle du Moyen-Orient. Le fait queCyrus se présente comme l'héritier d'Astyage le conduit à se heurter aux puissances voisines de Lydie et deBabylone. Crésus, roi de Lydie, et beau-frère d'Astyage, « inquiet de la ruine de l'empire d'Astyage et soucieux del'accroissement des affaires des Perses » attaque Cyrus en 547-546. Mais les Perses contre-attaquent etpoursuivent Crésus jusqu'à sa capitale, Sardes, qui tombe rapidement aux mains de Cyrus. Crésus se constitueprisonnier, puis recevra finalement une ville de Médie dont les revenus le feront vivre[9].
À partir de 546, Cyrus repart d'Asie Mineure sans avoir soumis les cités ioniennes et éoliennes. En effet, le roientreprend une nouvelle campagne, car Babylone, la Sacie, la Bactriane et l'Égypte sont menaçantes. Cettepériode est mal connue, mais il semble que Cyrus prenne Babylone en 539, puis soumette les Bactriens et lesSaces en 540. Il est aussi possible que ce soit à cette époque que Cyrus conquiert Parthie, Drangiane, Arie,Chorasmie, Bactriane, Sogdiane, Gandhara, Scythie, Sattagydie, Arachosie, et Makran. Darius au début de sonrègne, présente en effet ces pays comme acquis.
Politiquement habile, Cyrus II se pose en "sauveur" d'une nation qui était en bons termes avec les Mèdes auxquelselle avait prêté allégeance. La politique générale des Achéménides s'inscrit dans la continuité de celles desBabyloniens et des Assyriens. Les populations sont encouragées à se déplacer et à se mélanger, afin de diluertoute volonté nationaliste. Cette mesure vise à pacifier les relations entre les peuples, et l'époque achéménidereste connue pour son calme relatif en comparaison avec d'autres périodes de l'histoire de l'Asie centrale.
Après la prise de Babylone, Cyrus permet aux Judéens exilés de rentrer à Jérusalem, donnant instruction à sessujets de faciliter ce retour. Il ordonne également la reconstruction du Temple de Jérusalem. Il conquiert ensuite laTranseuphratène, et soumet les arabes de Mésopotamie. Chypre se rend d'elle-même par la suite. En revanche,on ne sait pratiquement rien des relations qu'entretenait —— à cette époque — l'empire avec d'autres régions dupays d'Ebir Nāri (Syrie, Phénicie, Palestine).
Après Cyrus, son fils Cambyse II conquiert l'Égypte en 525-522. Il s'agit alors de maintenir la puissance de l'empireet d'étendre les conquêtes vers la seule autre puissance qui compte encore dans la région[10]. Après la campagned'Égypte, Cambyse reprend à son compte les ambitions des pharaons l'y ayant précédé. Il soumet ainsi lesroyaumes de Libye, de Cyrénaïque et de Nubie. Au cours de son séjour en Égypte, Cambyse semble être pris defolie, comme le laissent à penser les actes qu'il commet à cette époque : il massacre des Perses de hautedistinction, viole d'anciennes sépultures, se moque de statues dans les temples égyptiens[11]. L'attaque sanspréparatifs de l'Éthiopie et de l'oasis d'Ammon, qui se solde alors par des échecs, serait également à mettre sur lecompte de cette démence. Contredisant la thèse expliquant le comportement de Cambyse contre son entourageen Égypte par la seule folie, l'hypothèse de l'intérêt politique est aussi avancée. Selon Briant, Cambyse prenaitaussi des mesures de représailles contre des grandes familles qui se seraient opposés à ses décisions[12].Rappelé en Perse par une rébellion contre son pouvoir, il quitte l'Égypte en 522, se blesse à la cuisse en Syrie etmeurt de gangrène.
La révolte est alors menée par un groupe de prêtres ayant perdu leur pouvoir après la conquête de la Médie parCyrus. Ces prêtres, qu'Hérodote nomme mages, usurpent le trône afin d'y placer l'un des leurs, Gautama, quiprétend être le plus jeune frère de Cambyse II, Smerdis (ou Bardiya), probablement assassiné trois années plustôt. En raison du despotisme de Cambyse et de sa longue absence en Égypte, "le peuple entier, Perses, Mèdes, ettoutes les autres nations"[13], reconnaissent cet usurpateur comme leur roi, et ce d'autant plus qu'il leur accordeune remise fiscale d'impôts ou de taxes, pour trois années.
Selon l'inscription de Behistun, Smerdis règne sept mois avant d'être renversé en 552 av. J.-C. par un membreéloigné de la branche familiale des Achéménides, Darius Ier (du vieux persan Dāryavuš, également connu sousDarayarahush ou Darius le Grand). Les "mages", bien que persécutés, continuent d'exister. L'année qui suit la mortde Gautama, ils tentent de réinstaller un second usurpateur au pouvoir : Vahyazdāta, qui se présente comme filsde Cyrus. La tentative remporte un succès transitoire puis échoue finalement.
Selon Hérodote, l'aristocratie locale débat alors de la meilleure forme de gouvernement pour l'Empire. Il rapportequ'il a été évoqué que l'oligarchie les diviserait les uns contre les autres et que la démocratie provoquerait le règnede factions dont le résultat serait d'amener un chef charismatique à prendre le pouvoir, provoquant ainsi le retour àla monarchie. Par conséquent, le choix se porte alors directement sur la monarchie, étant acquis que lesaristocrates sont alors en position de choisir le souverain. Darius Ier est donc choisi comme roi : cousin deCambyse II et de Smerdis, il se réclame d'Achéménès, leur ancêtre.
Darius poursuit ensuite l'expansion de l'Empire. Il exécute Oroitès, satrape de Sardes, qui s'est rebellé vers 522-520, puis souhaite étendre sa domination aux îles de la mer Égée. Il conquiert Samos vers 520-519, puis marchesur l'Europe. Il passe le Bosphore, laisse des troupes grecques à l'embouchure du Danube (cités de l'Hellespont etde la Propontide) et marche vers la Thrace. Celle-ci revêt en effet une grande importance pour les Perses, car laprovince est riche en produits stratégiques : bois nécessaire aux constructions navales et métaux précieux[14].
Darius Ier s'attaque ensuite à la Grèce, qui avait soutenu les rébellions des colonies grecques alors sous sonégide. En raison de sa défaite à la bataille de Marathon en 490 av. J.-C., il est forcé de restreindre les limites deson empire à l'Asie Mineure.
C'est durant le règne de Darius Ier, dès 518-516 av. J.-C., que sont construits les palais royaux de Persépolis etSuse, qui serviront de capitales aux générations suivantes des rois achéménides.
Xerxès Ier (vieux-persan : Xšayārša "Héros parmi les rois") succède à son père Darius vers 486-485. Des révoltesayant éclaté en Égypte et en Grèce, Xerxès commence son règne en conduisant une expédition contre l'Égypte.Après une rapide reconquête, Xerxès marche sur la Grèce et défait les grecs aux Thermopyles. Athènes estconquise et mise à sac, le Parthénon est incendié. Athéniens et spartiates se retirent derrière leur dernières lignesde défense sur l'isthme de Corinthe et dans le golfe Saronique.
Les premières années du règne de Xerxès sont marquées par un changement de politique à l'égard des peuplesconquis[15]. Au contraire de ses prédécesseurs qui respectaient les sanctuaires des peuples soumis, Xerxès faitprocéder à la destruction de temples en Babylonie, à Athènes, en Bactriane et en Égypte. Les titres de Pharaon etde Roi de Babylonie sont abandonnés et les provinces réorganisées en satrapies. Les Égyptiens réussissent pardeux fois à regagner leur indépendance. D'après l'étude de Manéthon, les historiens égyptiens font correspondreles périodes de domination achéménide en Égypte avec respectivement les XXVIIe (525 - 404 av. J.-C.) et XXXIedynasties (343 - 332 av. J.-C.)
À Artémision, la bataille rendue indécise à cause d'une tempête détruisant les navires des deux camps, s'arrêteprématurément à l'arrivée de la nouvelle de la défaite des Thermopyles. Les Grecs décident alors de battre enretraite. Finalement, la bataille de Salamine le 28 septembre 480 av. J.-C. est remportée par les Athéniens. Laperte des voies de communication maritimes avec l'Asie force Xerxès à se retirer à Sardes. L'armée avec laquelle ilquitte la Grèce, placée sous le commandement de Mardonios, subit encore une défaite lors de la bataille dePlatées en 479 av. J.-C. Une nouvelle défaite perse à Mycale encourage alors les cités grecques d'Asie Mineure àla révolte. Ces révoltes voient la fondation de la ligue de Délos, et les défaites perses qui s'ensuivent consacrentces pertes territoriales en mer Égée.
Néanmoins, au Ve siècle av. J.-C., les souverains achéménides règnent sur des territoires couvrantapproximativement ceux des pays actuels suivants: Iran, Irak, Arménie, Afghanistan, Turquie, Bulgarie, Grèce(partie orientale), Égypte, Syrie, Pakistan (grosse partie), Jordanie, Israël, Palestine, Liban, Caucase, Asiecentrale, Libye, et Arabie saoudite (partie nord). L'empire devient par la suite le plus grand du monde antique, avecun territoire couvrant approximativement 7,5 millions km².
Les défaites de Xerxès sont omises dans les inscriptions de propagande royale[16]. Certains grecs se rallient toutde même à Xerxès, comme Pausanias, commandant la flotte grecque en 478 ou Thémistocle, le vainqueur deSalamine. Ce qui permet à l'empire perse de garder bon nombre d'alliés dans les cités grecques d'Asie Mineure. Àl'issue de problèmes de succession, Xerxès, qui n'avait pas désigné de successeur légitime, est assassiné, peut-être par un de ses fils[17].
Artaxerxès Ier, un des fils de Xerxès, monte sur le trône en 465 av. J.-C. Juste après sa prise de pouvoir, il fait faceà une révolte en Bactriane, dont il vient à bout. Artaxerxès modifie l'étiquette de la cour et redéfinit sa hiérarchie, cequi semble marquer la redéfinition des rapports entre le Grand Roi et l'aristocratie[18]. Il continue les travaux àPersépolis, entre 464[19] et 460-459[20], et le rôle de la capitale perse semble changer : elle est moinsfréquemment occupée, au profit de Suse et Babylone. Les hypothèses suggérant un changement de rôle dePersépolis devenant alors « un sanctuaire plutôt qu'une ville » restent incertaines[21]. Après la Bactriane, c'estl'Égypte qui se soulève contre l'autorité du Grand Roi Achéménide. Diodore rapporte que la nouvelle del'assassinat de Xerxès et les troubles qui s'ensuivent poussent les égyptiens à chasser les leveurs de tributsperses et à porter un certain Inaros au pouvoir royal (463-462). Inaros propose une alliance aux grecs, quil'acceptent et envoient une flotte vers le Nil[22]. L'alliance entre grecs et égyptiens dure six ans (460-454). En 454,l'armée et la flotte perse libèrent les perses retranchés et assiégés à Memphis. Des inscriptions gravées en Égypteà cette époque laissent penser que seule la région du Delta du Nil s'était soulevée. Les révoltes de cette périodesont révélatrices de lacunes dans la domination territoriale des perses[23]. Dans les années 450, les combatsreprennent entre Athènes et la Perse. La documentation connue de l'époque ne nous permet pas de connaître lesévolutions territoriales perses en Asie Mineure : seules les listes des tributs attiques et perses permettent de savoirque les positions dans cette région ont pu évoluer d'une année sur l'autre.
Artaxerxès Ier meurt à Suse, son corps est ramené à Persépolis pour être enterré auprès des sépultures de sesancêtres. Son fils aîné, Xerxès II, seul fils légitime d'Artaxerxès, lui succède immédiatement, mais est assassinépar un de ses demi-frères, Sogdianos, quarante-cinq jours plus tard[24]. Ochos, un autre demi-frère de Xerxès,alors à Babylone, rassemble ses soutiens et marche sur la Perse. Il met l'assassin à mort et est couronné Roi desRois sous le nom de Darius II en 423. Le déroulement de cette succession pose de nouveau un problème, Ochoset Sogdianos ayant certainement mené chacun une campagne de propagande visant à recevoir l'appui du peuplepersan et ainsi démontrer la légitimité de leur accession au trône[25].
À partir du règne de Darius II, les documents retrouvés sont plutôt rares et ne renseignent que sur la situation desmarches occidentales de l'empire, où les hostilités entre les cités grecques et les Perses continuent. Entre 411 et407, les athéniens reconquièrent une partie de l'Asie Mineure, aidés en cela par les initiatives désordonnées etconcurrentes des satrapes contrôlant ces régions[26].
Darius II meurt en 405-404. À l'instar de celle d'autres Grands Rois précédents, sa succession provoque denouveau une opposition entre deux de ses fils, Arsès et Cyrus. C'est Arsès, l'aîné, qui monte sur le trône sous lenom d'Artaxerxès II en 404. Cyrus lui conteste le pouvoir et une guerre s'ensuit entre 404 et 401. Cyrus lève unearmée, s'appuyant principalement sur des Perses d'Asie Mineure, mais également sur des mercenaires grecs (les« Dix Mille[27] »). Les deux frères s'affrontent à Counaxa, en Mésopotamie, en 401. Cyrus tué au cours de cettebataille, Artaxerxès II entame immédiatement un processus de relégitimation de son pouvoir royal[28]. L'Égypteprofite de ces troubles pour se révolter et se soustraire à la domination perse sous la conduite d'Amyrtée.
Les satrapies et les villes d'Asie Mineure qui s'étaient rangées sur côté de Cyrus sont confiés à Tissapherne afinqu'il remette en ordre la région. Artaxerxès II compte en effet reprendre le contrôle du littoral égéen. Ceux quirefusent de se soumettre se tournent vers les grecs, et plus particulièrement Sparte, pour les aider. Agésilas IImène la campagne militaire spartiate en Asie Mineure, sans grands succès[29]. Il est rappelé à Sparte car d'autrescités grecques, dont Athènes, menacent la ville. Les Persans se retrouvent par la suite pris entre les combats desAthéniens et des Lacédémoniens qui se déroulent en Asie Mineure vers 396. Artaxerxès II doit ensuite combattreles attaques et alliances d'Évagoras de Salamine à Chypre et en Égypte, entre 391 et 387. Épuisées par lesguerres continuelles, les cités grecques aspirent à la paix[30]. En 386, Artaxerxès II impose sa paix (égalementconnue sous le nom de « paix d'Antalkidas ») aux cités grecques, qui l'acceptent toutes à l'exception de Thèbes.Le Roi a besoin de libérer ses armées pour s'occuper de l'Égypte, qui est elle aussi rentrée en rébellion. Vers 381-380, les Perses auraient subi une défaite contre les égyptiens, qui réussissent à reprendre leur indépendance[31].Suite à cette défaite, les armées achéménides quittent l'Égypte sans réussir à reprendre le contrôle du pays. Lapaix de 386 avec les Grecs est confirmée à deux reprises, en 375 puis en 371.
Peu après, entre 366 et 358, l'empire connaît des troubles : des satrapes se rebellent en Cappadoce, en Carie, enLycie, les égyptiens mènent une offensive contre les perses. Les révoltes d'Asie Mineure n'auront guère deconséquences. Conjuguées à l'échec en Égypte, ces évènements semblent montrer une certaine instabilité dupouvoir impérial et son incapacité à venir à bout des mouvements de révolte[32].
C'est au cours du règne d'Artaxerxès II que commencent à être adorés Anahita et Mithra, alors que les rois persesprécédents ne citaient qu'Ahura Mazda dans leurs inscriptions. Les historiens s'interrogent toujours pour savoir sic'est une réelle nouveauté introduite par Xerxès ou si la pratique existait déjà auparavant.
Les dernières années d'Artaxerxès se déroulent parmi les complots. Le Roi avait trois fils légitimes, Darius (l'aîné),Ariaspès et Ochos, et de nombreux bâtards de ses concubines. Selon Plutarque, le Roi désigne Darius commehéritier[33]. Darius fomente un complot contre son père, est découvert, jugé et mis à mort. Ochos, par desmanœuvres, déstabilise son frère Ariaspès, qui se suicide. Il supprime ensuite un autre de ses demi-frères,Arsamès. C'est dans ce contexte que le roi Artaxerxès II meurt de vieillesse en 359/358. Ce récit n'est corroborépar aucun autre auteur, et il convient plutôt de penser qu'avant la mort du roi, la cour était agitée par des complotsentre factions rivales[34].
Alexandre sur son cheval Bucéphale
Détail de la mosaïque romaine représentant laBataille d'Issos opposant Alexandre le Grandà Darius III
Ochos monte sur le trône sous le nom d'Artaxerxès III (-358--338). Dès le début de son règne, Artaxerxès III doitfaire face à des troubles: des combats opposent les alliés d'Athènes aux perses en Asie Mineure, des révoltes ontlieu en Phénicie et à Chypre entre 351 et 345. L'armée perse subit également un nouvel échec en Égypte en 351.En -343 Artaxerxès III bat Nectanébo II et reconquiert l'Égypte, qui devient encore une fois une satrapie perse. EnGrèce, la Macédoine commence à affronter l'empire perse sur son front occidental[35]. En -338, Philippe II deMacédoine unifie certains États grecs, les autres qui s'opposent à Philippe II comptent sur l'aide du Grand Roi. Lesrelations exactes sont peu connues, mais Briant dit que la « cour [du Grand Roi] était informée des opérations dePhilippe II ». En cette même année 338, Artaxerxès III est empoisonné par son ministre, l'eunuque égyptienBagoas. Il est dit que « Par ce meurtre, Bagoas détruit l'Empire perse »[36].
Arsès succède à Artaxerxès III sous le nom d'Artaxerxès IV, et est également empoisonné par Bagoas deux ansaprès. Bagoas aurait tué non seulement tous les enfants d'Arsès, mais aussi plusieurs autres princes locaux, sansdoute des satrapes. Bagoas place alors sur le trône Darius III (-336 - -330), un cousin d'Artaxerxès III. Pour lesmacédoniens, Bagoas aurait porté un de ses amis esclaves au pouvoir sous le nom de Darius III[37]. Pour lesPerses, Darius a été porté au pouvoir parce qu'il a fait preuve d'un courage exceptionnel lors d'un duel singuliercontre les Cadusiens[38]. L'accession au trône de Darius III est entourée de violences, et des incertitudesdemeurent sur les conditions d'accès au trône. Briant rapporte que Darius III était un membre de la « soucheroyale », présenté comme un guerrier d'élite et appuyé par une grande partie de l'aristocratie et de l'armée[39].
Darius III, bien qu'auparavant satrape d'Arménie, n'a aucune expérience impériale. Néanmoins, il prouve soncourage la première année de son règne d'empereur en forçant personnellement Bagoas à avaler un poison. En-334, alors que Darius vient juste de réussir à re-soumettre l'Égypte, Alexandre attaque en Asie Mineure. Enréponse à l'agression macédonienne, les satrapes de l'ouest se mobilisent et viennent à la rencontre del'envahisseur. Darius III et plusieurs de ses satrapes font appel à des mercenaires grecs pour renforcer sesarmées. Il subsiste de nombreuses interrogations sur le rôle des mercenaires grecs dans la décadence de lapuissance militaire perse d'après les récits des différentes sources[40]. L'armée perse essuie alors une premièredéfaite au Granique face aux troupes Macédoniennes aguerries à la bataille. S'ensuivent les défaites aux bataillesd'Issos (-332), de Gaugamèles et de Babylone (-331). Les populations conquises par les macédoniensapparaissent plutôt soulagées de la libération du joug perse selon différents auteurs[41]. Poussant toujours plusloin, Alexandre marche ensuite sur Suse qui capitule et restitue un vaste trésor. Le conquérant se dirige alors versl'est en direction de Persépolis qui se rend au début de -330. Darius trouve alors refuge à Ecbatane et rassembleune armée autour de lui. De Persépolis, Alexandre va ensuite vers Pasargades un peu plus au nord, où il traiteavec respect la tombe de Cyrus II. Il se dirige ensuite vers Ecbatane. En chemin, des satrapes de Darius III serendent à Alexandre devant les rapports de force défavorables. Lors de la fuite de Darius III, les satrapes les plusproches du roi semblent avoir organisé un complot autour de sa personne. Darius III est assassiné par plusieurs deses satrapes, qui se rendent à Alexandre ou bien retournent dans leur province pour se faire proclamer roi[41]. Surordre d'Alexandre, les honneurs sont rendus au corps du souverain qui est acheminé vers Persépolis pour y êtreinhumé.
L'empire Achéménide termine avec la mort de Darius III[41]. Après la conquête et le règne d'Alexandre s'ouvre l'èredes Séleucides, dynastie issue d'un des généraux d'Alexandre le Grand, qui succèdera à celle des Achéménides.
Darius reçoit l'hommage depersonnages hauts-placés(trésor de Persépolis,reproduction)
L'Empire perse achéménide est un État multinational hiérarchisé dominé par les Perses qui y occupent trèslargement les postes civils et militaires d'importance. L’État est organisé suivant une division en provinces,appelées « pays » par les Persans[42] et « satrapies » par les Grecs[43]. Couvrant des superficies dont l'étendueest très variable, l'organisation des satrapies reprend en partie les structures préexistantes, laissant partiellementsubsister les anciens domaines d'autorités locales (princes, dynastes).
Héritage de l'époque indo-iranienne, la société impériale est féodale basée sur une loyauté personnelle entre le roiet chacun de ses sujets[44]. Dans l'entourage immédiat du roi se trouve la noblesse formant la cour. Les autoritésde l'empire, qu'elles soient administratives ou militaires sont appelés « vassaux » ou « suiveurs »[45]. Leur loyautéétait récompensée généreusement par le roi, alors que leur déloyauté était très sévèrement punie[46]. La sociététout entière était assujettie au roi, qui est lui-même assujetti à Ahura Mazda. Le fait que des classes ou castesaient existé de manière très institutionnalisée ne peut pas être prouvé[2]. Le caractère persan, et plus généralementaryen (dans le sens de iranien) du roi, de sa descendance et de son Dieu (Ahura Mazda, aussi appelé « Dieu desAryens » sur l'inscription de Behistun) est régulièrement souligné par les différents rois.
Le règne des achéménides parait avoir été assez libéral, accordant une grande autonomie aux peuples del'empire[2]. L'unification des peuples se fait sur le plan administratif, en dehors de toute intention d'établir une unitéculturelle. Chaque peuple a la possibilité de maintenir ses coutumes, ses formes d'organisation, sa langue et sareligion ; tant que l'administration reste sous contrôle perse. Le travail en communauté des nombreux peuples dansles grandes villes de l'empire (comme à Suse ou à Persépolis lors des grands travaux) a beaucoup joué pour latolérance mutuelle et l'assimilation des peuples[2].
Les ruines des palais desAchéménides, Persépolis.
Le centre administratif de l'empire est le palais royal, où le système administratif est organisé sur le modèlebabylonien. La chancellerie est tenue de manière très précise, à la fois à la cour et dans les autres autoritésadministratives. La langue diplomatique et de communication est l'araméen, qui est ensuite utilisé dans toutl'empire à partir de Darius (voir plus bas). À l'époque de Cyrus, le siège du gouvernement était situé à Ecbatane.Suse devient la capitale administrative de l'empire probablement à partir de l'époque de Darius. En fait, les auteursgrecs précisent que les rois achéménides déplaçaient leur capitale selon la saison : en hiver, les rois sont à Suse,en été à Ecbatane, en automne à Persépolis et le reste de l'année à Babylone[47]. Cependant, Pasargades etPersépolis ne fonctionnent pas vraiment comme des sièges administratifs, mais plutôt comme des villes d'apparat.
L’organisation de l’empire en satrapies est présente dès Cyrus. Les autorités locales ayant subsisté en partiegardent autorité sur leurs domaines, séparés les uns des autres.
La stratégie idéologique développée par Cyrus et Cambyse, reprise ensuite par leur successeurs, vise en effet àasseoir la domination sur une idéologie faisant appel à la collaboration avec les structures de pouvoir locales. Lesconquérants cherchent ainsi à apparaître plus comme protégeant les traditions et sanctuaires que comme lesbouleversant. Les élites locales sont ainsi associées à la bonne marche du nouvel empire[48].
Les satrapies sont gouvernées par les satrapes, nommés par le roi sans limitation de durée. Comme le signifie leurtitre, les satrapes sont des « protecteurs du royaume » et non des rois tributaires. Cependant, ils sont directementresponsables vis-à-vis du roi en le représentant dans les provinces. Leurs attributions sont vastes : ils sontresponsables de la collecte du tribut et des taxes, de la justice et de la supervision de l'économie de leur province.Ils ont aussi le pouvoir de négocier avec les états voisins et de faire la guerre. Les satrapes sont généralementchoisis parmi la noblesse perse et mède, voire parmi des princes royaux. Hystapes, père de Darius, était satrapede Parthie[49], Masistès, frère de Xerxès, était satrape de Bactrie[50]. Les satrapes eux-mêmes subissent desinspections de la part des inspecteurs royaux, appelés les « yeux » ou les « oreilles du roi »[51]. Ces inspecteursvoyagent dans tout l'empire, accompagnés de troupes suffisantes en cas d'action immédiate nécessaire. Ils fontdes visites non annoncées afin d'inspecter l'administration des satrapes ou d'autres membres de l'administrationroyale et rapportent ce qu'ils voient directement au roi. Comparable au pouvoir d’un roi, le pouvoir des satrapess’exerce à une échelle plus petite. Cependant, on note qu’au fur et à mesure, certains satrapes ont fait preuve dedésobéissance au pouvoir royal, se comportant comme de véritables rois. Avec le temps, le pouvoir au sein del’empire achéménide s'est en effet déplacé vers les satrapes[2].
Poids en bronze en forme delion, trouvé dans l'acropolede Suse.
conservé au Musée du Louvre
Lors de son règne, Darius réforme l’organisation de l’empire. Il adopte un nouveau mode d'administration etabandonne le gouvernement local. Les pays doivent alors payer un tribut (voir plus bas) et obéir à la loi du roi.Seuls les Persans sont exemptés du tribut et ne sont pas gouvernés par un satrape mais par le roi lui-même[52].
Les réformes de Darius permettent de réorganiser l'administration provinciale. En effet, au début du règne deDarius, la division de l'empire en satrapies est donnée par l'inscription de Behistun, où 23 pays sont énumérés[53] :Perse, Élam, Babylonie, Assyrie, Arabie, Égypte, les peuples de la mer, Lydie, Ionie, Médie, Arménie, Cappadoce,Parthie, Drangiane, Arie, Chorasmie, Bactriane, Sogdiane, Gandara, Scythie, Sattagydie, Arachosie et Maka.Cependant, pendant le règne de Darius, des changements ont eu lieu puisque de nouveau noms apparaissent :Saggartie, Inde, Thrace, Libye et Carie. Les raisons des modifications des frontières et des divisions des satrapiessont inconnues. On peut cependant supposer que le nombre tend à augmenter avec le temps, afin de rendre lessatrapies plus petites et donc plus faciles à contrôler[2].
Les autres réalisations du règne de Darius incluent l'unification des poids et mesures, la mise en place d'unemonnaie de l'empire, la construction d'un système légal et la construction d'une nouvelle capitale à Persépolis, oùles états vassaux offrent des tributs annuels à l'occasion de Norouz, la fête traditionnelle iranienne célébrantl'équinoxe de printemps.
Le Cylindre de Cyrusconservé au British Museum.
Livius.
Cyrus II et Darius Ier introduisent chacun nombre de nouvelles lois. Celles-ci, particulièrement la loi civile, sebasent sur la loi persane antique fortement influencée par les celles des autres royaumes du proche orientantique[54]. Aucun code de loi n'a malheureusement survécu, en dehors du cylindre de Cyrus qui de plus n'en estpas vraiment un. Ce document, parfois considéré comme le premier texte connu traitant des droits de l’homme,décrit une vision politique altruiste de la société de cette époque[55] :
Inscription de succession duroi Xerxès Ier, découverte àPersépolis.
conservée au Musée nationald'Iran.
Si les rois achéménides sont tous des législateurs, Darius se distingue particulièrement par l’ampleur de saréforme du système légal. La réorganisation de l’empire suppose en effet d’importants aménagements des lois,composantes essentielles de l’ordre public. Toutes les inscriptions laissées par Darius soulignent ainsi son rôle delégislateur, et lient la loi du roi à la loi de dieu[56]. Le législateur royal accorde cependant une certaine importanceaux lois et aux coutumes locales, comme le montre l'exemple de Darius faisant compiler la loi égyptienne et luiaccordant une validité[57]. De même, la Bible mentionne les efforts du scribe Esdras pour codifier la Loi Mosaïquepour la communauté juive qui rentre d'exil. Cette codification est achevée sous Artaxerxès Ier[58].
L'autorité judiciaire est assurée par le roi et par des « juges royaux »[59]. Ces juges royaux sont persans, et sontnommés à vie par le roi, dont le principe du pouvoir absolu ne peut donc pas être remis en cause. Le rôle de cesjuges est de donner la justice et d'interpréter les lois antiques. Hérodote décrit ainsi les principes qu’ils doiventsuivre en toute circonstance[60] : examen attentif des faits, puis, examen du crime au regard des actionsprécédentes de l'accusé (ce type de jugement est à comparer avec la conception zoroastrienne de jugement aprèsla mort).
Les Achéménides accordent une grande importance à la justice : les auteurs grecs rapportent la mise à mort dejuges corrompus. Les punitions et condamnations sont cruelles, comme toutes celles pratiquées au Moyen-Orientà cette époque (Exécution, crucifixion, empalement, mutilation, bannissement, etc.)[61]
Double sicle de Pharnabaze,satrape à Tarse, en Cilicie.Argent, 380-375 av. J.-C.
conservé au Cabinet desmédailles.
Darius Ier semble être le premier roi achéménide à frapper sa monnaie[62]. Mais la monnaie, en véhiculant unereprésentation d'un roi en posture guerrière, a plus une fonction idéologique qu'économique. Les échanges se fontaussi en argent massif[63]. Darius œuvre par la suite à imposer l'adoption d'un étalon pondéral dans tout l'étatachéménide, qui sert principalement à assurer l'équité dans les pesées des tributs[64]. L'unification du systèmemonétaire permet alors de faciliter le commerce et les activités bancaires[65].
Le nouveau standard monétaire est le darique (dareikos en grec), fait d'or très pur (23,25 carats) et pesant environ8,34 grammes. 3 000 dariques forment un talent, qui est la plus grosse unité de poids et monétaire. La frappe despièces d'or est une prérogative du roi. Il existe aussi des pièces d'argent (pur à 90 %) appelées shekels ou sicles(síglos en grec), pesant environ 5,56 grammes. Vingt shekels ont la valeur d'un darique. Les pièces d'argent et decuivre peuvent être frappées occasionnellement par les satrapes.
La transition vers ce système monétaire est aussi attestée par les tablettes retrouvées à Persépolis. Durant lespremières années du règne de Darius, les salaires sont payés en nature ; pendant les décennies suivantes, lespaiements en monnaie augmentent fortement, de sorte que le système monétaire est complètement établi à la findu règne de Xerxès Ier. Cependant, le commerce avec les autres pays reste plutôt basé sur des échanges ennature, la monnaie perse joue surtout un rôle dans le commerce avec les provinces grecques.
Cependant, cette réforme du système monétaire ne reste que partielle, car les rois achéménides préfèrentthésauriser les valeurs dans leurs trésors royaux, de sorte que la plupart des métaux précieux ne sont jamaistransformés en pièces de monnaie.
Lettre de Darius Ier àGadatas, satrape en Ionie,sur sa gestion d'un paradis(jardin royal)
conservée au musée du Louvre.
Durant le règne de Cyrus et Cambyse, les rois persans recevaient des cadeaux de la part des pays conquis. Àpartir du règne de Darius, tous les districts fiscaux (qui correspondent presque aux satrapies) doivent payer untribut fixe, dont le montant est défini en poids d'or et d'argent, additionné de biens en nature selon les ressourceséconomiques du district (bois, chevaux, grain, etc.). L’apparition de cet impôt s’explique par le fait qu'afin de menerà bien sa réforme de l’empire, Darius a besoin de doter son administration de financements reposant sur unenouvelle base économique. Pour cela, il crée et impose un tribut fixe à chaque pays conquis (à l'exception du Fars,région d'origine des Persans). Il s’agit en effet de lever des sommes suffisantes permettant de financer lesdépenses de l'état et du roi : paiement des serviteurs et des officiels royaux, financement de travaux publics oud'apparat (construction des palaces, des routes et des canaux par exemple)[2].
Pour contrebalancer la relative indépendance locale accordée aux provinces via le système des satrapies, lesinspecteurs royaux parcourent l'empire. Appelés les « yeux et les oreilles du roi », ils lui font parvenir des rapportssur les affaires locales. Des statistiques détaillées sur les tributs sont données par Hérodote, Histoires. Livre III,Thalie.90-95 [détail des éditions] [lire en ligne]. Les tributs de chaque district sont calculés avec une grande exactitude,mais ils ne changent pas. Au fur et à mesure que la situation économique se dégrade, le poids du tribut devient deplus en plus lourd pour les districts.
Ces tributs semblent constituer la plus importante source de revenus de l'empire. L'or et l'argent collectés vontrejoindre les trésors royaux (ganza en vieux-persan) de Suse, Ecbatane ou Persépolis[66]. L’administration destrésors donne lieu à inventaires et comptabilités, rapportés sur de très nombreuses tablettes en élamite, dontl’examen permet de reconstituer l'activité des fonctionnaires des impôts. Des tablettes mentionnent égalementd’autres sources de revenus du trésor, constituées par les taxes commerciales et douanières perçues sur lesroutes royales ou aux portes des villes. Toutefois, aucun détail n'en est connu aujourd'hui.
Le commerce international connaît un fort développement au cours de la période achéménide. Cela est dû enparticulier à l'introduction du système monétaire et d'un système de poids et mesures unifié qui facilitent lespaiements et créent des conditions favorables au développement des échanges[2].
La grande taille de l'empire rend également nécessaire le développement de routes commerciales : l’administrationimpériale doit donc faciliter le transport de marchandises sur les énormes distances qui séparent les différentesparties de l’empire. Darius Ier ordonne la construction de routes afin de rendre plus rapide le voyage des caravanescommerciales, des troupes et des inspecteurs du roi. Les vingt satrapies sont alors reliées par un réseau routierconnectant Suse et Babylone avec les capitales provinciales. La partie la plus impressionnante de ce réseau est laRoute Royale, qui s’étend sur plus de 2 500 km entre Suse et Sardes, construite sur une commande de DariusIer[67]. Cette route compte 111 stations (stathmoi), et des relais de courriers à cheval permettent d'atteindre lesterritoires les plus reculés en quinze jours. Ces routes étaient surveillées par des patrouilles, comme le racontentles auteurs grecs.
De plus, le commerce par voie d’eau est également facilité par le percement du canal de Suez antique, qui relie laMéditerranée à la mer Rouge. Prévu par le pharaon Nékao II, ce canal est en fait achevé par Darius Ier[68].
Outre la consolidation des routes commerciales de l’empire, de nouvelles voies commerciales sont prospectées :Darius finance également des expéditions comme celle de Scylax de Caryanda, qui découvre les bouches del'Indus en suivant la route côtière depuis le golfe Persique[69]. Le Périple de Scylax de Caryanda constitue lepremier élément d'information sur l'Inde connu en occident.
L’époque achéménide apporte d’importants changements à l’agriculture, un des piliers de la vie économique del'empire. L'amélioration de l'irrigation est notable, notamment dans les régions qui disposent de peu d'eau : Égypte,Babylonie, Iran, Asie centrale. Le système d'irrigation appelé qanat, qui fournit encore de l'eau en Iran et enAfghanistan aujourd'hui, se développe en effet à cette époque[2]. C'est le roi lui-même qui fait construire cescanaux souterrains d'irrigation, et qui les loue ou en donne l'usufruit pendant cinq générations à la famille quiparticipe à sa construction[70].
Les propriétaires agricoles les plus importants sont le roi, les familles nobles (iraniennes pour la plupart), lestemples et les grands entrepreneurs[2]. Ces grands domaines qui donneront par la suite naissance aux jardinspersans, se composent de terres agricoles cultivées[71], et de réserves de chasse ou botaniques que les Grecsappelaient paradeisoi (qui a donné le mot paradis).
La situation économique, très variable d’une province à l’autre, décline cependant à partir du IVe siècle av. J.-C. :les taxes deviennent de plus en plus lourdes et pèsent sur l'économie locale qui pâtit également du stockage de l'oret de l'argent versés aux mercenaires. L'administration royale échoue à maintenir des conditions économiquessatisfaisantes dans l’empire.
Lancier, détail de la frise desarchers du palais de Dariusà Suse. Briques siliceuses àglaçure, vers 510 av. J.-C.conservé au Musée du Louvre
À l'époque de Cyrus Ier, tous les hommes persans devaient se battre pour le roi. Outre son importance stratégiquemilitaire, l’armée impériale joue également un rôle politique important, assurant le maintien de l'union politique detous les territoires réunis sous la direction des Achéménides[2]. Son élite est constituée par le corps des 10 000Immortels[72], dont sont issus les gardes des palais royaux. Le chef de cette unité (appelé hazāparati), en tant que« second du roi »[73], assurait également le commandement de toute l'armée impériale. L'armée de terre étaitdivisée entre des fantassins et des cavaliers, tous recrutés parmi la noblesse. Dans les inscriptions, cette arméeest appelée kāra.
L'armée possédait des garnisons permanentes dans tout l'empire, commandées par des officiers persans. Lesgarnisons étaient placées à des points stratégiques : Les forts situés sur le grandes routes de l'empire, auxfrontières ou même dans des colonies militaires (Comme à Éléphantine à la frontière égypto-nubienne). Cesgarnisons étaient composées d'éléments persans, mèdes, grecs, chorasmiens, et plus particulièrement de juifs[74].
Les satrapes sont chargés de l’approvisionnement, de l’entretien et du financement de ces forces arméesstationnées sur leur domaine administratif, ils ne sont en revanche, pas en charge de leur commandement militaire.Celui-ci est en effet assuré par une hiérarchie distincte et soumise à l’autorité royale[75].
En temps de paix, l’armée est essentiellement composée de persans[76] et de mèdes.
En temps de guerre, cette armée de métier était supplée par des troupes levées parmi les différentes peuples del'empire[77]. Cette armée « de réserve » était alors divisée en unités nationales et équipées selon leurs coutumesnationales[2]. Si l’on en croit les écrits d’Hérodote décrivant les revues de son armée menées par Xerxès Ier enThrace ou à proximité de l’Hellespont, l’armée impériale est en effet très hétérogène et bigarrée. Très importante (7jours et 7 nuits sans interruption lui sont nécessaires pour franchir un pont), elle se compose alors de 67contingents ethniques issus des différents peuples de l’empire. Ces contingents commandés par des perses dehaute lignée se répartissent en 3 catégories : infanterie, cavalerie, et marine[78]. Infanterie et cavaleriecomportaient chacune des contingents d’archers[79].
Les tenues et équipements des soldats des contingents décrits par Hérodote sont extrêmement hétéroclites,fonction du peuple considéré. Ils rendent compte d’une importante diversité[78] :
Cette hétérogénéité des troupes, de leurs armements et équipements, et de leurs techniques de combat, posenaturellement la question de l’efficacité du commandement et de la difficulté de coordination des manœuvres aucombat. Quinte Curce souligne même que la diversité est telle que le roi ne connaissait pas tous les peuplescomposant son armée, et que les peuples ignoraient qui étaient leurs alliés. Pour Briant, si cette diversité a pu êtreavancée en premier lieu pour expliquer les défaites perses contre les grecs et les macédoniens, elle ne tient pascompte du fait que les contingents décrits par Hérodote n’ont en fait jamais participé aux combats, qui impliquaientsurtout des troupes d’élites essentiellement issues du plateau iranien. Les combattants engagés aux Thermopylesétaient ainsi perses, kissiens, et gardes immortels ; ceux engagés à Platées étaient perses, mèdes, bactriens,indiens, saces, et mycales[78].
Briant observe que les revues d’armées par Xerxès, s’inscrivaient plutôt dans un cadre cérémonieux : le roi prenantacte de sa puissance au travers de la présentation de son armée. L’objectif n’y était pas de compter les forcesmilitaires disponibles, mais pour le roi de prendre connaissance de la diversité de son empire et de stimuler lemoral de ses troupes. Partant de l’interprétation de Quinte Curce, il établit donc une distinction entre ces troupesde parades mises en scènes afin de représenter l’espace impérial jusque dans ses peuples les plus marginaux, etles troupes combattantes en majorité iraniennes et sélectionnées[78]. À la fin de l'époque achéménide, les soldatspersans ont de plus en plus été remplacés par des mercenaires grecs.
Inscription de Behistun,Colomne 1 (DB I 1-15),relevée par Fr. Spiegel, en1881.
La langue administrative de l'empire est l'araméen, qui sert également à la communication interrégionale.Cependant, d'autres langues ont une utilisation plus limitée dans l'espace et dans le temps. Le néo-élamite estainsi la langue officielle de la cour dans le Fars, comme l'attestent les tablettes trouvées à Persépolis (datées entre509 et 458)[80]. D'autres langues ont une utilisation locale, comme l'égyptien, le grec, le lydien ou le lycien.
L'élamite et le néo-babylonien sont employés dans les inscriptions royales, comme le vieux-persan, qui est unelangue dont l'écriture est inventée à l'époque de Darius Ier. Ce dernier l'utilise surtout à des fins représentatives,comme c'est le cas sur l'inscription de Behistun.
Reconstruction du toit del'Apadana à Persépolis.
La cour royale semble être le lieu par excellence du pouvoir dans l'empire achéménide : c'est là que vit le roi, avecsa famille et ses familiers. C'est également là que les nobles doivent résider, que sont prises les décisionsadministratives et stratégiques, que les satrapes sont convoqués ou reçus. Cependant, les documents portant surla vie de la cour sont rares et inégalement distribués[81].
Le Roi achéménide se déplace périodiquement entre les différentes résidences royales (Persépolis, Suse,Ecbatane, etc.), accompagné de la cour et de ses différents services. Lors des voyages, le souverain loge dansune tente très luxueuse dressée au milieu du camp et pourvue de signes distinctifs[82]. Briant admet que ces tentespouvaient être des répliques des palais de Suse et de Persépolis. La vie à la cour royale semble réglée par desrègles d'étiquette aulique très strictes[83]. Le Roi est entouré de hauts officiers de cour, chargés de s'occuper dedifférentes affaires (Trésor Royal, chancellerie), et qui lui rendent compte directement. Un personnel nombreux estégalement chargé du service des audiences. En effet, les solliciteurs et suppliants se présentent à la porte du roi.Ces visiteurs transmettent leur messages à des gardiens ou à des porteurs de message, et ne sont reçus devant leroi que sur convocation[84]. Toute personne s'approchant du roi sans avoir été convoquée est condamnée àmort[85].
Le roi prend généralement ses repas seul, par souci de sécurité. Lors des banquets, la place des convives estsoigneusement choisie, à la fois pour témoigner des faveurs du roi et pour assurer sa sécurité. Les auteurs grecssont tous frappés par le luxe et l'apparat des banquets de cour. Les vivres et aliments du roi sont transportés àpart, comme ceux des Immortels[86]. Les empoisonnements sont courants au sein de la cour ; le Roi emmène doncpartout avec lui de l'eau du Choaspes, la rivière qui coule à Suse. L'eau est bouillie et transportée dans des vasesd'argent[87]. De même, la fonction d'échanson est très importante à la cour ; le Roi boit un vin qui lui est réservé, etl'échanson fait également office de goûteur[88].
Ces mesures ne servent pas seulement à souligner la place particulière du roi, elles semblent aussi être destinéesà préserver sa santé[89]. Les médecins tiennent donc également une place importante dans l'entourage royal.Proches du roi comme les échansons, il leur est facile d'empoisonner le monarque. Ces fonctions se destinentdonc à des personnes de confiance. Les médecins royaux sont principalement grecs et égyptiens.
Parmi le personnel de la cour se trouvent également les eunuques, divisés en deux catégories : ceux faisant partiede l'entourage proche du roi, et les autres, domestiques. Le service du roi et des princesses royales exige unenombreuse domesticité d'eunuques. Leur rôle est de veiller sur la chambre du roi et des princesses[90]. Ils sontgénéralement originaires de pays soumis, et leur statut est proche de celui d'esclaves, même si leur intimité avec leroi leur confère un statut particulier[91].
Sceau-cylindre représentantune scène érotique. Marbrejaune, VI-IVe siècles av. J.-C. Provenance : Suse.conservé au Musée du Louvre
De nombreux auteurs anciens nous apprennent que le Roi, et d'autres personnes, pratiquent la polygamie et ontde nombreuses concubines[92]. Les princesses royales, et toutes les femmes en général, disposentd'appartements particuliers. Des concubines résident dans une « maison des femmes » après avoir passé une nuitavec le Grand Roi[93], et restent auprès de lui. Les princesses royales disposent d'une plus grande autonomie etvoyagent, comme l'attestent les tablettes de Persépolis. Elles gèrent également leurs terres, leurs domestiques,voire leurs ateliers[94].
La chasse est sûrement le loisir favori des rois. Elle présente en effet l'avantage de constituer une très bonnepréparation physique pour le jeune noble, et un évènement au cours duquel il peut montrer son courage, sonhabileté et sa puissance (le premier trait lui est réservé). La chasse est pratiquée dans les pairidaeza, parcsclôturés de grande étendue: le mot signifiant en effet « ayant une clôture de tous les côtés ». Ces jardins sont à lafois des lieux de détente et d'agrément, aménagés par des horticulteurs, et d'immenses réserves de chasse[95].Les techniques de chasse sont variées : à pied, à cheval, en char ; utilisant l'épée, l'arc, le javelot, ou le filet. Unelettre adressée par darius à Gadatas, qui transplante des fruits entre l'Euphrate et les côtes asiatiques, fait état del'intérêt du grand roi pour l'horticulture.
Compte tenu de la nature des documents de l'époque, le quotidien des sujets de l'empire est encore moins bienconnu que celui des gens de cour : si les plans des palais royaux sont bien connus, ceux des maisons particulièresde l'époque ne l'est pas en dehors de celles de la Babylone achéménide. Les murs sont constitués de briquesd'argile crues ajustées avec un mortier d'argile et de paille. L'isolement des parties murales basses est réalisé avecdu bitume. Les maisons achéménides semblent être construites autour d'une cour donnant sur un portique, peut-être à une ou deux étages[95]. Concernant le mobilier, la qualité et le caractère précieux des meubles, tapis etautres objets précieux perses sont très réputés.
Amulette-pendentif à la têtede lion. Faïence, œuvreachéménide, fin du VIe-IVesiècle av. J.-C. conservé auMusée du Louvre
Les tenues vestimentaires sont surtout connues au travers des nombreuses représentations de sujets sur desœuvres d'art de l'époque achéménide. Les Perses portent alors des longues robes plissées, avec ou sansmanches, soutenues par une ceinture, en guise de survêtement. Ils connaissent également les sous-vêtements(sous la forme d'un pantalon de cuir ou d'étoffe fine), qu'ils portent surtout pour monter à cheval. Les chaussuressont de deux types : des souliers plats fermés avec 3 ou 4 lacets, ou des bottes. Les couvre-chefs sont de formeset matériaux variés : allant du simple serre-tête à la casquette sphérique, au chapeau à cannelures ou aux feutreset bonnets. La couleur des vêtements sert à distinguer les classes sociales tout au long de l'époque achéménide.Le rouge est la couleur des guerriers, le blanc, celle des prêtres et le bleu celle des paysans. Le roi porte desvêtements dans toutes ces couleurs pour montrer son autorité sur les trois classes sociales. Ce sont les reliefs dePersépolis qui indiquent ces renseignements sur l'habillement des hommes[95].
Les diverses sources connues donnent très peu d'informations sur l'éducation des jeunes. Même si l'éducation esten principe ouverte à tous les Perses, les enfants de paysans restent très largement illettrés. D'après les textesconnus, il semble que l'éducation des jeunes nobles achéménides commence dès l'âge de cinq ans, et dure de dixà vingt ans selon les sources. Strabon dit que les jeunes s'exercent à la gymnastique, sont entraînés à la chasse àl'arc, à la lance et à la fronde, et apprennent à planter des arbres, à cueillir des plantes et à fabriquer desvêtements et des filets. Xénophon signale que leur éducation comprend aussi une partie destinée à développerleur sens de la justice, leur obéissance, leur endurance et leur maîtrise de soi[95].
C'est durant la période achéménide que le zoroastrianisme atteint le sud-ouest de l'Iran, où il est adopté par lessouverains, devenant à travers eux un élément déterminant de la culture persane.
Sous le patronage des rois achéménides, vers le Ve siècle av. J.-C., le zoroastrisme devient de fait la religion del’État et atteint les limites de l'empire. Dans le même temps, la religion est sujette à un fort syncrétisme, enparticulier avec les religions de la Mésopotamie, dont les divinités prennent un aspect astral et planétaire.
Au milieu du Ve siècle av. J.-C., c'est-à-dire pendant le règne de Artaxerxès Ier et Darius II, Hérodote écrit : « lesPerses n'ont pas d'images de Dieu, pas de temples ni d'autels, et considèrent leur utilisation comme une folie. Celavient, je pense, du fait qu'ils ne croient pas que les dieux ont la même nature que les hommes, comme les Grecsl'imaginent. » Affirmant également que les persans offrent des sacrifices « au soleil et à la lune, à la terre, au feu, àl'eau et aux vents », il donne également des précisions : « Ce sont les seuls dieux dont l'adoration trouve sonorigine dans les temps passés. Plus tard, ils ont commencé à adorer Urania, qu'ils ont emprunté aux arabes et auxassyriens. Mylitta est le nom sous lequel les Assyriens connaissaient cette déesse, que les arabes appellent Alittaet les persans Anahita. » En fait, il s’agirait plutôt de Mithra, depuis longtemps confondue avec Anahita. Les deuxdéesses sont en effet couramment adorées dans les mêmes temples. Concernant les sacrifices, Hérodote ajoute« ils n'élevaient pas d'autels, n'allumaient pas de feu, ne versaient pas de libations. » On peut noter que cettephrase est souvent interprétée à tort comme faisant référence à des pratiques zoroastriennes : l’érection d’autels etl’utilisation rituelle du feu, ainsi que le service du Yasna, correspondent à des pratiques zoroastriennes modernes,n’étant pas encore développées à cette époque.
Pendentif achéménidereprésentant le dieu égyptienBès maîtrisant deux chèvres.Or, fin du VIe-IVe siècles av.J.-C. Provenance : Syrie.conservé au Musée du Louvre
Confirmant les écrits d’Hérodote, l’utilisation de représentations matérielles divines par les perses semble débuteravec l’érection de statues par Artaxerxès II. Le prêtre-savant babylonien Bérose rapporte en effet qu’Artaxerxès estle premier à rendre hommage aux statues de divinités et qu'il en a placé dans les temples des villes principales del'empire[96].
Hérodote observe aussi qu’aucune prière ou offrande ne peut être faite sans la présence d'un mage.Traditionnellement responsables des rituels et services religieux, les mages ne sont pas associés à une religionparticulière. En outre, leur fonction de prêtre se transmet par hérédité.
Le règne de Darius Ier voit la religion devenir particulièrement liée à l’idéologie monarchique. Les multiplestémoignages laissés par Darius puis son fils Xerxès Ier sur les inscriptions et reliefs royaux de Behistun, Persépolis,ou Suse, attestent d’un souci constant de légitimer le pouvoir royal et la succession de Darius par la volontéd’Ahura Mazda. Persépolis exprime ainsi l’image d’un pouvoir royal souverain et illimité, le roi assurant l’unité dumonde par ses vertus conférées par la protection d’Ahuramazda[97].
Le dieu, alors invoqué comme étant le plus grand, représente la source du pouvoir et du rayonnement royal[98]. Undes reliefs du palais des 100 colonnes de Persépolis décrit ainsi l’ordre des choses, montrant de haut en bas :Ahura Mazda, le roi sur son trône, puis plusieurs rangs de soldats le soutenant. Le message délivré par ce reliefest clair : le roi tient son pouvoir d’Ahura Mazda qui le protège, et commande l’armée qui porte son pouvoir[99].
L'art achéménide est un art de dignification, servant à l'échelle de l'empire à glorifier la dynastie régnante[2].L'extension de l'empire achéménide permet un développement de l'art à sa mesure. L'apogée de l'art achéménideculmine au moment où le pouvoir persan est également à son apogée, notamment grâce aux tributs récoltés danstout l'empire.
Colonne de l'Apadana, parEugène Flandin, 1840.
Une des caractéristiques de l’empire achéménide est l’érection dès le règne de Cyrus le Grand de constructionsmonumentales palatines en totale rupture avec l’absence de telles constructions au cours des périodesantérieures. En effet, les Perses ne possédaient pas à l’origine de bagage architectural propre : il s’agissait en effetd’un peuple semi-nomade de pasteurs et cavaliers[100]. Ils font donc appel au savoir-faire d’ouvriers, artisans etarchitectes provenant de toutes les nations de l’empire, intègrent ces influences et proposent rapidement un artoriginal dont le style est marqué par la combinaison d’éléments issus des civilisations assujetties. Il ne s’agit pasd’une hybridation, mais plutôt d’une fusion des styles qui en créent un nouveau. L’architecture perse est utilitaire,rituelle, et emblématique[101]. Présent au moyen orient avant les Perses, le principe d’espaces internes créés pardes supports et plafonds en bois évolue, la salle hypostyle devient l’élément central du palais. L'apport destechniques grecques permet à l'architecture perse d'aboutir à des constructions différentes où l’espace a desfonctions différentes : le dégagement de vastes espaces au moyen de colonnes hautes et fines constitue unerévolution architecturale propre à la Perse. Les salles hypostyles y sont destinées aux foules et plus seulement auxprêtres comme en Grèce ou en Égypte[102]. Du fait de l’inclusion de l’Ionie dans les satrapies de l’empire,l’architecture perse achéménide est marquée par une forte influence grecque ionienne, particulièrement visibledans les salles hypostyles et les portiques des palais de Persépolis[103]. Des architectes lydiens et ioniens sont eneffet engagés sur les chantiers de Pasargades, puis plus tard sur ceux de Persépolis, et Suse. Ils en réalisent lesprincipaux éléments, et on trouve ainsi des graffitis en grec dans les carrières proches de Persépolis, mentionnantles noms de chefs carriers. Ils jouent un rôle majeur dans l’éclosion du style perse, autant dans l’appareil que dansla maçonnerie. La participation de Grecs à l’érection de colonnes et à l’ornement de palais en Perse est égalementmentionnée par la charte de Suse, ainsi que par Pline l'Ancien[104],[105]. Les palais achéménides portentégalement les marques d’influences mésopotamiennes (en particulier dans la formule palatine associant deuxpalais, l’un pour l’audience publique et l’autre pour l’audience privée), babylonienne (reliefs émaillés etpolychromes), assyriennes (orthostates ornés de bas reliefs, hommes-taureaux ailés des portes), égyptiennes(gorges des corniches surplombant les portes, portiques)[101],[106].
C'est Cyrus qui, le premier, utilise l'architecture et l'urbanisme pour exprimer la diversité culturelle de l'empire etaffirmer la force du pouvoir central. Pasargades est conçue par le roi et ses conseillers, et les travaux sont réaliséspar des artisans lydiens et mésopotamiens, dont la présence est attestée par des tablettes[107]. Les empruntsstylistiques aux régions anatoliennes, assyro-babyloniennes voire phéniciennes et égyptiennes sont nombreux àPasargades. Le résultat n'est cependant pas une juxtaposition de styles hétérogènes mais bien un nouvelensemble qui s'inscrit dans un programme impérial et dynastique[107].
Pasargades marque donc une première étape dans le développement du style architectural et urbanistique perse :située dans une plaine au sein d’un vaste parc irrigué et dominé par une forteresse, sa structure couvre environ 10hectares et est organisée selon un plan orthogonal mais pas encore symétrique. Des pavillons carrés ornés decolonnades en façade forment les accès aux différentes zones de l’ensemble qui comprend également deux palaishypostyles asymétriques. L’un flanqué latéralement de 2 grands portiques de longueur inégale revêt ainsi uneforme de « H » ; l’autre, véritable ébauche stylistique, annonce les futurs apadana de Suse et Persépolis. Ses ailesasymétriques ainsi que la présence de renfoncements latéraux sont révélateurs de recherches et tâtonnementsarchitecturaux encore inaboutis[108].
Afin de marquer son avènement au pouvoir, et d’assurer sa légitimité au trône, Darius le Grand lance par la suiteun gigantesque programme de construction, de transformation et d'embellissement à Pasargades, puis à Suse, etsurtout à Persépolis. Il mène ensuite plus avant ce travail d'urbanisation en créant Naghsh-e Rostam et entreprenddes travaux à Babylone, et Ecbatane. Les inscriptions et les dépôts de fondation indiquent clairement que Dariusveut montrer l'image de son pouvoir souverain et illimité[109]. Ce programme monumental sera ensuite repris parses successeurs : Persépolis reste ainsi en construction jusqu'à la chute de l'empire Perse.
Le style architectural perse est alors à son apogée. Le plan de Persépolis est ainsi rationalisé et équilibré : le plancarré est systématisé, les espaces hypostyles sont généralisés. Les colonnes sont strictement arrangées, ycompris dans les annexes des palais. Autre innovation majeure : les transitions des portiques aux côtés latérauxsont assurées par des tours d'angle à l'Apadana. Des grandes portes et différents passages distribuent lacirculation vers les bâtiments majeurs[110].
Statue de Darius Ierconstruite sur ses ordres afind'être placée à Héliopolispour montrer que « le persana pris l'Égypte ». Elle aensuite été ramenée à Susepar Xerxès Ier après avoirbrisé une révolte en Égypte.
conservée au Musée nationald'Iran
Les artisans qui ont travaillé sur ces chantiers devaient suivre à la lettre les consignées données par les conseillersdu roi. Les emprunts aux arts antérieurs de la région sont alors fondus en un art royal qui suit un programmeprécis : montrer la domination du Grand Roi sur les peuples conquis (comme le montrent les proclamations écritesou représentations figurées de Suse, Persépolis et Naghsh-e Rostam par exemple) ; mais aussi montrer que leGrand Roi assure l'unité du monde tout en soulignant sa diversité ethnique et culturelle sous la protection d'AhuraMazda[109].
Tous les palais achéménides avaient systématiquement des murs en brique crue, ce qui peut paraître surprenantdans une région où la pierre de construction est disponible en quantité. C'est en fait une caractéristique communeà tous les peuples de l'Orient, qui ont réservé les murs de pierre aux temples et aux murailles. Aucun mur dePersépolis n'a donc survécu, les éléments encore dressés sont les chambranles des portes et les colonnes depierre[110].
Le forme la plus connue et la plus répandue de sculpture achéménide est le bas-relief, particulièrement àPersépolis, où les bas-reliefs décorent systématiquement les escaliers, les côtés des plateformes des palais etl'intérieur des baies. On suppose également qu'ils étaient utilisés dans la décoration des salles hypostyles. On peuty voir des inspirations égyptiennes et assyriennes, voire grecques pour la finesse de l'exécution. On y rencontre laplupart des stéréotypes des représentations orientales antiques : tous les personnages sont représentés de profil ;si la perspective est parfois présente, les différents plans sont généralement rendus l'un sous l'autre ; lesproportions entre les personnages, les animaux et les arbres ne sont pas respectées ; le principe d'isocéphalie eststrictement appliqué, y compris sur différentes marches d'escalier. Les sujets représentés sont des défilés dereprésentants des peuples de l'empire, de nobles perses et de gardes, des scènes d'audience, des représentationsroyales et des combats entre un héros royal et des animaux réels ou imaginaires. Ces bas-reliefs sontremarquables pour leur qualité d'exécution, chaque détail y est rendu avec une grande finesse[110].
Statue d'un chien, provenantde la tour sud-est del'Apadana, Musée nationalde Téhéran.
On connaît très peu de sculpture achéménide en ronde-bosse ; celle de Darius, retrouvée à Suse est la plusconnue (voir ci-contre). Il ne s'agit cependant pas d'un exemple unique ; par exemple, Plutarque mentionne qu'àPersépolis se trouvait une grande statue de Xerxès Ier[111].
Cependant, de nombreux éléments de décoration peuvent être considérés comme de la ronde-bosse. Elle estsurtout utilisée pour des représentations d'animaux réels ou mythologiques, souvent inclus comme élémentsarchitecturaux dans les portes et les chapiteaux. Ce sont essentiellement des taureaux qui sont représentéscomme gardiens des portes, ainsi qu'au portique de la salle des Cent Colonnes. Les chapiteaux de colonne seterminent par des impostes de protomes animaliers : taureaux, lions, griffons… Les animaux sont très stylisés,sans aucune variation[110]. Quelques statues entièrement en ronde-bosse ont également été retrouvées, telle cellereprésentant un chien, qui décorait une tour d'angle de l'Apadana.
Sphinx du palais de Darius àSuse. Briques siliceuses àglaçure, vers 510 av. J.-C.conservé au Musée du Louvre
Contrairement à Persépolis, les palais de Suse ne présentent pas de bas reliefs taillés dans la pierre. Ladécoration y est assurée par des ensembles en brique émaillée réalisant de vastes panneaux de céramiquepolychrome d’inspiration mésopotamienne. Y sont déclinées des figures animales (lions, taureaux, griffons) et desreprésentations de Mélophores comme celles des reliefs persépolitains. La polychromie joue donc un rôleconsidérable dans l’art représentatif achéménide, transfigurant les personnages et figures représentés, donnantaux palais un éclat coloré[112].
Nonobstant la découverte de céramiques polychromes de Suse, l’utilisation de peintures colorées à Persépolis asouvent été mésestimée du fait des nombreuses altérations que subissent les pigments au cours du temps. Lamise en évidence de multiples couleurs sur de nombreuses pièces issues de la plupart des palais et bâtimentspersépolitains atteste de la richesse et de l’omniprésence de peintures polychromes à Persépolis. Il ne s’agit passeulement de preuves reposant sur des traces pigmentaires persistant sur des objets, mais de preuvesconsistantes comme des agglomérats de peintures formant des grumeaux, de couleurs ayant pris en masse dansdes bols retrouvés en de multiples endroits du site. Ces couleurs étaient utilisées non seulement sur les élémentsarchitecturaux (murs, reliefs, colonnes, portes, sols, escaliers, statues), mais aussi sur les tissus et autresdécorations. Briques vernissées, revêtement de sols en chaux colorée à l’ocre rouge ou gypseux vert-gris,colonnes peintes et autres tentures paraient ainsi les intérieurs et extérieurs des palais. La grande palette descouleurs retrouvées donne en effet une idée de la richesse polychromique présente à l’origine : noir (asphalte),rouge (verre rouge opaque, vermillon, hématite de l’ocre rouge), vert, bleu égyptien, blanc, jaune (ocre ou doré).L’utilisation de pigments végétaux est évoquée, mais n’est à ce jour pas démontrée[113].
L’orfèvrerie est un domaine capital du tribut imposé aux nations assujetties par les souverains perses. Les reliefsdes tributaires ainsi que les tablettes de Persépolis mettent en évidence l’importance du drainage d’œuvres d’artpar les perses au travers de toutes leurs possessions[114].
Les multiples découvertes de nombreuses pièces de vaisselle en métaux précieux (or, électrum, argent) datant del’époque achéménide témoignent de l’importance d’un art d’apparat au service de banquets somptuaires lors defêtes cultuelles. Directs héritiers de l’art métallurgique de Marlik ou d’orfèvres grecs, des rhytons d’or et d’argentsont remarquables par leur maturité esthétique et leur perfection technologique. De même, amphores d’argent,coupes, et plats à goderons, vases, bijoux, parures, armes d’apparat, mêlent classicisme et syncrétisme. À l’instardes autres domaines artistiques perses, l’orfèvrerie intègre donc des influences et savoir-faire multiples provenantde tout l’empire, qu’elle combine en un nouveau style royal perse propre et original[114].
Si le travail de l’or était déjà développé sur le territoire correspondant à l’empire Perse à Hasanlu, en Amlach, oudans l’Urartu, la similitude entre certaines pièces d’orfèvrerie achéménide et d’autres provenant de Marlik est tellequ’elles semblent sortir des mêmes ateliers, bien que réalisées parfois à quelques décennies voire siècles d’écart.Certaines analogies stylistiques et de thèmes se rencontrent en Anatolie, en Grèce, en Perse, et jusqu’en Thrace,et témoignent de l’importance des diffusions de style au travers de tout l’empire au travers notamment demigrations tribales Scythes[114].
Dans l'histoire du Proche-Orient ancien, l'empire Achéménide a une place particulière. C'est sous le règne deAchéménides qu'ont été réunis des royaumes auparavant concurrents dans une même formation étatique quis'étendait entre l'Indus et la mer Égée. Les royaumes précédents ont effectivement disparu, remplacés parl'organisation administrative de l'empire ; empire qui a d'ailleurs conservé les différentes traditions des empiresconquis et les a refondés en un nouvel ensemble en y introduisant une idéologie nouvelle comme le montrentnotamment l'art achéménide ou certaines traditions administratives. Les éléments proprement iraniens sontprépondérants dans celles-ci. C'est vraisemblablement à travers l'appui que trouvaient les Rois sur la noblessePerse que les Grands Rois Achéménides ont réussi à assurer leur pouvoir aussi longtemps[115].
Cependant, l'extrême diversité des peuples qui composent l'empire rend difficile toute vision précise de la natureexacte de l'emprise du pouvoir royal sur les différentes nations de l'empire. Mais sa structure rendait peut-êtredifficile sa transformation en État-nation. Cette faiblesse permet aux macédoniens de faire aboutir leurs attaquessur l'empire perse. Alexandre reprend à son compte une partie du modèle achéménide et se pose en successeurde Darius III, ce qui lui attire l'opposition de la noblesse macédonienne, qui n'arrive pas à organiser la successiond'Alexandre après son expédition en Inde[115].
La création des grands royaumes séleucides et hellénistiques qui a suivi dans la région est en partie intervenuedans la continuité des pratiques achéménides. Certains rois des pays helléniques et balkaniques reprennent mêmeà leur compte des pratiques sociales des Perses pour créer une communauté de culture avec les nobles du paysconquis[115].